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87 L’objectif général de ce travail de doctorat a été centré sur l’utilisation des cellules pluripotentes induites humaines dans la modélisation et l’évaluation thérapeutique des pathologies cardiaques. En effet et comme présenté dans l’introduction, depuis leur découverte en 2006, ces cellules offrent une opportunité sans précédent pour le développement de modèles cellulaires humains et spécifiques de patients pour l’étude des mécanismes physiopathologiques, l’évaluation de réponses pharmacologiques et la génération de cellules redifférenciées (ici en cardiomyocytes) pour des applications thérapeutiques cellulaires.

Cependant, ces trois applications partagent un obstacle commun qui est lié à la capacité de pouvoir différencier de manière efficace, reproductible et spécifique les cellules iPS en cardiomyocytes. Idéalement, ces cardiomyocytes dérivés d’iPS doivent présenter des caractéristiques appropriées à la question posée. Plusieurs protocoles de différenciation en cardiomyocytes ont été développés et proposés mais il existe peu de données sur la caractérisation fine des cardiomyocytes obtenus. Les cardiomyocytes dérivés d’iPSC sont utilisés pour modéliser de nombreuses maladies cardiovasculaires qui peuvent affecter différents types cellulaires cardiaques (à l’étage ventriculaire, nodal ou atrial) ou toucher différents éléments clés des cardiomyocytes (comme les canaux ioniques cardiaques, ou les protéines du sarcomère). Pourtant, on ne sait pas à l’heure actuelle si les protocoles de différentiation permettent de spécifier correctement une cellule iPS vers un sous-type de cardiomyocytes puis de modéliser correctement l’ensemble de ces éléments. Si le but ultime est de pouvoir remplacer les modèles animaux actuels par un modèle humain (et potentiellement spécifique de chaque patient), il est indispensable de pouvoir élucider les facteurs critiques qui régulent de manière fine la différenciation cardiaque. De plus, il apparaît important de pouvoir améliorer les protocoles actuels en proposant des approches plus ciblées au niveau moléculaire afin de mieux maitriser la différenciation de ces cellules.

Enfin, le développement récent des techniques d’ingénierie génomique permet la manipulation ciblée du génome des cellules iPS. Ceci offre des opportunités uniques pour la compréhension du rôle de mutations d’intérêt en permettant la correction ciblée de celles-ci dans des cellules iPS spécifiques de patients. Cependant, ces techniques offrent de nombreuses possibilités d’application, soit par la mise en place de différentes stratégies d’application (correction de mutation, délétion génique, insertion de mutations), soit par la diversification de leur fonction (nucléase mais aussi régulatrice d’expression génique).

Pendant ma première année de thèse j’ai eu l’opportunité d’être formé sur la culture des iPS et la reprogrammation au sein de l’institut iStem à Evry. J’ai ensuite eu la possibilité de partir en formation à l’hôpital Mount Sinaï de New York dans le centre de recherche cardiovasculaire (Directeur Roger

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Hajjar). Là-bas j’y ai appris la technique de différenciation en cardiomyocytes par la technique des EB et j’ai pu commencer les premières expériences de ma thèse.

Durant mon travail de doctorat, j’ai donc essayé de répondre aux questions suivantes :

I. Mon premier objectif a été de répondre à une première question essentielle : Existe-t-il des différences critiques dans les caractéristiques des cardiomyocytes obtenus par les différents protocoles de différenciation actuellement disponibles ? Dans la première partie de ma thèse j’ai comparé trois protocoles de différenciation qui sont typiques des protocoles actuellement utilisés par l’ensemble des équipes travaillant dans le domaine. Ces trois protocoles différents par la technique architecturale utilisée (aggrégation cellulaire vs. monocouche) et dans les composés pharmacologiques utilisés (ciblant différentes voies de signalisation régulés par Wnt). Notamment, dans l’objectif de pouvoir proposer des protocoles adaptés à la modélisation des cardiomyopathies, nous avons voulu savoir quel protocole permet d’obtenir des cardiomyocytes ayant un sarcomère mature comparable à celui de cardiomyocytes adultes. Nous nous sommes également interrogés sur l’importance de la modulation de la voie Wnt sur la différenciation et sur la maturation des IPSC en CM. J’ai tenté de répondre à ces questions dans la première partie de ma thèse et dans l’article intitulé : « Differential sarcomere maturation of human iPSC-derived cardiac myocytes in monolayer vs. aggregation-based differentiation protocols » (Article soumis, 1er auteur, European Heart Journal)

II. Mon second objectif a été de travailler sur la qualité de modélisation des cardiomyocytes dérivés d’iPSC pour les pathologies monogéniques mais aussi pour les pathologies multigéniques. En ce qui concerne les pathologies monogéniques, j’ai travaillé sur la mise en place et l’utilisation de techniques d’édition génomique, initialement par des Talens puis par la technique CRISPR/Cas9. Cette technique permet d’avoir notamment d’obtenir des cellules contrôles isogéniques des cellules transformées, ces dernières ayant donc le même fond génétique mais ne se différenciant que par la mutation causale corrigée. L’expertise développée ici m’a amené à pouvoir collaborer dans plusieurs projets qui sont en cours de finalisation. J’ai par exemple collaboré avec une l’équipe du centre de recherche de Saint Antoine sur la modélisation de laminopathies avec une réversion d’une mutation du gène LMNA par des Talens puis leur comparaison avec des cellules mutés et contrôle afin d’identifier leur rôle dans la sénescence prématurée de cellules endothéliales (données non publiées et non abordées dans ce manuscrit). J’ai aussi contribué à la mise en place de deux nouveaux projets qui utilisent des techniques d’édition génomique pour étudier les cardiomyopathies dilatées (ciblant BAG3) et les cardiomyopathies hypertrophiques (MYH7 et MYBPC3). Ce

89 dernier projet a fait partie d’une collaboration avec un industriel pharmaceutique (données non publiées, non abordés dans ce manuscrit). La mise en place de ces projets m’a amené à développer une expertise dans l’utilisation de ces techniques et leur évolution. J’ai ainsi pu rapporter ceci dans une revue intitulée : « Generating patient-specific induced pluripotent stem cells- derived cardiomyocytes for the treatment of cardiac diseases » (Jeziorowska D. et al., Expert Opin. Biol. Ther. (2015) 15(10)). De plus, j’ai participé à une étude cherchant à démontrer qu’une librairie de cellules iPS permet de refléter in vitro la diversité des phénotypes observés in vivo. Nous nous sommes ici intéressés à la modélisation de la prolongation du QT long induit par médicament, une condition pathologique qui mime le QT long congénital (maladie monogénique affectant les canaux ioniques cardiaques). Ce syndrôme pharmacogénomique survient cependant chez quelques sujets prédisposés qui ne présentent pas d’anomalies de la repolarisation cardiaque à l’état basal mais présentent une réserve de repolarisation cardiaque limitée. Il a été proposé que cette limitation de la réserve de repolarisation soit liée à l’action simultanée de plusieurs polymorphismes génétiques constituant un fond génétique de susceptibilité. Dans ce travail, basé sur une librairie d’iPS provenant de sujets avec des réponses extrêmes à une même stimulation pharmacologique par Sotalol, nous avons pu démontrer que les cellules iPS sujets-spécifiques reproduisaient in vitro le phénotype observé in vivo. Cette étude est importante car elle est l’une des premières démonstrations que les cellules iPS peuvent être utilisées pour la modélisation de pathologies plus complexes et multigéniques (Article en révision, co-auteur, eLife).

III. Mon troisième objectif a enfin été d’améliorer le processus de différenciation in vitro en utilisant une approche moléculaire ciblée. Pour ceci, nous avons développé une technique de différentiation totalement originale basée sur un dérivé de CRISPR/Cas9. Ce travail a été réalisé avec Sébastien Dussaud, ingénieur d’étude de notre équipe. Nous avons utilisé un système d’édition génomique dérivé de CRISPR, qui a été dénué de sa fonction nucléase au profit d’une fonction activatrice de l’expression génique. Nous avons ainsi choisi d’utiliser le système CRISPRa, pour l’activation ciblée de gènes impliqués dans la cardiogenèse et ainsi induire une différenciation cardiaque des cellules iPS par une approche moléculaire. Ce travail très innovant et récent a fait l’objet d’un dépôt de brevet en Octobre 2016. Un article est en cours de rédaction et sera soumis d’ici le début de l’année 2017.

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Première partie : La maturation