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Observations sur les politiques d’accès au transport ferroviaire proposées

Afin d’offrir des conseils judicieux, le Comité s’est efforcé de définir les questions qui étaient au cœur même des visions opposées et d’acquérir une bonne connaissance du réseau ferroviaire, de la conjoncture économique, de la situation financière des transporteurs et des usagers ainsi que des défis techniques qui pourraient se présenter.

Il est maintenant évident qu’il était tout indiqué de demander un rapport provisoire sur l’accès au transport ferroviaire concurrentiel. Les consultations se sont poursuivies après la publication du rapport provisoire du Comité.

Même si les positions de base n’ont que peu changé (d’ailleurs, certaines n’ont pas changé en une génération), le but principal recherché, qui était de débroussailler le terrain marécageux des revendications contradictoires et de dégager les grandes questions, a été atteint.

Performance du réseau ferroviaire

Le Comité estime que le réseau de transport ferroviaire des marchandises au Canada dessert bien la plupart des usagers la plupart du temps. Ses consultations ont révélé que les intéressés estimaient que les éléments

fondamentaux d’un réseau de transport ferroviaire concurrentiel et efficace étaient bien en place.

À l’occasion d’une réunion avec les parties intéressées, le Comité a demandé au groupe d’attribuer une cote de 1 à 10 au réseau ferroviaire, 1 correspondant à un réseau complètement dysfonctionnel et 10 à un réseau parfait. La cote attribuée se situait entre sept et huit. Bien qu’anecdotique, cette conclusion rejoint celle obtenue par le Comité lorsqu’il a sondé les expéditeurs et la plupart des données précises recueillies corroborent également le point de vue que le réseau fonctionne bien en général : avec les États-Unis, le Canada se classe parmi les premiers dans le monde et, comme nous l’avons vu antérieurement, la productivité ferroviaire a augmenté de près de 50 p. 100 au cours des dix dernières années.

Degré de concurrence sur l’ensemble du réseau

Pour pouvoir modeler la nouvelle politique réglementaire, il fallait aussi évaluer l’état de la concurrence : dans quelle mesure les expéditeurs étaient-ils assujettis à des prix monopolistiques ou à d’autres formes d’abus du marché? Il est difficile de se prononcer sur ce sujet de façon précise à la lumière des données existantes. Le Comité est toutefois convaincu que le réseau ferroviaire du Canada n’est pas foncièrement anticoncurrentiel et que les abus perpétrés ne sont ni systémiques ni généralisés. En fait, selon tous les indicateurs publiés, la plupart des expéditeurs sur la plupart des marchés dans la plupart des régions du pays sont bien desservis.

Regroupées, plusieurs mesures administratives et économiques raffermissent cette conclusion :

Les bénéfices des compagnies ferroviaires et le rendement financier : les compagnies ferroviaires sont parmi les entreprises les plus rentables au Canada, leur situation financière s’étant nettement améliorée ces dernières années. Cependant, rien ne permet de croire, au vu du

rendement des compagnies ferroviaires, quelle que soit l’unité de mesure utilisée, qu’elles engrangent des bénéfices excessifs.

Les tarifs marchandises :en gros, les tarifs marchandises acquittés par les expéditeurs dans tous les secteurs, exception faite du grain, ont baissé ou sont demeurés stables depuis 1988. Une partie appréciable des gains de productivité réalisés par les compagnies ferroviaires dans les années 1990 a été répercutée sur de nombreuses catégories d’expéditeurs sous forme d’une baisse des tarifs.

Les indicateurs relatifs au degré de concurrence :selon les données existantes, le réseau ferroviaire est relativement concurrentiel, compte tenu des contraintes économiques propres à un secteur industriel à prix de revient élevé qui exerce son activité sur des marchés aussi divers et dispersés que ceux du Canada. Lorsque ce fait est examiné à la lumière des tarifs marchandises et de la rentabilité des compagnies ferroviaires, le Comité ne pense pas que d’importantes mesures réglementaires soient nécessaires pour rehausser le degré de concurrence.

Toutefois, le Comité estime que, dans certains cas, les forces du marché ne suffisent pas; un recours doit donc être prévu pour protéger les expéditeurs d’un abus potentiel de la situation dominante d’un transporteur sur un marché.

Autres secteurs industriels, autres pays, autres pratiques tarifaires En 1967, le Canada a entamé la transformation de son réseau ferroviaire en passant d’un système manquant de capitaux, hautement réglementé et subventionné à une structure commercialement viable qui offre un meilleur service à des taux plus compétitifs pour la majorité des usagers. Au terme de ses consultations, le Comité n’a pas eu le sentiment que les intéressés exigeaient l’adoption de mesures visant à inverser cette situation. Tous les participants ou presque, même ceux dont les plaintes étaient les plus graves, ont dit préférer des solutions commerciales à des solutions réglementaires et, lorsqu’une réglementation s’imposait, des recours ciblés à une toute nouvelle réglementation généralisée.

Au tout début de son mandat, le Comité a procédé à plusieurs analyses dont les résultats alimentent cette mise en garde à l’égard d’une éventuelle

modification du cadre législatif existant. Avant de formuler ses recommandations, le Comité a dû répondre à trois questions :

• Peut-on s’inspirer des autres réseaux d’entreprises (gaz naturel, électricité, télécommunications) pour restructurer le réseau ferroviaire afin d’en augmenter la rentabilité et la compétitivité?

• Vaut-il la peine de s’inspirer, en totalité ou en partie, des modèles d’accès concurrentiel au transport ferroviaire qui existent dans d’autres pays?

• Le système actuel que les compagnies ferroviaires utilisent pour établir les prix, qu’on appelle parfois différenciation des prix, tarification Ramsey ou tarification discriminatoire, est-il foncièrement anticoncurrentiel ou présente-t-il tellement de défauts qu’il devrait être remplacé par une autre structure?

Réseaux d’entreprises

Estimant qu’un réseau ferroviaire ressemble, sur les plans administratif et économique, à d’autres réseaux industriels, le modèle de restructuration adopté dans les industries du gaz naturel, de l’électricité et des

télécommunications a été suggéré comme modèle de restructuration du réseau ferroviaire et d’incitation à une plus grande concurrence. Le Comité croit que ces comparaisons devraient être considérées avec prudence.

D’un point de vue administratif et opérationnel, les compagnies ferroviaires sont beaucoup plus complexes que d’autres réseaux industriels en ce qui concerne la planification matérielle, la coordination, la sécurité, les connexions et l’administration. À divers égards par ailleurs non négligeables, les

compagnies ferroviaires ne sont pas des copies conformes des industries du gaz, de l’électricité ou des télécommunications et ne sauraient pas être traitées comme telles.

D’importantes différences financières et économiques existent également.

L’accroissement de la demande, dans les secteurs des télécommunications et du gaz naturel, et les nouvelles technologies et sources d’approvisionnement à faible prix de revient ont créé une ouverture pour de nouveaux venus.

Aucun de ces facteurs ne s’applique à l’industrie ferroviaire : la demande est statique ou augmente lentement et aucune innovation technologique n’ouvre la porte à d’éventuelles réductions importantes de coûts ou à de nouveaux modes d’activité1.

Réseaux ferroviaires nationaux

Le Comité a souvent entendu parler des mesures prises par d’autres pays, la Suède, l’Australie et le Royaume-Uni étant le plus souvent cités, pour restructurer leur industrie ferroviaire. Les recherches effectuées par le Comité à ce sujet et ailleurs révèlent que le Canada ne peut vraiment s’inspirer d’aucun de ces pays pour remodeler son système ferroviaire, et ce, pour trois raisons principales.

Premièrement, les principaux pays européens et l’Australie ont commencé à restructurer leur réseau ferroviaire afin de résoudre des problèmes qui n’existent pas au Canada : réseaux nationalisés, subventions élevées, faible productivité et diminution rapide des parts du marché des marchandises.

Deuxièmement, les politiques de liberté d’accès en Suède et en Grande-Bretagne visaient à répondre aux demandes du trafic voyageur, le trafic marchandises étant secondaire. Au Canada, les problèmes sont tout différents.

Troisièmement, les résultats n’ont pas été ceux qui étaient escomptés lorsque le Comité a examiné la situation dans ces pays. Au Royaume-Uni et en Suède, les opérations ferroviaires continuent d’être largement subventionnées.

Les réformes effectuées en Australie, qu’elles s’inspirent du modèle de la séparation verticale ou non, ont donné des résultats tangibles, mais de graves problèmes demeurent. En particulier, malgré les réformes adoptées, l’Australie n’a pas pu régler les problèmes les plus souvent cités au Canada comme étant symptomatiques de l’absence de concurrence.

Établissement des prix

Une grave divergence d’opinions entre expéditeurs et compagnies

ferroviaires demeure sur la question de la différenciation des prix. Certains expéditeurs, pour la plupart des producteurs de denrées en vrac, considèrent la différenciation des prix comme étant injuste et comme un abus du pouvoir du marché. Quant à elles, les compagnies ferroviaires considèrent la

différenciation des prix parfaitement légitime et essentielle à la survie à long terme de leur activité. De plus, les compagnies ferroviaires estiment que la différenciation des prix devrait être libre de toute entrave.

Selon le Comité, ces points de vue sont tous deux extrémistes et ne sont pas propices à l’élaboration de politiques qui encourageront un réseau ferroviaire rentable, efficace et concurrentiel. Le Comité rejette toute affirmation

selon laquelle la différenciation des prix devrait être libre de toute entrave.

D’impérieux arguments économiques et d’intérêt public président à l’imposition de limitations à son utilisation ou à l’atténuation de ses effets les plus pervers. Parallèlement, le Comité rejette l’argument selon lequel la différenciation des prix témoigne d’une absence de concurrence. La différenciation des prix améliore la rentabilité dans une industrie de réseau autofinancée et non subventionnée où les coûts constants non assignables doivent être absorbés si les entreprises doivent survivre. La solution de rechange serait de revenir à la réglementation des tarifs, méthode fort interventionniste, et à l’octroi éventuel de lourdes subventions; ce sont des notions que le Canada a abandonnées il y a 30 ans et personne n’en prône le retour.

L’analyse des questions relatives à la différenciation des prix renvoie en général à l’analyse de l’accès au réseau ferroviaire en général, effectuée par le Comité. Les recommandations proposées visent à favoriser un régime réglementaire qui répertorie les exemples précis d’éventuels abus du marché

ou de comportements anticoncurrentiels et à offrir des solutions précises et appropriées.

Évaluation de la viabilité de la réglementation

Pour évaluer les choix à l’accès proposés, il est important d’en étudier la viabilité sous forme de règlements qui peuvent être mis en œuvre concrètement et efficacement. Deux facteurs mettront à l’épreuve toute modification apportée à la réglementation sur l’accès au transport

ferroviaire : l’établissement d’une structure judicieuse de rémunération des compagnies ferroviaires hôtes et l’analyse détaillée du fardeau que toute nouvelle réglementation pourrait imposer.

Prix d’accès

Pour assurer la viabilité de toute proposition visant à améliorer, par voie réglementaire, l’accès au transport ferroviaire, il faut concevoir un régime de rémunération approprié et pratique. L’imposition de prix d’accès plus élevés que la situation ne le justifie empêcherait les concurrents d’avoir accès aux lignes ferroviaires d’autres compagnies et irait à l’encontre du but recherché par la disposition adoptée. Des prix trop peu élevés, en revanche, inciteraient la compagnie ferroviaire hôte à récupérer son manque à gagner soit en relevant les tarifs des autres expéditeurs soit en rognant sur l’entretien de l’infrastructure et l’investissement. Un droit d’accès excessivement bas pourrait aussi se solder au bout du compte par le subventionnement d’exploitants moins rentables.

Les méthodes utilisées pour fixer un prix d’accès sont également importantes car elles risquent de remplacer un accord commercial par une décision réglementaire. Alors que certains proposent que le prix d’accès soit établi par des négociations commerciales, en faisant appel à l’Office des transports du Canada uniquement si aucun accord n’est conclu, le Comité estime que cette solution n’est pas très vraisemblable si l’accès était imposé. Si les parties en cause ne parvenaient pas à s’entendre sur les droits de circulation, il serait difficile d’envisager une entente cordiale sur un prix d’accès juste ou

raisonnable. Par conséquent, il est beaucoup plus vraisemblable que l’Office ou un arbitre doive fixer le prix d’accès ou du moins les règles de base présidant à l’établissement de ce prix, ce qui constituerait une nouvelle forme de réglementation.

Fardeau réglementaire accru

Des modifications législatives visant à accroître l’accès au réseau ferroviaire pourraient imposer un fardeau financier au gouvernement (sous forme d’un contrôle réglementaire) et aux entreprises (sous forme de mécanismes de respect et de règlement des différends). Le Comité estime que les résultats escomptés d’une nouvelle réglementation doivent être évalués à la lumière des coûts réels qu’elle entraînera.

Les coûts de la réglementation proviennent de plusieurs sources. Toute mesure obligeant une compagnie ferroviaire à prendre des mesures qu’elle n’estime pas être dans son propre intérêt commercial sera vraisemblablement contestée, entraînant des frais pour les parties en litige et l’organisme de réglementation. L’expérience américaine révèle que dans les cas des droits de circulation surtout, les négociations sur les tarifs entraînaient souvent de longues et coûteuses procédures de règlement de différends. L’organisme de réglementation subit invariablement le contrecoup financier de ce litige, puisqu’il doit veiller à ce que les nouvelles dispositions soient observées.

Enfin, le partage obligatoire de l’infrastructure aux termes de certaines propositions avancées en matière d’accès pourrait entraîner de tout nouveaux types de coûts associés à la réglementation. Ce genre de problème est

survenu lorsque d’autres réseaux d’entreprises ont été ouverts, par voie réglementaire, à la concurrence.