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8. DISCUSSION

8.3 OFFRE DE SIS EN MONTÉRÉGIE : INTÉRESSANTE MAIS NON

PRIORITAIRE

8.3.1 Les incontournables pour optimiser les bénéfices d’un SIS en Montérégie

Dans le cadre de ce projet de recherche, l’implantation d’un SIS en Montérégie a été utilisée comme véhicule de réflexion sur l’amélioration de l’offre de services dédiés aux UDI dans la région. Une variété de conditions ont été soulevées afin que l’acceptabilité d’une telle intervention soit garantie par les différentes parties intéressées. En ce qui a trait aux UDI mêmes, une approche participative lors de l’élaboration, de l’implantation et du maintien de l’intervention doit être mise de l’avant, afin de s’assurer qu’elle réponde bel et bien à des besoins ressentis. Celle-ci est d’autant plus importante vu le caractère vulnérable de la population UDI, puisqu’elle permet une autonomisation (empowerment) de celle-ci. (150) Les acteurs stratégiques œuvrant de près ou de loin auprès des UDI devraient aussi être consultés tout au long de ce processus, afin qu’ils puissent mettre leur expertise au profit des UDI dans un contexte qui leur conviendra également. Ceux-ci devraient également être sollicités pour situer le SIS dans l’ensemble de l’offre de services offerts aux UDI en Montérégie. En ce qui concerne la population

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générale montérégienne, des efforts de sensibilisation importants doivent la cibler, afin de l’informer de l’existence de la population UDI sur le territoire, des problématiques vécues et des solutions à celles-ci.

8.3.2 Des attentes colossales face au SIS

Selon les participants des groupes de discussion consultés, un SIS en Montérégie représenterait une solution à plusieurs problèmes. Tout d’abord, plusieurs bénéfices potentiels pour les UDI déjà identifiés dans la littérature ont été mentionnés, tels que la diminution du partage de matériel d’injection (92), des taux de VIH (14) et d’autres infections liées à l’injection (15), de même que du nombre de décès par surdoses (16) et de la gravité des surdoses non fatales. (17) Il a également été noté qu’un meilleur accès aux traitements de dépendance (93, 94) en résulterait, tout comme une utilisation plus appropriée des ressources hospitalières. (19) La réduction de la fréquence d’injections en public et du nombre de seringues à la traîne (20, 21) représentent également des avantages d’un SIS en Montérégie mentionnés par les participants des groupes de discussion qui ont été confirmés par la littérature. Il en est de même pour une collaboration policière accrue. (97) En plus de ces avantages, les participants ont indiqué que la présence d’un SIS en Montérégie serait susceptible de permettre une harmonisation des ressources, puisque les personnes qui ont la charge des services offerts sur place auraient à se consulter lors de la conception et la mise en œuvre de l’intervention. Une mise en commun desdites ressources aurait également lieu, l’UDI pouvant alors bénéficier de celles-ci en un même endroit.

Ensuite, les participants ont identifié plusieurs avantages qu’une telle intervention aurait sur la population UDI montérégienne au-delà des murs d’un SIS. Ces avantages sont distaux à l’intervention et ne peuvent donc être prouvés dans la littérature disponible. Ainsi, tel que ce fut le cas dans le cadre de ce projet de recherche, l’intérêt suscité par un SIS pourrait relancer la discussion sur l’offre de services dédiés aux UDI chez les acteurs stratégiques œuvrant auprès d’eux et chez les décideurs. Il pourrait en résulter une compréhension plus approfondie des enjeux associés à la population UDI montérégienne

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et une adaptation de ladite offre de services aux besoins ressentis de celle-ci. De plus, de tels échanges pourraient permettre la mise sur pied de nouveaux programmes destinés aux UDI, tels qu’un réseau de pairs aidants ou des instances de représentation. Un autre avantage lié à l’implantation d’un SIS en Montérégie serait une meilleure connaissance de la population UDI de la région, puisque certaines données pourraient être colligées plus facilement auprès des usagers. Le simple fait qu’un SIS soit implanté pourrait également contribuer à l’acceptation par les UDI de leur propre problématique de toxicomanie et des conséquences de celle-ci, puisqu’ils sentiraient que la société qui les a souvent rejetés tente maintenant de leur apporter un certain soutien.

8.3.3 Un SIS en Montérégie : oui, mais…

L’implantation d’un SIS en Montérégie semble fortement désirée, mais pas dans l’immédiat. Bien que l’idée d’un SIS en Montérégie ait reçu l’approbation générale des participants des groupes de discussion, ceux-ci ont rapidement indiqué plusieurs conditions préalables à son implantation. En effet, dans le contexte montérégien actuel, d’autres priorités en lien avec les UDI, telles qu’une amélioration de l’offre de services déjà en place, ont préséance sur la venue d’une nouvelle intervention. De plus, il semblait logique pour tous qu’un SIS doive d’abord être implanté à Montréal avant qu’un SIS ne voit le jour en Montérégie, puisque la concentration de la population UDI y est plus importante et que les besoins de celle-ci, autant en termes de santé physique que psychosociale, y sont plus criants. Les SIS du Québec ne pourront pas copier entièrement le modèle d’Insite à Vancouver, puisque les pratiques et le contexte de consommation du Québec sont différentes. Entre autres, la consommation par injection de cocaïne est plus commune que celle d’héroïne au Québec, alors que le contraire est observé dans la province de l’ouest du pays. (151) Cette considération est primordiale, puisque la fréquence d’injection est habituellement beaucoup plus élevée chez les cocaïnomanes que chez les héroïnomanes, selon le Canadian HIV/AIDS Legal Network. (152) Pourtant, des analyses montréalaises ont démontré au contraire un nombre mensuel médian d’injections plus élevé chez les UDI s’injectant le plus souvent de l’héroïne que chez ceux s’injectant le plus souvent de la cocaïne. (153) Bien qu’un SIS à Montréal pourrait servir de modèle

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pour l’implantation d’une telle intervention en Montérégie, il est important de considérer les différences dans les contextes de ces régions. Par exemple, l’étendue géographique impose à certains Montérégiens d’importants déplacements, ce qui pourrait être problématique pour les UDI une fois qu’ils se seront injectés leur substance au sein du SIS. Afin de minimiser l’effet de différentes barrières en lien avec le contexte montérégien, telles que l’étendue du territoire et de la population UDI, il faudrait que les modalités d’une offre de SIS en Montérégie soient discutées amplement avec l’ensemble des parties intéressées. Certaines difficultés découlant de l’implantation d’un SIS pourraient également affecter directement les acteurs stratégiques œuvrant auprès des UDI, comme c’est le cas pour l’augmentation de leur charge de travail et l’engorgement possible des services dédiés aux toxicomanes en Montérégie. Finalement, des enjeux de faisabilité économique, politique et légale doivent être considérés. Le contexte actuel de restrictions financières à tous les niveaux politiques, de conservatisme fédéral et de mandats de répression policière cohérents avec une approche prohibitionniste, offre peu d’opportunités pour que les promoteurs de SIS soient entendus.

8.3.4 Le SIS n’est pas une panacée à tous les maux des UDI

Bien que les participants des groupes de discussion semblent fort optimistes quant aux conséquences positives que pourrait avoir un SIS sur la population UDI, certains problèmes vécus par ces derniers ne trouveraient pas une solution dans cette intervention. C’est le cas, entre autres, des problèmes de santé qui ne sont pas liés directement avec la consommation de substances psychoactives et qui nécessitent un recours à la deuxième ou troisième ligne de soins. Par exemple, un UDI diabétique aux prises avec une rétinopathie ou une néphropathie devra consulter un médecin spécialiste pour le suivi de telles affectations. Les obstacles auxquels il aurait fait face en utilisant les services hospitaliers de première ligne seront tout aussi présents, sinon pires, vu la complexité des suivis médicaux requis et un contexte de désorganisation personnelle souvent présent chez l’UDI. Un SIS permet de rejoindre les UDI pour répondre à leurs besoins de base et les référer aux services pertinents lorsque les ressources nécessaires surpassent les capacités du personnel en place. (10) Ainsi, cette intervention agit comme lien entre les

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UDI et le système de santé et de services sociaux. Dans l’éventualité où un SIS verrait le jour en Montérégie, sa mission ne devra donc pas se limiter à son enceinte, mais bien aller au-delà de ses murs pour qu’une vision commune de l’approche à adopter auprès des UDI soit également comprise par les professionnels du système de santé et de services sociaux qui les recevront.

8.4 SANS UN SIS, TROIS FAÇONS DE BONIFIER L’OFFRE DE SERVICES