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4.1. CONCLUSION

Mes activités de recherche ont débuté il y a presque 20 ans, lors de mes travaux de thèse dans le domaine des matériaux et des structures isolantes pour le génie électrique. J’ai alors découvert un domaine passionnant et pluridisciplinaire qui reste malheureusement peu enseigné encore aujourd’hui.

Électrotechnicien de formation, j’ai été séduit par ce domaine et ces années passées m'ont ainsi permis d'approfondir et de transmettre mes connaissances dans les composants et systèmes du génie électrique, mais également dans les matériaux isolants et leur comportement sous l'action de contraintes diverses. Nommé Maître de Conférences en 2005 au sein de l’Institut d’Électronique du Sud (IES), après une année d’ATER et 7 ans en tant que chercheur et créateur d’entreprise, je me suis investi dans mes activités de recherche dont une synthèse de l’essentiel de mes travaux est présentée dans ce mémoire.

L’équipe « Structures et Matériaux Isolants pour le Génie Électrique » du Groupe Énergie et Matériaux (GEM) effectue ses recherches sur la fiabilité des matériaux isolants solides, des composants et des structures utilisés en Génie Électrique. L'amélioration de la fiabilité des isolants dans les composants et systèmes passe par la compréhension des divers phénomènes de dégradation ou de vieillissement pouvant conduire à la rupture diélectrique. Les techniques d'études développées par l’équipe permettent, sur un plan fondamental, de mieux comprendre l'origine des charges d'espace, leur évolution dans le temps et ainsi d'établir le lien avec la rupture diélectrique. Sur un plan pratique, les fortes et étroites relations avec le monde industriel du génie électrique que nous avons pu tisser et maintenir, permettent d'optimiser les structures et de choisir les matériaux les mieux adaptés à leurs conditions spécifiques d’utilisation.

Les projets scientifiques dans lesquels je me suis investi s'orientent suivant deux principaux axes de recherche :

• Un premier axe à forte implication industrielle, très proche de l’application « câble de transport d’énergie », concerne pour l’essentiel le développement, la mise au point et le transfert technologique dans l’industrie de techniques de caractérisation de l’isolant des câbles et la compréhension des phénomènes relatif à la charge d’espace pouvant conduire à une baisse de performance dans le temps de ces isolations. Les principales évolutions des outils de caractérisation et les principaux résultats obtenus sur câbles de transport d’énergie, que ce soit pour des applications en courant alternatif ou en courant continu, sont contenus dans ce mémoire. Ils montrent pour l’essentiel que le critère charge d’espace et les techniques qui en permettent la

mesure sont aujourd’hui incontournables dans l’étude, le développement et l’utilisation des câbles de transport d’énergie.

• Le deuxième axe, plus novateur et fondamental, mais non loin des applications industrielles concernent l’utilisation des matériaux nanodiélectriques pour l’isolation des composants et systèmes du génie électrique. Les travaux menés dans cet axe traitent essentiellement de la caractérisation électrique et thermique de ces matériaux innovants avec comme principale préoccupation leur faculté à accumuler ou écouler les charges d’espace mais également leur faculté à dissiper les calories. Ces différentes caractérisations, dont un résumé est présenté dans ce mémoire, ont fortement contribué au développement et au design de matériaux nanodiélectriques innovants pour les « câbles de transport d’énergie » et les « alternateurs de puissance » du futur.

L'ensemble des travaux principalement menés au travers de ces deux axes de recherche a donné lieu, entre autres, à 46 contrats de recherche pour l’essentiel en relation avec l’industrie, à la publication de 20 articles de revues internationales à comité de lecture, à 2 articles de revues nationales à comité de lecture, à 4 chapitres d’ouvrages collectifs, à 3 brochures techniques internationales, à 1 brevet d’invention, à 69 communications dans des conférences internationales, à 7 conférences internationales invitées et à 11 communications en congrès nationaux soumis à lectures et actes, ainsi qu'à l'encadrement ou co-encadrement de 19 DEA/DESS/Master et 5 thèses de doctorat (dont 3 soutenues).

4.2. PERSPECTIVES

Mes principaux projets de recherche et les perspectives qui leur sont associées se situent dans la continuité des activités qui ont été présentées dans la deuxième partie de ce mémoire.

A court et moyen terme

Pour répondre aux besoins croissants en matière de caractérisation des matériaux isolants, composants et systèmes du génie électrique et aux problématiques soulevées par le monde industriel liées aux avancées technologiques de plus en plus performantes, mes projets s’orientent vers deux développements d’outils de caractérisation :

• Le premier s’inscrit dans la suite du système de mesure de champ électrique dans l’isolation des

câbles de transport d’énergie aux dimensions réduites en courant continu, déjà installé en 2000 dans la société Nexans à Calais, et concerne le développement, la mise au point et l’installation d’un système de mesure de champ dédié aux câbles en grandeurs réelles dits « Full size ». En effet, ce projet en cours d’exécution et mené en collaboration avec la société Nexans de Calais, concerne le développement du câble de transport d’énergie pour la liaison haute tension courant continu (HTCC) France-Italie. Il s’agit de mettre en place un essai de type correspondant aux

préconisations du Conseil International des Grandes Réseaux Électriques (CIGRE), dans lequel il est demandé de suivre l’évolution de la charge d’espace dans le temps. Ainsi, un câble présentant 27 mm d’épaisseur d’isolant et une section de conducteur en cuivre de 2500 mm2 pourra être caractérisé au travers des mesures de charges d’espace sous une tension appliquée pouvant atteindre 1,45 fois sa tension nominale, soit 464 kV. Ces liaisons hautes tensions en courant continu étant destinées à relier des stations de conversion utilisant l’électronique de puissance, la société Alstom Grid à Stafford (GB) qui fabrique ces stations de conversion, nous a demandé de développer un système semblable à celui de la société Nexans afin d’étudier le comportement diélectrique de ces liaisons lorsque la source d’alimentation n’est pas parfaitement continue et contient des harmoniques. Ainsi, l’impact des distorsions et des variations de la tension de la source sur l’isolation des câbles pourra être considéré et évalué. Ces deux projets d’envergure, mettant en jeu d’importants moyens, humains, matériels et financiers, constituent une première mondiale dans le domaine.

• Le second concerne le développement de systèmes de mesures de charges d’espace non destructifs

à haute résolution et forte sensibilité. Ces systèmes ouvrent de nombreuses perspectives notamment pour l’analyse des matériaux de faibles épaisseurs mais aussi pour l’analyse des interfaces. En effet, sont concernés les composants de la micro-électronique et plus généralement tout les systèmes isolants en contact avec un conducteur, les accessoires pour la haute tension qui nécessitent la présence d’au minimum deux matériaux isolants de natures différentes, les matériaux isolants composites (multi-couches) et d’un point de vue plus novateur les matériaux isolants nanodiélectriques pour lesquels l’interface joue un rôle essentiel dans leur comportement électrique. Ce développement nécessite des compétences pluridisciplinaires dans les domaines de l’instrumentation, de la thermique, de l’analyse mathématique, du traitement du signal et bien entendu de la physique des matériaux. Plusieurs projets sont déjà en cours d’exécution ou en phase de lancement comme notamment une thèse avec la société Nexans à Lyon (Nexans Research Center) qui sera suivie d’un transfert technologique du système haute résolution développé, et une demande de financement ANR déposée en relation avec l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle de Paris et le laboratoire Laplace de Toulouse.

La volonté actuelle de développer et exploiter au mieux les différentes sources d’énergies renouvelables pousse les acteurs du secteur énergétique à étudier le transit de puissance en courant continu. L’utilisation de câbles synthétiques en polyéthylène réticulé dans la réalisation d’interconnexion à courant continu permet un gain en transit de l’ordre de 8% par rapport à une technologie en papier imprégné. Des études sont actuellement menées pour comprendre les cinétiques de dégradation dans le temps des isolants synthétiques soumis à une contrainte électrique continue. Cette problématique a été largement étudiée en régime alternatif (AC), un peu moins lorsque ceux-ci sont utilisés en courant continu (CC).

En effet, de par la sollicitation électrique constante soumise à l’isolation des câbles HTCC, le renforcement de champ local lié à la présence de charges d’espace, peut engendrer une accélération du vieillissement. De plus, la résistivité électrique de l’isolant en courant continu dépend fortement de la température du champ électrique et de la température. Ainsi, la combinaison des gradients électriques et thermiques appliqués à l’isolation des câbles conduit à une modification de la distribution du champ électrique dans l’isolant. Il est donc indispensable d’étudier les mécanismes de vieillissement des isolants sous contraintes continues et de générer une loi de vieillissement qui prend en compte l’influence des phénomènes tels que les charges d’espace, la température ou encore le champ électrique. Ces travaux font l’objet de la thèse d’Aurélien HASCOAT en contrat CIFRE avec EDF en collaboration avec les sociétés RTE et Borealis.

A plus long terme

Étudier et modéliser le comportement des « nouveaux » matériaux, composants et systèmes isolants destinés aux applications électrotechniques du futur. Ce domaine relativement vaste concerne :

• Les réseaux haute tension à courant continu (HTCC) qui mettent en jeu des moyens de transport

d’énergie tels que les câbles isolés mais aussi des « accessoires » comme les disjoncteurs, les jonctions, les extrémités. Les puissances de plus en plus importantes à transiter qui induisent des tensions de plus en plus élevées (plusieurs centaines de kiloVolts) mais aussi de très forts courants. L’association de ces contraintes « sévères », tant sur le plan électrique que thermique nécessite des développements de matériaux innovants de plus en plus performants. Ces matériaux requièrent des caractéristiques combinées comme une bonne tenue au champ électrique avec une faible accumulation des charges d’espace et une bonne dissipation de la chaleur.

• Parmi ces matériaux « innovants », nous retrouvons le concept « nanodiélectrique » dont les

bienfaits dans le monde du génie électrique ont déjà été discutés dans les travaux présentés dans ce mémoire mais également à travers les nombreux travaux de notre communauté scientifique. Cependant, étant donné la complexité des ces matériaux puisque l’ajout de nanoparticules agit directement sur la structure même du matériau, les procédés de mise en œuvre qui évoluent sans cesse (mélange, croissance in-situ, sol-gels, colloïdes …), l’émergence de nouvelles particules aux propriétés plus ou moins bien maîtrisées, il est nécessaire d’approfondir leur analyse afin de bien comprendre les phénomènes diélectriques présents dans ces matériaux. La maîtrise de ces phénomènes doit passer par la compréhension des phénomènes d’interfaces en lien étroit avec le projet de développement à court terme d’un équipement de mesures à haute résolution et forte sensibilité. Le but étant de contribuer au développement et à l’optimisation de ces nouveaux matériaux « nanodiélectriques » à travers leur caractérisation et assurer l’interface entre leur synthèse et leur utilisation.

L’ensemble de ces projets devrait s’inscrire en partie dans les actions de l’Institut d’Excellence sur les Energies Décarbonées « IEED » intitulé « Supergrid » dédié aux réseaux de transport électrique du futur, qui vient de démarrer cette année et s’étale sur les dix prochaines années pour un budget de plusieurs dizaines de millions d’Euros dans sa totalité.

Le marché mondial du Supergrid est un marché en croissance estimé à plus de 15 milliards d'euros par an à l'horizon 2020. Il est composé de systèmes électrotechniques des réseaux, de systèmes de gestion des flux d'énergie et de câbles de transport.

Cet institut a pour objectif de développer les technologies pour le Supergrid, à savoir les futurs réseaux de transport de l'énergie électrique, utilisant du courant continu et du courant alternatif à fortes tensions (de l'ordre d'un million de volts), conçus pour acheminer à grande-échelle de l'énergie produite par des sources renouvelables éloignées des centres de consommation, dont une partie significative se trouve en mer (off-shore), et qui permettront en lien avec des moyens de stockage flexibles, de gérer le caractère intermittent des énergies renouvelables et d'assurer la stabilité et la sécurité du réseau. Parmi les porteurs du projet, on retrouve des acteurs académiques comme le CNRS, le laboratoire Ampère et des industriels comme Nexans, Alstom, EDF, RTE, avec qui nous collaborons au travers de nos activités de recherche. Nous devrions intégrer le quatrième programme, parmi les cinq proposés, qui traitera des câbles, notamment pour les liaisons sous-marines et des nanomatériaux conducteurs et isolants.