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Occurrence, Distribution et Localisation

1.3.1 Occurrence et Distribution

Comme mentionné précédemment, les CYPs sont des enzymes ubiquitaires, largement représentées dans tous les organismes vivants, de la bactérie aux mammifères, en passant par la plante et les champignons (Nerbert et al., 1989a et b), bien qu’il semble que certaines espèces primitives de bactéries en soient dépourvues. La répartition de ces CYPs au sein des différents organismes est consultable sur le site (http://drnelson.utmem.edu/CytochromeP450.html) de David Nelson, site complet qui est tenu régulièrement à jour par l’auteur de façon bénévole depuis plus de 10 ans. On y retrouve donc non seulement la répartition entre organismes et les statistiques sur les P450s, mais également tout un ensemble d’informations relatives aux P450s. Il permet ainsi à n’importe quel utilisateur d’avoir accès aux connaissances actuellement disponibles sur les P450s telles que les bases de données ou encore les séquences de P450s. Concernant la répartition, à la date du 7 septembre 2007, Nelson a répertorié pas moins de 7703 séquences de CYPs provenant de 866 familles différentes qui se répartissent entre les animaux, les plantes, les champignons, les bactéries, les protistes et les archées. Ces données sont issues d’un comptage et d’une vérification manuelle par l’auteur du site (cf. Tableau 1.4 et Figure 1-10). Elles mettent d’ailleurs en évidence une proportion très élevée de CYPs chez la plante, phénomène qui s’explique en partie par le fait que de nombreux génomes ont été séquencés chez la plante.

Tableau 1.4 Répartitions des CYPs dans les différents organismes vivants (source de Nelson)

Organismes Nombre de CYPs compté Nombre de familles de CYPs

Animaux 2740 109 Plantes 2675 94 Champignons 1231 309 Bactéries 813 290 Protistes 226 54 Archées 18 10 Total 7703 866

Figure 1-10 Répartition des séquences (a) et des familles (b) de CYPs dans les différents organismes vivants. On remarque que les CYPs sont largement représentés dans chez la plante et l’animal. Cela est lié à l’effort des investigations dans chaque organisme.

Même si les P450s ont été caractérisés dans de nombreuses espèces telles que les oiseaux, les poissons, les reptiles, les insectes, les mollusques, les arthropodes, les crustacés, les champignons, les plantes et les bactéries (Schenkman et Griem, 1993 ; Pinot et al., 1999 ; Gorman et al., 1998 ; Chapple, 1998 ; Scott et al., 1998 ; Walker, 1998 ; Hallahan et al., 1993 ; Hallahan et West, 1995 ; Nelson, 1998) (Une revue spéciale de « Comparative Biochemestry and Physiology » (Volume 121C, Nos. 1–3, 1998) traite justement de ces P450s non mammifères), c’est pourtant chez les mammifères que le P450 suscitent le plus d’intérêt, en particulier les formes humaines de l’enzyme (Guenguerich, 1989a et b, 1992a–d, 1994, 1995a ; Guenguerich et al., 1998, 1992 ; Rendic et DiCarlo, 1997). En conséquence, les P450s humains ont été intensément investis et étudiés, et les systèmes d’expression hétérologues sont devenus à présent un moyen fiable d’analyse pour les interactions enzyme–substrat de P450s isolés (Estabrook et al. 1991 ; Gonzalez et Korzerkwa, 1995).

1.3.2 Localisation

Chez les mammifères, les P450s sont présents dans la plupart des tissus, mais ils sont particulièrement abondants en quantité et en diversité au niveau du foie (cf. Figure 1-11). Pour l’être humain, le foie est un organe très important tant au niveau de sa corpulence physique que son rôle fonctionnel. C’est le premier organe, après l’intestin grêle, à être en contact avec les xénobiotiques via le système porte hépatique. Il représente en effet à lui seul 1/50e du poids total du corps humain. Il se compose pour 70% de cellules parenchymateuse ou hépatocytes et pour 30% de cellules diverses dont les cellules de Ito, les cellules composant les canicules biliaires et les cellules de Küpffer. Ses fonctions sont nombreuses et variées : fondamentalement, le foie est impliqué dans la sécrétion et l’évacuation de la bile par les canalicules biliaires, mais du fait qu’il soit extrêmement vascularisé et qu’il soit situé à l’interface de l’appareil digestif et l’appareil circulatoire, il joue également un rôle

dans la distribution de nombreux métabolites issus de la nutrition. En outre, le foie est capable d’assurer un grand nombre de fonctions métaboliques comme la synthèse des protéines plasmatiques, des lipides (dont le cholestérol), de l’urée et le stockage et la libération du glucose dans le sang, la production de substrats à haut potentiel énergétique, mais aussi le stockage de nombreuses vitamines. Enfin, il joue un rôle central au cours du processus de détoxication.

Figure 1-11 Répartition des CYPs dans le foie Humain (d'après Guenguerich, 2005)

Ces deux dernières (fonctions de synthèse et de détoxication par le foie) ne sont en fait que le reflet macroscopique des acteurs principaux de l’échelle microscopique : les CYPs. Les CYPs sont donc en nombre abondant dans le foie, et plus précisément localisés dans les membranes du réticulum endoplasmique (RE) des hépatocytes (Ruckpaul et Rein, 1984 ; Stier, 1976). Le RE est en effet une structure lipidique particulière, très favorable aux échanges, et disposant d’une surface étonnamment large (comprenant 7 à 11 m²/g du poids du foie) comparé à son volume, ce qui fait de lui la structure idéale pour héberger les enzymes de Phase I comme les P450s (Lewis et Pratt, 1998 ; Gibson et Skett, 1994). Sachant que 12 à 15% du RE est composé de cytochromes P450, on peut estimer approximativement que les P450s comptent pour un peu moins d’1% du poids total d’un hépatocyte (Ruckpaul et Rein, 1984).

Figure 1-12 Localisation dans le réticulum endoplasmique lisse (source Nebert, 1987). Six à huit P450s se regroupe autour d’une réductase qui leur apporte les électrons nécessaires au métabolisme des substrats.

Au sein de la membrane du RE, des études stœchiométrique (Finch et Stier, 1991 ; Schwarz, 1991) ont suggéré que les P450s se regrouperaient par 6 ou par huit autour d’une réductase, un partenaire fournisseur en électrons. Ces unités hexamèriques (ou octamèriques) subissent alors une diffusion transversale à l’intérieur de cette membrane phospholipidique du RE, elle-même sujette à une diffusion latérale au moyen du « flip-flop ». Par conséquent, les substrats relativement lipophiles se retrouvent alors facilement acheminés vers le centre réactionnel des P450s afin d’y être métabolisés.

Bien que majoritairement concentrés au niveau du foie, les P450s sont également exprimés dans d’autres organes et tissus (cf. Tableau 1.5) tels que le rein, les seins, la prostate (Williams et al., 2000a) la peau, l’épithélium nasal, le placenta, le cerveau, le poumon, la rate, le pancréas et la région gastro-intestinale (Waterman, 1992 ; Schenkmann et Griem, 1993 ; Hellmold et al., 1998 ; Hakkola et al., 1998, 1996). Toutefois, même si les P450s sont identifiés dans ces autres organes, ils demeurent en concentration faible et leur participation dans les biotransformations des xénobiotiques n’est pas bien définie. Certains CYP (CYP11A et CYP11B) sont également présents du côté du feuillet externe de la membrane nucléaire et dans la membrane interne des mitochondries (Montoliu et al., 1995). Ces isoformes sont relativement peu impliquées dans la biotransformation des xénobiotiques mais elles jouent un rôle important dans le métabolisme des composés endogènes comme les stéroïdes, le cholestérol, la vitamine D3, et les acides biliaires.

Tableau 1.5 Expression tissulaire et cellulaire des CYPs

Tissus Types cellulaires

Foie Hépatocytes (surtout centrobulaires)

Cellules de Kupffer

Intestin Entérocytes

Poumon Cellules de Clara

Pneumocytes II Cellules endothéliales

Rein Cellules tubulaires proximales

Cerveau Cellules endothéliales cérébrales

Cellules du plexus choroïdes

Peau Kératocytes Autres : Muqueuse Buccale Cœur Pancréas Sang Ovaire Testicule Cellules épithéliales Myocytes Cellules pancréatiques Leucocytes Cellules Lutéiniques Cellules de Leydig

En raison de leur diversité, tant au niveau de leur localisation, de leur sélectivité et réactivités vis- à-vis des substrats dans des espèces différentes (Guengerich, 1997), on comprend mieux pourquoi il est relativement difficile d’étudier cette superfamille. Parfois, au sein même des mammifères, des différences de comportements, d’inductibilités et de sélectivités sont observées (Lewis et al., 1998a ; Soucek et Gut, 1992 ; Nedelcheva et Gut, 1994 ; Smith, 1991 ; Guenguerich, 1997). En conséquence, il peut être parfois très difficile d’extrapoler des résultats obtenus à partir d’expériences menées sur des rongeurs de laboratoire, par exemple, sur les résultats attendus de métabolisme de composé chez l’Homme (Lewis et al., 1998a). On sait par ailleurs qu’il existe chez les mammifères une différence sexuelle de P450s (Schenkman et al., 1967) et que les niveaux de P450s chez les individus varient en fonction de leur régime alimentaire (Ioannides, 1999 ; Parke et Ioannides, 1994). Il existe enfin une variation de facteurs cellulaires contrôlant l’expression de ces P450s dans les tissus, qui conduit à une altération du niveau de ces enzymes dans les différents tissus (Wolff et Strecker, 1992). Chez l’homme, cette variation se retrouve au niveau hépatique, en raison des différences génétiques liées aux groupes ethnographiques et des changements phénotypiques (Price-Evans, 1993 ; Bachmann, 1996), dont certains ont été associés à la susceptibilité au cancer (Crespi et al., 1991 ; Nebert et al., 1996 ; Crofts et al., 1993 ; Puga et al., 1997).