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1.3 Des variables observables par télédétection aux variables agronomiques

1.3.4 Approche par forçage

a. Description générale

Le modèle de fonctionnement nécessite des estimations de certaines variables d’état telles que le LAI pour simuler les processus de photosynthèse et d’évapotranspiration. Le forçage, méthode intuitive, consistera dans notre cas à fournir au modèle les valeurs de ces variables d’entrée à partir des données de télédétection. Cependant, il est difficile d’acquérir suffisamment d’images à la fréquence temporelle requise par le modèle, généralement journalière. La pratique la plus courante

(Liang [171]) consiste alors à interpoler les observations acquises au pas de temps nécessaire, par exemple en utilisant un modèle simple de description du LAI tel que BONSAÏ (§ 3.2.1).

On proposera dans un premier temps l’intégration de données satellitaires dans des modèles simples d’efficience, puis quelques applications de forçage dans des modèles mécanistes, qui per-mettent de décrire de façon dynamique et selon les lois physiologiques les réactions de la culture. b. Applications à des modèles d’efficience

Une approche semi-empirique revient à intégrer l’information biophysique obtenue par télédé-tection (typiquement le LAI ou le fAPAR), dans des modèles agronomiques simples. Par exemple, le modèle de Varlet-Grancher et al. [236] utilise le LAI pour calculer la biomasse du couvert. Le fAPAR est également souvent utilisé dans les modèles de fonctionnement de la végétation pour calculer la production de biomasse et le rendement. Le premier instigateur de ce type d’approche semi-analytique est Monteith, qui affirme que la culture peut être considérée comme un capteur et un transformateur d’énergie solaire. Son premier modèle en ce sens, le modèle de Monteith ([186] [187]), qui exprime la croissance du couvert comme résultante de l’accumulation du rayonnement photosynthétiquement actif absorbé (fAPAR), a été adapté à l’utilisation de données de télédétec-tion par Kumar et Monteith [157]. La productélédétec-tion primaire nette Pn (g · m−2) s’obtient alors par l’intégration du produit du rayonnement global incident et de trois efficiences :

Pn= c

Z récolte

levée

b· f AP ARt· Rg(t) dt où :

– f AP ARt est la fraction du PAR incident absorbé par le couvert à l’instant t, ou efficience d’interception ;

– Rg(t) (M J · m−2) est le rayonnement global incident à l’instant t (entre 300 et 3000 nm) ; – c est l’efficience climatique, c’est-à-dire la proportion de PAR dans le rayonnement global

Rg ;

– b (g · M J−1) est l’efficience biologique de conversion du rayonnement absorbé en matière sèche.

L’efficience d’interception dépend des propriétés optiques du couvert et peut donc être dérivée par les données radiométriques (Baret et Olioso [16]). Monteith [186] a montré que le rapport d’efficience climatique c est relativement constante (généralement comprise entre 0.4 et 0.5) pour certaines espèces telles que le blé le long de la saison de croissance. Quant à b, qui est déterminée par tous les processus reliés à l’assimilation du CO2, ses valeurs sont relativement constantes pour une espèce donnée quand elle est calculée sur l’ensemble de la saison de végétation (Gosse et al. [104]). Toutefois, différents stress peuvent modifier l’efficience de conversion et b doit souvent être calibré pour ces conditions particulières.

Ce modèle de Monteith associé aux mesures de télédétection par le biais de l’efficience d’in-terception a permis d’estimer la production de diverses cultures : Bégué [19] estime la production primaire en zone Sahélienne ; Guérif et al. [112] l’appliquent sur du blé dur, puis Leblon et al. [168] sur le riz, avec des données SPOT dans le visible et le PIR, et estiment ainsi la matière sèche très correctement, puis en déduisent le rendement. Ce dernier est nettement moins bien estimé que la biomasse puisqu’un terme de conversion supplémentaire doit être introduit : le coefficient de récolte (rendement/biomasse) qui n’est pas toujours constant ni connu. Clevers [55] a également montré que le rendement final d’un champ de betterave est linéairement relié au PAR absorbé :

Y ield = α + β

Z récolte

levée

f AP ARt· P ARt dt

où α et β sont des coefficients. En pratique, il est difficile d’obtenir le PAR absorbé tout au long de la saison de croissance (Liang [171]). Cependant il a été montré que le PAR absorbé fin Juin et début Juillet est très fortement corrélé au rendement final de la betterave.

La paramétrisation de l’efficience de conversion b suivant les conditions hydriques présente également un grand intérêt puisqu’elle permettrait de développer cette approche simple dans des zones à conditions non optimales pour la culture. Ainsi, Guérif et al. [114] déterminent la production céréalière en zone semi-aride en combinant les courtes longueurs d’onde et l’infrarouge thermique. En effet, ce domaine spectral permet la mesure de température de surface, elle-même indicatrice du stress hydrique (Lagouarde et al. [159] ; Seguin et al. [226]). Ce stress hydrique expliquerait les variations d’b d’après les travaux de Steinmetz [230] sur du blé dur.

Ainsi, le modèle de Monteith et ses variantes permettent de bonnes estimations de la production primaire du couvert, mais présentent cependant quelques inconvénients : un problème majeur réside dans la difficulté de donner une valeur à l’efficience de conversion b, qui quantifie la production de biomasse, d’autant qu’elle est sensible aux conditions d’environnement et aux stades phénolo-giques (Green [106] sur le blé ; Leblon et al. [168] ; Hanan et Bégué [122] ; Leroux et al. [167]). Une alternative appliquée par Leblon et al. [168] consiste à ré-estimer les valeurs de b aux principaux stades phénologiques après avoir obtenu l’efficience d’interception par télédétection, puis à valider la méthode avec ces valeurs sur un plus grand nombre de parcelles.

Bien que ces modèles semi-empiriques permettent d’envisager une prévision simple et très rapide, la nécessité du fAPAR à chaque date implique une interpolation éventuelle générant un bruit. De plus, ces modèles restent très limités dans leur représentation des mécanismes physiologiques et biologiques. Pour une description plus complète des processus, des modèles mécanistes permettent de prendre en compte une quantité nettement supérieure de conditions.

c. Applications à des modèles mécanistes

Le forçage appliqué à des modèles mécanistes par des valeurs de LAI ou d’efficience incidente provenant de la télédétection effectué à chaque pas de temps permettrait de déduire, à l’aide d’une paramétrisation adaptée, une estimation des variables agronomiques désirées, telle que la production de biomasse et le rendement. Cela nécessite en général une adaptation de ces modèles mécanistes de fonctionnement de la végétation, en court-circuitant la mise à jour de la structure (Délecolle et Guérif [69]).

Faivre et al. [78] utilisent la méthode de forçage de données issues du capteur Végétation/SPOT désagrégées sous forme de LAI dans le modèle mécaniste STICS (Brisson et al. [37]), dans le but de déterminer des cartes de rendement sur la région de Chartres. Les comparaisons entre les statis-tiques officielles de production de la région ont permis de constater une prédiction des productions communales encourageante, que ce soit dans les zones à faible production (secteur urbain typique-ment) ou dans les zones à forte production. Cependant, une meilleure description des propriétés du sol et des pratiques culturales sur cette région permettrait d’améliorer les estimations de production du modèle STICS.

Clevers et al. [56] dérivent du LAI à partir de données SPOT, tout en l’interpolant au pas de temps souhaité à l’aide d’un modèle semi-empirique, qui détermine une relation entre le WDVI13 et le LAI. Ce LAI est ensuite forcé dans un modèle de croissance mécaniste14. Cette étude s’applique à l’expérimentation Alpilles ReSeDa 15, sur laquelle les forçages ont essentiellement été effectués par des mesures au sol et de télédétection optique aéroportée, et apporte donc une information supplémentaire par les données SPOT. De plus, les paramètres du modèle semi-empirique CLAIR ont été au préalable calculés pour des céréales aux Pays-Bas et ont été appliqués avec succès sur les données Alpilles, que ce soit sur les données aéroportées ou sur les données SPOT. Ceci exprime que les paramètres ne sont pas spécifiques et laisse espérer une possibilité d’application dans un vaste domaine.

Carbone et al. [45], de manière plus simple, combinent des données de télédétection et de sys-tèmes SIG 16 pour du forçage dans un modèle de fonctionnement du soja, dans le but d’examiner

13

WDVI : voir définition en annexe (A.5) 14

ROTASK : Jongschaap, 1996 et 2002 15

ReSeDa : Remote Sensing Data Assimilation

la variabilité spatiale des cultures. Les données radiométriques permettent d’établir une classifica-tion des couverts végétaux, et les SIG déterminent l’organisaclassifica-tion spatiale des données du sol et climatiques dans le modèle de culture.

Enfin, de même que les modèles de culture, les modèles TSVA peuvent être combinés avec des données de télédétection par forçage pour décrire les principaux transferts de masse et d’énergie aux niveaux du sol et du couvert (Olioso et al. [197]).

d. Conclusion

La méthode de forçage comporte quelques avantages indéniables : simplicité théorique et pra-tique, résultats de prédiction de rendement plutôt satisfaisants. Cependant, ces modèles nécessitent des données radiométriques nombreuses à un pas de temps régulier pour bien décrire l’évolution tem-porelle des variables d’entrée (Maas [174] ; Moulin et al. [189] ; Guérif et al. [113]). Cette contrainte est difficile à satisfaire, voire même impossible, typiquement pour des capteurs à basse résolution temporelle. L’interpolation représente une alternative intéressante, mais elle n’assure aucune cer-titude sur la validité physique des pseudo-observations alors obtenues, puisqu’elle lisse les baisses temporelles liées à un stress par exemple.

Enfin, comme on l’a remarqué dans les applications, les modèles mécanistes nécessitent d’être renseignés par les propriétés du sol, les caractéristiques de la végétation (espèce, variété. . .), et les pratiques culturales, qui sont difficilement accessibles à grande échelle (échelle régionale dans le cas de Faivre et al.). Les méthodes d’assimilation des données de télédétection permettraient alors d’estimer ces paramètres.