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CHAPITRE V : INTERPRETATION DES RESULTATS

1- Objets médiateurs

Le nganga, pour communiquer avec les esprits des ancêtres, utilise les

objets réservés pour cela et d’autres formes de communication. Les objets médiateurs sont aussi les objets qui sont employés pour la divination. Dans cette recherche, nous avons noté un objet médiateur particulier qui

est le bâton. En dehors, les nganga ont mentionné d’autres formes de communication avec les papillons et l’oiseau.

« Quand on m’a conduit à la forêt, j’avais trouvé un sac avec des objets

du travail, ce sac c’est le mokossa. On m’avait demandé de couper une branche, pour en faire un bâton. C’est mon outil de travail. Ce bâton me permet d’être en contact permanent avec les esprits lorsque je travaille » (Cf.

Annexe I. Entretien II).

Fontanille fait le même constat lorsqu’il rencontre une thérapeute

malgache. Celle-ci a un « long bâton de bois » grâce auquel elle rentre en « communication avec l’autre monde. Assise sur une chaise et tenant

fermement son bâton à la verticale, tel un paratonnerre qui capterait les voix des ancêtres […] Folorine halète étrangement et agite son corps, comme

soudainement habité par les esprits ! Le verdict tombe : les ancêtres sont d’accord […] Elle m’explique y avoir recours lorsqu’elle ne sait pas quel traitement proposer ou lorsqu’elle souhaite se faire guider dans la cueillette

des plantes utiles à la préparation de ses remèdes […] Chaque traitement qu’elle prodigue lui a été soufflé par ses ancêtres » (Fontanille, 2015, p.90). Les objets médiateurs « sont en réalité un appel strident au dépassement de

la matière. Ils sont un discours sur l’au-delà de l’objet » ( Mbembe 2019, p.24). Ces objets sont des puissances actives et médiatrices pour

communiquer avec les esprits des ancêtres.

La relation entre le nganga et les ancêtres ne passe pas seulement par les objets mais aussi par d’autres moyens.

« J’ai aussi un autre signe annonciateur de bonnes nouvelles et de

mauvaises nouvelles. C’est le papillon ! Même avant que vous veniez je savais que j’allais avoir de la visite. Si le papillon blanc rentre dans ma

maison c’est une bonne nouvelle ; mais si c’est un papillon noir, là c’est une mauvaise nouvelle. Cette mauvaise nouvelle n’est pas forcément pour moi, ça peut être pour le village ou pour les personnes que je vais recevoir » (Cf.

Annexe I. Entretien I).

Les ancêtres « ne communiquent pas avec moi seulement dans les rêves

mais aussi en plein jour par cet oiseau3. C’est cet oiseau qui m’annonce les bonnes nouvelles comme les mauvaises nouvelles. Il m’avait aussi annoncé votre visite. » (Cf. Annexe I. Entretien II).

Les objets médiateurs sont fabriqués pour rendre présents les esprits, leur offrir un réceptacle qui serve à les rencontrer ; puis ces esprits

viendront les écouter chaque fois qu’ils s’adresseront à eux, de façon rituelle ou informelle (Godelier, 2015, p.153). C’est le cas des boli chez les Bambara qui contiennent « la présence d’un esprit dans un masque fabriqué en secret

par des initiés au fond de la forêt » (Ibid. p.154). Cette relation est une « interrelation, c’est-à-dire non seulement de la façon dont le sujet constitue

ses objets, mais aussi de la façon dont ceux-ci modèlent son activité. […] La relation à l’objet ou aux objets implique que ceux-ci préexistent à la relation du sujet avec eux » (Laplanche et Pontalis, 1967). Les objets divinatoires sont

aussi les objets médiateurs parce qu’ils permettent au nganga de communiquer avec les ancêtres.

C’est « Mokossa qui me permet de voir, de communiquer avec les Bakoko4

et de soigner les malades. Moi, je n’ai pas connu mes grands-parents de leur vivant mais ils se sont présentés à moi, ils m’ont dit qu’ils étaient des guérisseurs » (Cf. Annexe I. Entretien II).

Dans cette perspective, ces objets ont une action sur le nganga comme

sur les individus. C’est dans cette perspective que des objets prescrits par les nganga comme remède (médicament) ou comme protection (fétiche) trouvent leur sens. Car, ils sont chargés de la puissance des esprits des

ancêtres ou de la nature pour guérir et protéger les individus.. Ces objets sont appelés nkisi. Didier Mavinga Lake souligne avec justesse que « les nkisi sont culturellement, les objets auxquels les Africains attribuent une double

fonction : d’une part, celle de médicament pour leurs vertus thérapeutiques ; de l’autre, le pouvoir magique de réaliser certains désirs.

[…] Fabriqué par l’homme ou prélevé dans la nature, le nkisi est un objet auquel est attaché la conviction qu’un pouvoir surhumain a été transféré sur lui. Sa visée [est] de rassurer, de protéger son utilisateur […] un nkisi est un

objet censément habité ou influencé par un esprit, en tout cas doté par lui d’un pouvoir surhumain » (Mavinga, 2019, p.98). Il est important de

souligner que l’aspect spécifique du nganga est la relation avec l’invisible. Il est un « familier des invisibles et détient […] des modalités spécifiques

d’entrée en relation avec ces êtres » ( Tobie Nathan, 1998, p.38).

Images n°11 : Les communicants

Cet oiseau a été désigné par le nganga comme envoyé par les ancêtres pour communiquer pour me demander le motif de la visite lors de notre entretien. (Photo : été 2017).

Le nganga me fait toucher le bâton qui lui permet de communiquer avec les ancêtres. (Photo : été 2017).

Pour un nganga, le papillon blanc annonce une bonne nouvelle, le papillon noir, la mauvaise nouvelle (images en ligne).