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CHAPITRE I - CONTEXTE DE L’ÉTUDE

2. LES MOUCHES DES FRUITS DANS LE MONDE ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE

2.1. Connaissances biologiques actuelles sur les Tephritidae

2.1.5. Biologie sensorielle

2.1.5.2. Olfaction : phéromones, paraphéromones et kairomones

modifier le comportement et/ou la physiologie des êtres vivants (Strebler 1989). Chez les Tephritidae ces substances sont à la base de la détection aux frontières, du monitoring et des stratégies de lutte au champ (Jang et Light 1996). Ces auteurs précisent aussi que le système phéromonal des Mouches des fruits ne répond pas indépendamment des autres odeurs comme les volatils végétaux ou alimentaires et qu’il serait indispensable d’obtenir plus d’informations sur l’intégration de l’élaboration des substances et des comportements induits par les multiples stimuli. Les organes olfactifs des Tephritidae sont placés majoritairement sur les antennes (Figure 20) et en particulier sur le funicule, troisième segment antennaire (Nakagawa et al. 1973) ainsi que dans les palpes du labium. Il semblerait que certains récepteurs olfactifs soient aussi placés sur les ailes (Rice 1989).

a. Phéromones

C’est Karlson et Butenandt (1959) qui pour la première fois introduisent le terme de « phéromone » du grec pherein (porter) et horman (exciter, stimuler). Ce terme a été créé pour désigner les substances qui sont sécrétées par un animal (l’émetteur) vers l’extérieur et qui entraîne une réaction spécifique chez un autre animal (le récepteur) généralement de la même espèce.

Chez les Tephritidae, les phéromones sont utilisées par les mâles pour attirer les femelles peu avant les phases d’accouplement. Plusieurs études ont permis de mettre en évidence cette attractivité dont l’un des meilleurs outils reste l’olfactomètre. Tout en développant un modèle d’olfactomètre, des auteurs ont montré la réponse aux phéromones sexuelles chez la Mouche de la Cerise, Rhagoletis cerasi (Katsoyannos et al. 1980).

Ceratitis capitata et C. rosa ont fortement répondu lors d’essais conduits en olfactomètre (du type Katsoyannos et al. 1980) avec respectivement 40,01 % et 20,91 % de mouches attirées sur l’ensemble des mouches soumises aux odeurs (Mille 1994). Ces essais étaient conduits lors des pics respectifs d’activité sexuelle des deux espèces. La production et l’émission de phéromones chez C. capitata et C. rosa sont caractérisées par l’extrusion d’une ampoule anale qui laisse percoler les phéromones, accompagnée du battement rapide des ailes déjà décrit plus haut (Féron 1962). Toujours chez C. capitata, en plus de leur rôle d’attractif sexuel envers les femelles, les phéromones auraient aussi un rôle de reconnaissance entre mâles particulièrement pendant le lek (Levinson et al. 1990).

Chez Bactrocera cucurbitae, le mécanisme d’émission des phéromones est différent. Pendant la phase d’appel pré-copulatoire, les phéromones liquides sont excrétées par l’anus. Ces phéromones liquides sont brossées avec le tarse des pattes postérieures puis sont déposées sur les microtriches des cellules cubitales alaires. Lors des battements d’ailes, le frottement rapide des microtriches sur les pectens (situés sur le troisième segment abdominal) permet de pulvériser les phéromones liquides dans l’air. La visualisation de l’émission des phéromones a été rendue possible grâce à l’étude de Kuba et Sokei (1988) (Figure 21).

b. Phéromones de marquage ou inhibiteurs de ponte

Prokopy (1972) a mis en évidence pour la première fois les phéromones de marquage chez Rhagoletis pomonella. Cet auteur a remarqué que suite au dépôt des œufs, aussi bien en laboratoire qu’au champ, les femelles raclaient la surface du fruit pendant environ 30 secondes avec leur ovipositeur extrudé.

Dans sa classification des relations sémio-chimiques, Strebler (1989) classe ces phéromones de marquage au sein des « phéromones de régulation » sous le terme d’« Inhibiteurs de ponte », qui « évitent les pontes multiples dans le même hôte ».

Ce comportement est défini comme un signal d’un émetteur vers un probable récepteur (Nufio et Papaj 2001), sont donc exclus de ces phéromones de marquage les possibilités d’évaluation de la présence de stades immatures conspécifiques (œufs et larves) par des stimuli visuels ou tactiles comme cela a été vérifié chez Anastrepha suspensa (Sivinski 1987) et chez Bactrocera tryoni (Fitt 1984). Ceci est également connu chez un Tephritidae auxiliaire inféodé aux boutons floraux du chardon doré et du bleuet des champs [respectivement Centaurea solstitialis et C. cyanus (Asteraceae)]. En effet, Pittara et Katsoyannos (1990) ont mis en évidence ces phéromones de marquage ou inhibiteurs de ponte chez Chaetotorellia australis, qui les dépose immédiatement après la ponte en raclant son ovipositeur à la surface du bouton floral.

Dans le genre Bactrocera, et juste après avoir pondu, les femelles de B. oleae aspirent du « jus » sortant des blessures de pontes sur les olives et étalent ce jus sur la surface signalant ainsi l’occupation du fruit (Cirio 1971 in Prokopy et al. 1989b). Par ailleurs, les femelles d’autres espèces de Bactrocera (B. cucurbitae, B. oleae, B. jarvisi et B. tryoni) sont capables de détecter les fruits occupés par la décomposition des tissus accompagnant l’alimentation des larves (Prokopy et Koyama 1982, Fitt 1984, Prokopy et al. 1989b).

Par ailleurs, chez Ceratitis capitata, Papaj et al. (1992) ont montré que (1) les piqûres préalablement réalisées sur les fruits stimulaient les pontes en présence ou en absence d’inhibiteurs de ponte ; (2) les extraits d’inhibiteurs de ponte interdisaient toutes les pontes avec ou sans piqûres préalables et (3) l’amplitude à laquelle les inhibiteurs de ponte prévenaient la ponte, était plus grande sur les fruits indemnes que sur les fruits piqués préalablement.

Prokopy et al. (1976) ont confirmé la présence de ces inhibiteurs de ponte également chez plusieurs autres espèces du genre Rhagoletis, R. pomonella, R. fausta, R. cingulata, R. indifferens, R. mendax, R. cornivora et R. tabellaria.

Chez Rhagoletis pomonella, (Prokopy et al. 1982, in Averill et Prokopy 1989) ont situé le site de production de l’un des principaux composés des phéromones de marquage dans la région moyenne de l’intestin appelée le mésentéron.

Ces phéromones de marquages pourraient avoir de grandes possibilités de développement en termes de lutte au champ, mais malheureusement il semble qu’elles soient inexistantes pour le genre Bactrocera. En effet, Shelly (1999) pense que le défaut de phéromones de marquage pour ce genre (à l’opposé des espèces des genres Anastrepha, Ceratitis et Rhagoletis) a été remplacé par l’agressivité (intra- ou interspécifique) entre femelles lors des ovipositions sur un même site de ponte, toujours dans le même but de minimiser les pontes multiples et favoriser les chances de la descendance.

Sur le plan évolutif, Fitt (1981) suggère que cette absence de phéromones de marquage serait un caractère primitif des Dacinae, comparativement aux représentants de la sous-famille des Tephritinae. Il étaye cette hypothèse par le fait que les ressources sont limitées dans le temps et dans l’espace notamment dans le cas des espèces de Rhagoletis inféodées à une seule espèce fruitière. A noter qu’une seule mouche de la Famille des Dacinae possède des phéromones de marquage, il s’agit de Bactrocera oleae, espèce oligophage seulement inféodée à l’olive.

Figure 20 – Schéma de l’antenne du genre Bactrocera. A : arista ; F : funicule ; P : pédicelle ; S : scape (premier article antennaire) (D’après Drew et al. 1982).

Figure 21 – Pulvérisation des phéromones chez Bactrocera cucurbitae : (A) au-dessus et vers l’avant ; (B) le mâle envoie ses phéromones vers la femelle à gauche (D’après Kuba et Sokei 1988)

c. Paraphéromones

Cunningham (1989) décrit les paraphéromones comme « l’un des plus grands mystères de la biologie des Tephritidae ». En effet, ces substances introuvables spontanément dans la nature, s’avèrent extrêmement attractives pour les mâles et dans certains cas des femelles, selon leur stade physiologique. Inhabituelles, ces substances ne sont donc pas utilisées dans les relations interspécifiques, mais elles entraînent des réactions similaires à celles occasionnées par les phéromones. Elles seraient des substances intermédiaires lors de la fabrication des phéromones et auraient donc de ce fait, une forte attractivité (Sivinsky et Calkins 1986).

Une majorité de mouches du genre Bactrocera répondent au cue-lure, et dans une moindre mesure, plusieurs espèces répondent au méthyle-eugénol en particulier B. dorsalis (absente de Nouvelle-Calédonie mais dont la surveillance aux frontières est indispensable) et B. umbrosa.

Raghu (2004) a réalisé une revue des deux principales hypothèses quant à la signification fonctionnelle des attractifs phytochimiques chez les Dacinae. La première développée par Robert Metcalf (Metcalf 1979, Metcalf et al. 1979, Metcalf et al. 1981, Metcalf et al. 1983), est « l’hypothèse de l’hôte ancestral » confortant la théorie que ces attractifs agissent comme des kairomones. La seconde est « l’hypothèse de la sélection sexuelle » (Shelly et Dewire 1994, Shelly et al. 1996) et propose que ces attractifs sont des précurseurs des phéromones utilisées lors du rapprochement des sexes. La première apporte une explication évolutionniste dite ultime à la réponse des Dacinae aux attractifs, alors que la seconde supporte une explication écologique et comportementale dite proximale à cette réponse des Dacinae aux attractifs.

d. Kairomones

Ces substances attirent un organisme généralement mobile, par exemple un phytophage vers un autre, souvent une plante, ou autrement dit, d’un consommateur vers l’hôte consommé (Strebler 1989). D’une manière générale, les kairomones sont donc les odeurs émanant d’une plante ou plus précisément et dans le cas présent, des fruits.

Fletcher et Prokopy (1991) ont mentionné une donnée non publiée (de Green et Prokopy) sur la possibilité qu’ont les femelles de Tephritidae de détecter une odeur de fruit à une distance d’au moins 20 mètres.

Les applications en ce domaine pourraient être la création d’un attractif permettant de piéger les femelles avant qu’elles ne provoquent les dégâts sur les fruits, ou encore dans le cadre du monitoring afin d’obtenir une meilleure estimation des populations présentes dans les vergers. Mais le piège idéal n’existe pas… (Diaz-Fleischer et al. 2009).

Prokopy et Vargas (1996) ont montré que le prétendu fruit originel de Ceratitis capitata, la baie du caféier (Coffea sp.), écrasé ou non, est toujours significativement plus attractif que n’importe quel autre fruit, également écrasé ou non. Le fruit originel aurait donc une attractivité plus importante et pourrait être utilisé dans l’attraction des femelles responsables des dégâts.