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Avec ce chapitre introductif, nous avons pu comprendre les enjeux de la télédétection pour le suivi de la végétation cultivée. D’une part, il existe des capteurs qui permettent de récolter des données de réflectance sur l’ensemble des zones à étudier, et ce, de façon globale, répétitive, et dans une gamme spectrale pertinente pour la végétation. D’autre part, les agronomes souhaitent établir un diagnostic de l’état de la culture (e.g. pour estimer les besoins en intrants), ou de pronostic (e.g. rendement final), que les modèles de fonctionnement des cultures fournissent. Ces deux types d’information peuvent se combiner par des méthodes d’assimilation de données qui permettront d’estimer les paramètres et variables d’entrée de modèles de fonctionnement afin d’assurer une cohérence optimale de leurs simulations avec les observations satellitaires.

Dans le domaine agronomique, nous avons constaté à travers la synthèse bibliographique une certaine diversité des méthodes d’assimilation. Cependant, la plupart de ces travaux ont fait ressurgir le besoin de développer une méthode d’assimilation plus robuste face à une grande quantité de paramètres à estimer souvent associée à une faible quantité d’observations disponibles.

Cette thèse se propose donc de démontrer la faisabilité d’une nouvelle méthode d’assimilation de données de télédétection dans un modèle de fonctionnement de la végétation. Cette volonté a soulevé beaucoup d’interrogations, en particulier sur les aspects suivants :

Quelle méthode d’assimilation développer ? Parmi les méthodes de correction ou de re-calibrage, quelle est la plus robuste dans notre contexte ?

Quelles variables d’état assimiler ? En particulier, faut-il assimiler des pseudo-observations de type LAI, ou directement des données radiométriques dans le modèle couplé MFC-MTR ? Quels paramètres estimer ? Une quantité trop importante de paramètres à estimer peut géné-rer la divergence de certains algorithmes ou la convergence vers un minimum local. Comment déterminer et sélectionner les paramètres les plus pertinents à estimer ?

Comment prendre en compte l’aspect spatial ? Comment assurer les continuités spatiales, ie la cohérence des caractéristiques du couvert végétal et du sol entre pixels voisins, d’une même parcelle, ou d’une même image ?

Comment définir l’information a priori sur les paramètres ? Elle permet de rendre le pro-blème mieux posé en ajoutant de la convexité à la fonction coût à minimiser et d’éviter les résultats aberrants. Cependant, elle risque de donner trop d’influence sur l’estimation des pa-ramètres et de pousser l’algorithme à converger plus près de celle-ci que de l’optimum global. Comment définir l’information a priori , et quel poids lui accorder dans la fonction coût ? Jusqu’à présent dans le domaine agronomique, le choix a essentiellement porté sur des méthodes d’assimilation séquentielle ou variationnelle de recherche directe. Il apparaît probable que les mé-thodes calculant le gradient de la fonction coût soient plus efficaces. La méthode d’assimilation variationnelle utilisant le modèle adjoint n’a jamais été développée dans ce domaine, mais elle a prouvé dans d’autres disciplines une totale robustesse face aux problèmes de très grande dimension. Par ailleurs, le modèle adjoint permet d’effectuer des analyses de sensibilité locales qui constituent un atout supplémentaire.

Nous développerons donc dans le chapitre 2 les aspects mathématiques pour comprendre l’intérêt de l’utilisation du modèle adjoint. La méthode d’assimilation exploitant cet outil appartient à la théorie du contrôle que nous décrirons dans un premier temps sur des équations aux dérivées partielles, puis dans un cas d’équations discrètes.

L’analyse de sensibilité détermine quels paramètres sont les plus influents sur les variables d’état du modèle. Cette méthode peut donc éventuellement nous aider à sélectionner les paramètres et les variables d’entrée du modèle à estimer en priorité. Parmi les principales méthodes existantes, nous verrons de façon théorique que le modèle adjoint est un outil particulièrement adapté. Nous aborderons également la sensibilité des résultats d’assimilation par rapport aux observations dans le cadre d’équations au second ordre.

Après ce volet purement mathématique, une seconde partie de ce chapitre s’attachera aux aspects pratiques rencontrés au cours des étapes intermédiaires de l’assimilation variationnelle. La mise en œuvre d’une telle méthode nécessite en particulier la compréhension du calcul du modèle adjoint et des algorithmes de minimisation pour améliorer leur efficacité. Nous présenterons donc le logiciel de différentiation automatique exploité TAPENADE ainsi que le code de minimisation opérationnel N1QN3. Enfin, nous détaillerons les différents diagnostics qui seront établis sur les résultats de l’assimilation.

Suite à ce chapitre essentiellement concentré sur l’assimilation, nous passerons dans le 3ième chapitre à la compréhension des modèles utilisés et la description des données exploitées.

Afin de contrôler au mieux les erreurs intermédiaires, mais également de simplifier le problème de différentiation du modèle, nous ferons le choix d’assimiler des pseudo-observations de LAI dans le modèle de fonctionnement du couvert. Ce choix nécessite l’utilisation d’un modèle de transfert radiatif (PROSAIL) que nous décrirons dans une première partie.

Nous considérerons ensuite deux classes de modèles pour travailler au niveau de la végétation : nous proposerons d’une part un nouveau modèle semi-mécaniste de simulation du LAI (BON-SAÏ). La simplicité de ce modèle facilite l’analyse et l’appropriation de la théorie de l’assimilation variationnelle. Son couplage à un modèle de biomasse (BONSAÏ-BIO) permettra de se placer dans le problème agronomique concret où les variables d’intérêt ne sont pas celles assimilées. Nous jugerons donc de l’intérêt d’assimiler du LAI pour prédire la biomasse finale. Nous présenterons d’autre part un modèle mécaniste de fonctionnement complet et complexe (STICS), dans lequel l’assimila-tion de données de télédétecl’assimila-tion représente un objectif important pour la communauté agronomique. Enfin, nous dédierons une partie de ce manuscrit à l’expérimentation ADAM, dont les dif-férents types de données seront exploités dans les chapitres suivants.

Le chapitre 4 présentera les résultats d’assimilation obtenus principalement à partir des mo-dèles semi-mécanistes. Il faudra dans un premier temps estimer les variables biophysiques qui seront assimilées dans BONSAÏ. Nous adapterons donc trois méthodes d’estimation de LAI à partir des réflectances du couvert végétal. Ces pseudo-observations permettront de corriger la trajec-toire du modèle par assimilation dans BONSAÏ à travers de nombreux scénarios. Nous établirons un

diagnostic de la méthode sur sa capacité à identifier les paramètres et à reproduire la variable assimilée, ainsi que sur son coût de calcul selon les situations. En particulier, nous étudierons l’importance de l’information a priori , et comment diminuer la quantité d’observations né-cessaires. Nous évaluerons également l’intérêt de l’assimilation de données de LAI dans le modèle BONSAÏ-BIO pour la prévision de biomasse.

Le chapitre 5 développera une nouvelle façon de prendre en compte l’aspect spatial lors de l’as-similation de données de télédétection. Cette prise en compte s’exprimera au travers de contraintes spatiales imposées aux paramètres de BONSAÏ en fonction de leurs caractéristiques typiquement variétales (paramètres de phénologie), inter-parcellaires (techniques culturales), ou intra-parcellaires (propriétés du sol). Cette méthode nécessitera le calcul d’un modèle adjoint intégrant ces contraintes sur l’ensemble de l’image. Nous analyserons le gain potentiel associé à l’utilisation explicite des contraintes spatiales au niveau de la définition de la fréquence d’observation nécessaire, pour de futures missions spatiales dédiées à l’agriculture.

L’application de notre méthode variationnelle à un modèle mécaniste complexe passe par le calcul de son adjoint. Les modèles de culture comme STICS présentent des difficultés face à la différentiation liées à leurs discontinuités et à leur manque de déterminisme. Cette thèse s’attachera donc dans un 6ième chapitre à démontrer la faisabilité de l’application de la méthode varia-tionnelle en calculant le modèle adjoint de STICS, et en exploitant cet outil à travers une analyse de sensibilité.