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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3 Adoption de l’innovation ouverte

2.3.2 Obstacles à l’adoption de l’IO

L’adoption de l’IO n’est pas un processus instantané et allant de soi. Au contraire, les entreprises perçoivent un certain nombre de risques associés àl’ouverture du processus d’innovation. Par ailleurs, la culture de l’organisation et l’attitude des employés peuvent représenter un autre obstacle à l’adoption de l’IO.Ces difficultés d’ordre culturel se posent aussi bien pour les grandes entreprises (Mortara & Minshall, 2011) que pour les PME (Van de Vrande et al., 2009). Nous aborderons la question des obstacles culturels sous l’angle du syndrome NIH(« not-invented-here ») – et son corollaire le syndrome NSH (« not-sold-here »)– qui est l’approche également adoptée par la plupart des travaux qui étudient l’IO dans une perspective culturelle (Huizingh, 2011).

2.3.2.1 Risques perçus de l’ouverture du processus d’innovation

Parmi les risques perçus de l’IO, tant par les entreprises que les chercheurs, on peut citer les suivants de manière non-exhaustive:

▪ divulguer des connaissances stratégiques pour l’entreprise ; ▪ devenir dépendant des connaissances et technologies externes ; ▪ créer des difficultés supplémentaires en matière de gestion ;

Divulgation de connaissances. La perte de contrôle sur des connaissances est l’un des principaux risques perçus de l’IO (Enkel et al., 2009), en particulier en ce qui concerne les connaissances stratégiques et les technologies clés. En effet, il devient plus difficile de protéger ces connaissances dans un contexte ouvert (Xiaoren, Ling, & Xiangdong, 2014).

Dépendance aux connaissances et technologies externes. L’ouverture du processus d’innovation conduit l’entreprise à se reposer sur des connaissances, technologies et savoir-faire apportés par

des partenaires externes. Cela peut créer une dépendance à un partenaire dans le cas où il existe peu ou pas d’autres partenaires maîtrisant ces connaissances (Xiaoren et al., 2014).

Difficultés en matière de gestion. L’adoption de pratiques d’IO soulève des difficultés nouvelles en gestion de la PI et de gestion de projet. D’une part, les entreprises risquent de perdre la propriété sur les connaissances créées dans le cadre de projets collaboratifs (Xiaoren et al., 2014). D’autre part, la coordination au sein de projets collaboratifs est plus complexe à gérer (Xiaoren et al., 2014) et peut induire des surcoûts importants (Enkel et al., 2009).

2.3.2.2 Définition des syndromes NIH et NSH

La plupart des travaux qui étudient l’IO dans une perspective culturelle se basent sur le concept du syndrome NIH (Huizingh, 2011). Le terme de « syndrome NIH » (« not-invented-here syndrome ») a été utilisé pour la première fois par Katz et Allen (1982), qui en donnent la définition suivante :

« Le syndrome du NIH est défini comme la tendance d’un groupe de projet de composition stable à croire qu’il possède un monopole de connaissance dans son domaine, ce qui le conduit à rejeter les nouvelles idées provenant de l’extérieur, généralement au détriment de sa performance » (Katz & Allen, 1982, p. 7, traduction libre)

Le syndrome NIH désigne ainsi une attitude négative des employés vis-à-vis de l’utilisation de connaissances ou technologies externes. La notion d’« externe » peut désigner l’extérieur de l’organisation (Herzog, 2011) ou même une unité fonctionnelle différente au sein de la même organisation (Lichtenthaler & Ernst, 2006). Le NIH peut se traduire par une attitude de méfiance et de résistance à l’encontre des idées extérieures (Remneland‐Wikhamn & Wikhamn, 2011). Un autre comportement typique est de considérer les technologies et connaissances internes comme étant supérieures à celles qui proviennent de l’extérieur.

Symétriquement, le syndrome NSH (« not-sold-here ») désigne une attitude systématique négative vis-à-vis de l’exploitation externe d’idées ou de connaissances internes (Søndergaard & Burcharth, 2011). Ce syndrome est moins étudié dans la littérature que le syndrome NIH (Lichtenthaler, Ernst, & Hoegl, 2010). Il n’existe d’ailleurs pas de consensus sur sa dénomination et plusieurs expressions sont utilisées pour désigner ce même concept : syndrome « not-sold-here » (Burcharth, Knudsen, & Søndergaard, 2014; Herzog, 2011; Lichtenthaler et al., 2010), « not-shared-here » (Burcharth et al., 2014) ou « only-use-here » (Lichtenthaler & Ernst, 2006).

En résumé, les syndromes NIH et NSH désignent une attitude négative systématique vis-à-vis respectivement de l’utilisation en interne de connaissances externes et de l’exploitation à l’externe de connaissances internes. Le syndrome NIH correspond donc à la logique de l’IO entrante et le syndrome NSH à la logique de l’IO sortante (Burcharth et al., 2014; Søndergaard & Burcharth, 2011).

2.3.2.3 Impact des syndromes NIH et NSH pour l’innovation et l’IO

Les syndromes NIH et NSH peuvent avoir plusieurs conséquences négatives pour l’entreprise et son processus d’innovation. Le Tableau 2.3 présente des impacts possibles de ces syndromes recensés dans la littérature.

Tableau 2.3 : Conséquences des syndromes NIH et NSH pour l’entreprise

Conséquences du syndrome NIH Conséquences du syndrome NSH ▪ Incapacité à évaluer, utiliser et mettre à profit

les technologies externes (Mehrwald, 1999) ▪ Incapacité à innover ou augmentation de la durée nécessaire pour mettre au point une innovation (Katz & Allen, 1982)

▪ Incapacité à identifier certaines opportunités d’affaires nouvelles (Lichtenthaler & Ernst, 2006)

▪ Manque à gagner car les bénéfices qui pourraient résulter de la commercialisation externe de technologies ne sont pas réalisés (Lichtenthaler & Ernst, 2006)

▪ Sous-exploitation du portefeuille de propriété intellectuelle (Lichtenthaler & Ernst, 2006) ▪ Incapacité à imposer ses propres technologies comme standards de l’industrie (Lichtenthaler & Ernst, 2006)

Ces deux syndromes conduisent également à un décalage entre la vision communiquée par la direction et le comportement des employés qui sont impliqués en pratique dans les projets collaboratifs, et donc dans les échanges de connaissances (Søndergaard & Burcharth, 2011). Par ailleurs, les syndromes NIH et NSH constituent l’un des obstacles majeurs rencontrés par une entreprise lorsqu’elle cherche à mettre en place des pratiques d’IO (Chesbrough & Crowther, 2006; Lichtenthaler & Ernst, 2006).

Plusieurs travaux empiriques étudient le lien entre les syndromes NIH et NSH et l’innovation ouverte. Søndergaard et Burcharth (2011) et Burcharth et al. (2014) étudient l’impact du NIH et du

NSH sur l’adoption de l’IO. Ils trouvent un impact significatif et négatif : plus le syndrome NIH (respectivement NSH) est fort dans l’entreprise, moins celle-ci met en œuvre de pratiques d’IO entrante (respectivement sortante). Herzog (2011) étudie la question dans le sens inverse et cherche à évaluer si les syndromes NIH et NSH sont plus forts chez les entreprises fermées. Il compare l’intensité de ces syndromes dans trois échantillons : deux unités opérationnelles fermées et une unité ouverte. Les résultats montrent que les employés des unités fermées sont significativement plus atteints par les syndromes du NIH et du NSH que les employés de l’unité ouverte.