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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Mercredi 6 octobre 2021

- Présidence de M. Cédric Perrin, vice-président - La réunion est ouverte à 10 h 40.

Projet de loi de finances pour 2022 - Audition de M. Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor

M. Cédric Perrin, président. – Nous accueillons M. Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor.

Monsieur le directeur général, vous occupez cette fonction depuis novembre 2020 et c’est la première fois que nous vous entendons à propos du budget de l’aide publique au développement (APD), dont un volet essentiel dépend de votre direction générale. Je rappelle en effet qu’au sein du ministère de l’économie, des finances et de la relance, la direction générale du Trésor (DGT) est responsable du programme 110 « Aide économique et financière au développement ». Celui-ci porte, aux côtés du programme 209 du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la mise en œuvre de la politique française d’aide publique au développement. La direction générale du Trésor est également chargée du programme 851, qui porte notamment des crédits relatifs à des prêts concessionnels, en faisant appel, pour leur réalisation, à des biens et services produits en France, ce qui constitue de l’aide publique au développement dite « liée ». Enfin, la DGT est responsable du programme 852, qui permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France. S’agissant du programme 110, il concentre d’abord les crédits destinés à des institutions multilatérales de développement ainsi qu’au financement des annulations de dette. Il comprend également des crédits d’aide bilatérale, notamment les crédits de bonifications visant à abaisser le coût des prêts de l’Agence française de développement (AFD) pour les pays emprunteurs. Pour 2022, ses crédits s’élèvent à 3,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1,8 milliard en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation très substantielle par rapport à 2021.

Monsieur le directeur général, pourriez-vous nous brosser un tableau succinct des différentes institutions auxquelles la France apporte ainsi des contributions souvent massives ? Comment nous efforçons-nous de faire converger l’action de ces fonds avec nos grands objectifs, réactualisés par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ? Pourriez-vous, en particulier, évoquer le Fonds vert pour le climat, auquel la France va encore accroître sa contribution en 2022 ?

Le programme 110 intervient également au niveau du traitement de la dette.

Pouvez-vous nous indiquer si l’initiative visant à alléger la dette des pays les plus vulnérables en 2020 à la suite de la crise du Covid connaîtra des prolongements ? Nous pensons bien entendu aux États africains, dont certains sont désormais dans l’incapacité de contracter de nouveaux emprunts.

Dans ce domaine des prêts, quels sont les acteurs autres que la France sur le continent africain, et quelle appréciation portez-vous sur leurs actions ? Un récent rapport américain relayé par Le Monde montre que les financements chinois à destination des pays en développement dépassent désormais l’ensemble des financements d’APD, mais avec des conséquences parfois catastrophiques pour les pays emprunteurs. La question vaut aussi pour la Russie, la Turquie ou encore certains pays du Golfe.

Enfin, la DGT est-elle impliquée dans la création de la nouvelle commission d’évaluation qui constitue un apport essentiel de la loi du 4 août 2021 ? Des financements sont-ils prévus du côté du ministère des finances ? Quelles sont les prochaines étapes de cette création ?

M. Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor. – Je vous remercie de votre invitation. Certains événements, notamment le Covid, nous ont empêchés de mener un dialogue régulier avec votre commission ; or c’est important, compte tenu des enjeux budgétaires de l’aide publique au développement, qui nous incombe, conjointement avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ce dernier prend plutôt en charge les aides sectorielles hors climat et les dons, tandis que le ministère de l’économie, des finances et de la relance, et en son sein le Trésor, a la responsabilité du volet économique et financier, c’est-à-dire les prêts et les annulations de dette, les relations avec les grands fonds multilatéraux et les banques multilatérales de développement ainsi que les interventions pour l’environnement et le climat, étroitement liées à certains instruments financiers et indissociables de la politique économique et de la croissance.

Je remercie le Sénat du succès de la commission mixte paritaire sur la loi du 4 août 2021, qui a permis sa promulgation rapide, avant l’automne. Cette loi rappelle les objectifs du Gouvernement en matière d’APD, ceux d’une politique ambitieuse d’augmentation des moyens afin d’anticiper les grandes crises de demain, qu’elles soient environnementales ou sanitaires, de lutter contre le développement des inégalités, de préserver les biens publics mondiaux et d’aller vers une croissance plus résiliente, plus inclusive et plus durable. Nos priorités thématiques sont claires : santé, préservation du climat et de la biodiversité, éducation, égalité entre les femmes et les hommes. Nos priorités géographiques le sont tout autant : 85 % de l’effort de l’État, via l’AFD, cible l’Afrique, le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Ces priorités se traduisent par des méthodes refondées, avec des partenariats noués avec des collectivités locales et le secteur privé, une culture de l’évaluation, un pilotage plus efficient de l’AFD et le renforcement des institutions multilatérales, mises à rude épreuve lors du mandat du précédent président des États-Unis. Les paroles se transforment en actes : l’accroissement de notre effort financier a été acté par le Président de la République. En 2021, l’APD atteindra 0,7 % du revenu national brut (RNB). Si l’on exclut le traitement de la dette du Soudan pour 4,4 milliards d’euros, l’APD sera à 0,52 % du RNB, après 0,53 % en 2020 et avant 0,56 % en 2022. On constate une véritable progression : en cinq ans, les crédits de l’APD auront augmenté de 70 %, sans prendre en compte le don de doses de vaccin.

Nous conservons des points de vigilance. Tout d’abord, nous voulons favoriser la mobilisation des ressources internes des pays que nous aidons. Certains ont des taux de prélèvements obligatoires de 5 %. La très faible mobilisation de la ressource fiscale entraîne le recours à l’emprunt, ce qui n’est pas sain. La France apporte l’assistance technique de la direction générale des finances publiques, pour une mobilisation volontariste des ressources intérieures. Ensuite, la vigueur de l’entreprenariat africain constitue un motif d’espoir. Ce sont les entrepreneurs qui construisent l’avenir du continent. Nous avons souhaité aider cette éclosion d’initiatives avec l’opération Choose Africa Resilience de Proparco, qui mobilise

160 millions d’euros de garanties de l’État pour octroyer 500 millions d’euros de prêts garantis ou de crédits d’urgence en faveur de petites et moyennes entreprises (PME) en Afrique. L’objectif est d’atteindre un milliard d’euros en 2021. Nous préparons également la future Alliance pour l’entrepreneuriat en Afrique, annoncée lors du sommet du 18 mai 2021 organisé par le Président de la République à Paris et qui vise à mobiliser des partenaires financiers et techniques nationaux et multilatéraux au service du secteur privé africain. La montée en puissance du secteur privé se traduit par la progression des prêts du Trésor non concessionnels, à des conditions de marché, dans des États confrontés à un manque de liquidités. Ce n’est pas comptabilisé comme de l’APD.

Dernière priorité, l’alignement complet de notre politique de développement et des organisations multilatérales sur l’accord de Paris.

Nous finançons douze fonds multilatéraux régionaux, comme la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement, des fonds globaux, comme l’Association internationale de développement (AID), des fonds thématiques, comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds international de développement agricole (FIDA), et enfin des fonds à la fois régionaux et thématiques, comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), ciblée sur le secteur privé, et la Banque asiatique d’investissement, qui concerne les infrastructures.

Concernant l’AID, branche concessionnelle de la Banque mondiale, nous avons souhaité une reconstitution anticipée d’un volume global de 90 milliards de dollars, soit une augmentation de 10 %. En volume de prêts ou de dons, la France contribuerait à hauteur de 1,8 milliard de dollars, soit 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022.

La transition écologique figure parmi nos priorités. Le Président de la République a annoncé un objectif de 6 milliards d’euros annuels au titre de la finance consacrée au climat à partir de 2021, afin d’apporter notre contribution à l’objectif de 100 milliards d’euros par an au niveau mondial prévu par l’accord de Paris. L’engagement de cinq milliards au titre de 2021 a été tenu. Le Fonds vert pour le climat est l’instrument le plus emblématique de transferts financiers du Nord vers le Sud en contrepartie de réductions d’émissions : c’est l’instrument financier de l’accord de Paris. La contribution française a doublé dans le cadre de la dernière reconstitution : nous engageons 1,5 milliard d’euros pour la période 2020-2023, ce qui fait de la France, qui en copréside le conseil d’administration, le troisième contributeur.

Nous poussons à une amélioration de la gouvernance du fonds. Dans le cadre de la reconstitution du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) prévue en 2022, pour la période 2023-2026, la contribution française augmentera significativement : nous souhaitons que le FEM devienne le principal fonds multilatéral dédié à l’environnement et à la biodiversité. L’alignement des institutions multilatérales sur les objectifs de l’accord de Paris implique des objectifs renforcés en matière de finance consacrée au climat, afin d’accélérer la sortie des énergies fossiles, à commencer par le charbon et le pétrole. Cela nécessite également un renforcement de l’assistance technique et la mobilisation de la finance privée.

Le solde de dette des pays d’Afrique subsaharienne a triplé par rapport au point bas atteint après l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). Ce n’est pas entièrement négatif : la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont eu accès aux marchés financiers internationaux, ce qui dénote une confiance de ceux-ci dans la croissance de ces pays, mais cela accroît également la vulnérabilité de certains pays dont les créanciers bilatéraux font preuve d’une flexibilité limitée. Face à la crise, une suspension du service de la dette a été décidée par le

G20 et le Club de Paris, et a été prolongée à deux reprises, au bénéfice de vingt-cinq pays africains, pour un total de 2,5 milliards de dollars. Un cadre commun pour les futurs traitements de dette a été mis en place. C’est une avancée historique, car son périmètre associe dette publique et dette privée, ainsi que les principaux créanciers bilatéraux émergents, dont la Chine. Notre objectif consiste à faire entrer cette dernière dans les instances où la dette est renégociée. Le Tchad, l’Éthiopie et la Zambie ont demandé à entrer dans ce cadre ; pour les deux premiers, nous avons accordé des assurances de financement. Nous avons également conclu des accords d’annulation de dette avec la Somalie et le Soudan ; dans ce dernier cas, il s’agissait de marquer la mobilisation de la communauté internationale, en particulier de la France, en faveur de la révolution soudanaise et de la transition démocratique dans ce pays.

Dans le cadre du Club de Paris, nous avons, enfin, passé un accord avec l’Argentine et avec Cuba, confronté à une situation financière dramatique.

La Russie, la Turquie et la Chine proposent parfois des offres plus concurrentielles aux pays où intervient l’AFD, ce qui limite la capacité d’absorption de nouveaux prêts par ces pays. La Chine est très présente en Afrique de l’Est, en particulier en Éthiopie et au Kenya, dans le cadre du projet des routes de la soie. Cependant, les flux chinois vers l’Afrique se ralentissent, en raison de la crise et des réticences croissantes de certains pays, instruits par les négociations bilatérales difficiles qu’ont connues leurs voisins. Enfin la Chine cherche à s’insérer davantage dans les instances internationales, comme pour le cadre commun de traitement de la dette. C’est un processus complexe et assez long : la Chine n’a pas l’expérience des pays occidentaux en la matière, la création du Club de Paris remontant à 1956, mais nous enregistrons des progrès.

Enfin, l’AFD, la DGT et la Direction générale de la mondialisation travaillent conjointement à la mise sur pied, au premier semestre 2022, de la commission d’évaluation, prévue par la loi du 4 août 2021. Les discussions portent sur les modalités de fonctionnement de la commission, l’organisation des travaux et la liste d’experts indépendants prévue par la loi. La DGT a prévu d’abonder les crédits de fonctionnement de la commission à hauteur de 3,5 millions d’euros sur le programme 110.

Christophe Bories, sous-directeur chargé des affaires financières multilatérales et du développement, m’aidera à répondre à vos questions.

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis des programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement ». – Je suis, avec Rachid Temal, co-rapporteur du budget de l’aide publique au développement. Le programme 110 est sectorisé en trois thématiques, dont l’une couvre les prêts de l’AFD aux pays les plus pauvres. Quels sont aujourd’hui les principaux pays susceptibles de bénéficier de prêts concessionnels, sachant que de nombreux pays africains sont déjà surendettés par les prêts chinois ? Exercez-vous une vigilance particulière sur ce point au sein du conseil d’administration de l’AFD ?

L’Agence vient d’être mise en cause par Mediapart et Disclose pour avoir financé certains projets non conformes à nos objectifs climatiques et environnementaux. En tant qu’instance siégeant au conseil d’administration, quelle est l’appréciation de la DGT ? Les procédures de contrôle interne et externe sont-elles suffisantes pour que les projets répondent aux critères sociaux, environnementaux et de lutte anticorruption fixés par l’État ?

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis des programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement ». – Cette audition revêt une importance particulière alors que le projet de loi de finances pour 2022 sera le premier budget voté après

la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Son enjeu consiste à vérifier l’adéquation entre ce que nous avons adopté et les mesures prises. Le Fonds pour l’environnement mondial et le Fonds vert pour le climat semblent avoir des objectifs très similaires. Comment s’articulent-ils ? La contribution des principaux pollueurs que sont la Chine et les États-Unis est-elle à la hauteur de leur impact environnemental ? Dans le cadre de cette loi du 4 août, constate-t-on une évolution dans la part respective des dons et des prêts ? Le sujet a fait débat, et le Sénat a contribué à recentrer l’AFD sur les dons qui sont, nous semble-t-il, sa mission première.

Quelle est l’évolution des financements au bénéfice des dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit sont en Afrique subsaharienne, et quel est le contrôle exercé sur l’AFD à cet égard ? La liberté de cet opérateur ne manque pas d’interroger.

Lors de l’examen du projet de loi, la question du criblage de l’aide avait suscité des débats nourris. Le ministre nous avait alors indiqué qu’un rapport sur ce thème serait remis durant l’été. En avez-vous des nouvelles ?

M. Jacques Le Nay. – Se dirige-t-on vers un reversement d’une part supérieure de la taxe sur les transactions financières au budget de l’APD française ?

Comment la France continuera-t-elle de participer à la coopération sanitaire ? Enfin, la hausse des prix de l’énergie aura-t-elle des conséquences sur l’économie mondiale, alors que la dette publique mondiale atteint déjà 100 % du PIB planétaire ?

M. Alain Joyandet. – L’explosion du volume de l’APD au cours des dix dernières années a été globalement salutaire, notamment en termes de rayonnement international, même si elle nécessite d’être accompagnée et contrôlée.

S’agissant de la Chine, elle ne se conforme pas encore aux bonnes pratiques de la communauté internationale et ne soumet pas son aide au développement aux mêmes contraintes que les Européens. Or, bien souvent, les fonds français ou multilatéraux finissent par être captés par la Chine, qui s’empare des travaux à réaliser.

Peut-on connaître la part de l’aide française consacrée à ces multiples opérations multilatérales que nous ne contrôlons pas ? Que reste-t-il pour l’action bilatérale ?

Pouvez-vous, par ailleurs, me confirmer que les prêts, souverains ou à des entreprises, que nous attribuons en matière de développement sont effectivement inclus dans notre APD ? N’oublions pas qu’en dix ans, le volume de prêts consentis par l’AFD est passé de 1 ou 2 milliards d’euros à 12 ou 13 milliards d’euros, ce qui constitue aussi un formidable levier de développement.

M. Philippe Folliot. – Monsieur le directeur général, pourriez-vous tout d’abord me traduire en français le nom du fonds de soutien à l’Afrique dont vous parliez tout à l’heure, et me dire quel type d’entreprises il a vocation à financer ? S’agit-il en particulier d’entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire africaine ?

Vous avez évoqué également une priorité donnée, dans nos engagements, au respect des accords de Paris et au soutien des pays francophones, conformément à la loi.

Comment cette stratégie est-elle concrètement mise en œuvre ?

Enfin, au regard de la situation actuelle, faut-il continuer à maintenir un niveau d’engagement élevé en Afghanistan ? Plusieurs centaines de millions d’euros devaient être versés assez rapidement, me semble-t-il. Ne serait-il pas de bon ton, au moins dans un premier temps, de redéployer ces fonds vers d’autres pays, notamment les pays d’Afrique francophone, dont les besoins sont importants ?

M. Emmanuel Moulin. – Les prêts sont évidemment un élément essentiel de l’activité de l’Agence française de développement, qui, en tant qu’institution financière contrôlée par l’Autorité de contrôle prudentiel et la Banque de France, peut emprunter de l’argent sur les marchés. En 2020, le groupe AFD a engagé 9,6 milliards d’euros de prêt dans les États étrangers, qui se décomposent en 5,1 milliards d’euros de prêts souverains et 4,5 milliards d’euros de prêts non souverains. Ces prêts concernent, par ordre décroissant, l’Afrique – 2,7 milliards d’euros ou 30 % de l’activité –, l’Orient – 2,2 milliards d’euros ou 24 % de l’activité –, l’Amérique latine – 1,7 milliard d’euros ou 17 % de l’activité. Les trois principaux bénéficiaires d’autorisations de financement de l’AFD, sur la période 2016-2020, sont la Côte d’Ivoire, le Maroc et l’Inde.

M. Christophe Bories, sous-directeur des affaires financières multilatérales et du développement. – Vous avez fait référence à l’un des articles parus dans Mediapart à propos de l’AFD, qui évoquait une opération financière concernant une unité de production d’huile de palme en Afrique centrale et une autre relative à l’aéroport de Douala au Cameroun. Le premier projet est terminé et, d’après nos informations, il a réellement bénéficié à la production locale. Le rapport coût-bénéfice du prêt est contesté par l’article, mais l’évaluation menée par l’AFD sur cette opération n’est pas particulièrement négative à ce stade. Le projet de l’aéroport de Douala ne s’est en effet pas très bien déroulé, mais l’AFD en est sortie quand les difficultés sont apparues. Tout l’argent n’a certes pas été versé, mais il n’a pas été détourné.

M. Emmanuel Moulin. – L’octroi des prêts souverains de l’AFD dans les pays pauvres est encadré par la doctrine Lagarde, arrêtée par Christine Lagarde quand elle était ministre des finances, à la fin des années 2000. Son objectif est double : prémunir l’AFD d’un risque de défaut souverain et les pays bénéficiaires d’un endettement non soutenable. Cette doctrine se fonde sur les analyses de viabilité de la dette menées par le FMI et la Banque mondiale, qui classent les pays selon leur niveau de risque de surendettement – faible, modéré, élevé ou en surendettement. Pour les pays à faibles revenus, l’AFD est autorisée à intervenir sous forme de prêts souverains dans les pays considérés par le FMI comme ayant un risque faible de surendettement. En revanche, en cas de risque élevé, tout prêt de l’AFD doit faire l’objet d’une dérogation accordée au cas par cas par le ministre. Dans les pays à risque de surendettement modéré, l’AFD peut intervenir à la condition que les prêts souverains soient dirigés vers des pays prioritaires identifiés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), et que ces pays mettent en œuvre un programme du FMI pour garantir une gestion des finances publiques permettant un retour à la stabilité de leur dette.

Les dérogations accordées par le ministre prennent en compte le risque pour l’AFD et l’impact du projet en matière de développement. Par ailleurs, lorsque les entités souveraines sont en situation dégradée, le Trésor encourage l’AFD à mettre en place une activité non souveraine, qu’elle soit publique ou privée. En ce qui concerne les fonds verts, il en existe en réalité deux. Le Fonds pour l’environnement mondial, qui a été créé il y a environ quarante ans – il est donc plus ancien que le Fonds vert – est surtout dédié aux activités liées à la biodiversité. Le Fonds vert est plus concentré sur le changement climatique, c’est-à-dire sur

des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays de l’annexe 2 de l’accord de Paris. Ces deux fonds, dont les modalités de fonctionnement sont différentes, sont donc assez complémentaires. Les crédits du Fonds vert peuvent aussi passer par des agences de mise en œuvre : il peut donc financer d’autres institutions, y compris l’AFD.

La répartition entre prêts et dons est effectivement un débat ancien. Les dons sont plutôt gérés par le ministère des affaires étrangères. De notre point de vue, il est important d’avoir une vision claire de la capacité d’absorption et d’endettement des pays. Les prêts restent un instrument utile d’abord pour les effets de levier qu’ils permettent, ensuite pour développer la culture financière des pays qui y ont recours.

J’ai déjà répondu en ce qui concerne la commission d’évaluation : le décret va être publié et nous allons proposer une liste d’experts indépendants. En tout cas, le financement est prévu.

M. Christophe Bories. – Nos collègues du ministère des affaires étrangères préparent le rapport sur les dispenses de criblage prévu dans la loi. Une réunion quadripartite – Quai d’Orsay, Bercy, AFD et ONG – est prévue pour préparer notre doctrine à ce sujet.

Cette doctrine, qui correspond à une demande des ONG, permettra aux tutelles de définir clairement ce que l’AFD devra faire à l’avenir dans de telles situations.

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. – Il me semble que, dans cette réunion, il manque ceux qui ont inscrit dans la loi l’établissement de cette doctrine, c’est-à-dire les parlementaires ! Ce sont eux qui ont débattu de ce sujet en séance avec le Gouvernement. Les associer à l’élaboration de ce document permettrait de toute évidence de mieux s’inscrire dans la volonté du législateur.

M. Pierre Laurent. – J’ajoute que ce que vous nous présentez aujourd’hui paraît assez éloigné de ce dont nous avons débattu ; il ne faudrait pas faire comme si le débat parlementaire n’avait pas eu lieu !

M. Christophe Bories. – La doctrine vise à préciser ce qui entre dans le cadre d’une aide humanitaire et ce qui n’y entre pas. Il me semble que les débats parlementaires étaient clairs sur le fait qu’il ne fallait pas cribler en cas d’aide humanitaire.

Mme Marie-Arlette Carlotti. – Ce n’est pas tout à fait cela. La question venait du fait qu’il existe des zones grises. Or l’aide au développement est une continuité, allant des mesures d’urgence aux projets de développement de long terme. Il faut donc aller plus loin que ce que vous nous présentez.

M. Emmanuel Moulin. – Nous ferons part de vos remarques à nos collègues du ministère des affaires étrangères ; ce sont eux qui sont en première ligne sur cette question. Il me semble logique qu’un dialogue s’installe avec les parlementaires sur quelque chose qu’ils ont demandé. Ce que nous préparons doit évidemment être conforme à la volonté du législateur.

M. Alain Joyandet. – Qu’en est-il de la répartition entre le multilatéral et le bilatéral ?

M. Emmanuel Moulin. – Le programme 110 que gère le ministère de l’économie et des finances est plutôt orienté vers le multilatéral : ce volet représente, dans ce programme,

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