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Le laboratoire du Dr. Samer HUSSEIN vise à comprendre les fonctions et les mécanismes moléculaires de longs ARNs non-codants (lncRNAs) impliqués dans la régulation génique lors des changements d’états cellulaires. Pour ce faire, le laboratoire s’intéresse aux différentes interactions dans lesquelles peuvent être impliqués les lncRNAs, à savoir : ARN-ADN, ARN-ARN et ARN- protéines.

Les résultats présentés s’inscrivent dans le projet de recherche s’intéressant à l’ARN Tuna. En effet, celui-ci a la particularité d’intervenir dans deux processus cellulaires contradictoires, le maintien de la pluripotence des cellules souches de l’embryon et leur différenciation vers le phénotype neuronal. Si tel est bien le cas, cela suggèrerait que ce lncRNA possède deux mécanismes moléculaires distincts et dépendants du type cellulaire, impliquant probablement des partenaires d’interaction, protéines, ARN et/ou ADN et des cibles différentes. De plus, l’expression de Tuna est conservée chez les vertébrés dans le SNC (système nerveux central) et dans les ESCs, au moins chez l’humain et la

l’ensemble des vertébrés. En considérant les travaux de Ultisky et al. (2011) et Lin et al. (2014), et le fait que ce type de conservation est généralement lié à la fonction des lncRNAs, cette région représente certainement une caractéristique liée au mécanisme moléculaire de Tuna.

De ce fait, les objectifs du projet de recherche portant sur l’ARN Tuna visent à :

- Caractériser les séquences conservées de Tuna chez les ESCs et les neurones dérivés d’ESCs - Identifier le rôle fonctionnel des régions conservées de Tuna dans le contexte de la

pluripotence

A long terme, ce projet s’intéressera à identifier et caractériser d’autres lncRNAs impliqués dans les mêmes processus cellulaires que Tuna et d’en évaluer l’intérêt dans certains contextes physiologiques et pathologiques, tels que les maladies neurodégénératives, les désordres du développement et/ou les cancers du cerveau (glioblastomes par exemple).

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Figure 1 - Régulation de la pluripotence des ESCs et différenciation. A) Extrait de Vaughan Johnson et al., 200674. Changements du répertoire de régulateurs de la transcription dans la pluripotence. Représentation en diagramme de l’origin du développement et de l’organisation des lignées cellulaires précoces, incluant les types cellulaires suivants : Inner Cell Mass (ICM, Masse cellulaire interne), ectoderme primitif (bleu), dérivés non-pluripotents du trophectoderme (violet), endoderme extra-embryonnaire (vert) et cellules somatiques des 3 feuillets embryonnaires (rouge). Le répertoire des régulateurs de la transcription (Oct4, Nanog et Sox2), exprimés dans différentes populations de cellules pluripotentes est indiqué (rectangles) aux stades du blastocyste pré-implantatoire (early blastocyst) et 6,5 jours post-coït (6 dpc, days post- coïtum). Les facteurs de transcription impliqués dans l’établissement du trophectoderme (Cdx2), de l’endoderme extra- embryonnaire (Gata6) et des cellules somatiques (GCNF, Germ Cell Nuclear Factor) sont indiqués. LRH-1, requis pour le maintien de l’expression d’Oct4 dans l’épiblaste, est aussi indiqué (orange). Les données accumulées supportent le modèle selon lequel le répertoire des protéines régulatrices définit le destin cellulaire et, lorsqu’elles sont correctement combinées, maintiennent la pluripotence. Oct4 est nécessaire pour l’établissement et le maintien de la pluripotence des cellules de l’ICM. Nanog est requis pour prévenir la formation de l’ectoderme extra-embryonnaire au stade du blastocyste pré- implantatoire; cependant, il apparaît que Oct4 et Sox2 sont suffisants pour maintenir l’état pluripotent dans l’ectoderme primitif, en absence de Nanog. B) Extrait de Nichols et al., 20123. Les inhibiteurs 2i, pour GSK et MEK, préviennent la répression du circuit externe (jaune) des gènes de la pluripotence, alors que LIF/STAT3 régulent directement de manière positive l’expression de facteurs spécifiques dans le but de promouvoir le maintien de la pluripotence et l’auto- renouvellement des ESCs. L’effondrement du circuit externe (jaune) des facteurs de pluripotence, à la suite de leur répression par Tcf3 (voie GSK), Erk (voie MEK) et la voie NuRD, amène les cellules à sortir de l’état pluripotent fondamental et à leur engagement dans les diverses voies de différenciation.

Figure 2 – Exemples de mécanismes de régulation par les lncRNAs. Les lncRNAs sont impliqués dans la régulation transcriptionnelle des gènes. 1) Les lncRNAs peuvent jouer le rôle d’échafaudage et médier la formation de complexes protéiques au niveau de régions régulatrices de la transcription des gènes. Ces complexes peuvent, par exemple, agir sur l’état de la chromatine en modifiant les marques d’histones et ainsi moduler l’initiation/élongation de la transcription des gènes contrôlés par ces régions régulatrices. 2) En se liant directement à la chromatine, certains lncRNAs peuvent permettre le recrutement de facteurs de transcription, grâce à des domaines de liaison aux protéines, au niveau de gènes cibles et ainsi moduler leur niveau d’expression. 3) Certains lncRNAs peuvent entrer en compétition avec des protéines liant la chromatine (complexes de remodelage, facteurs de transcription, …etc.). En se liant aux domaines protéiques initialement destinés à lier l’ADN, ces lncRNAs jouent le rôle de leurres et empêchent ces protéines de reconnaitre leur(s) cible(s). Les lncRNAs sont impliqués dans la régulation post-transcriptionnelle des gènes. 4) Les lncRNAs peuvent jouer le rôle d’éponges à microARNs. Lorsqu’ils sont exprimés ils titrent certains microARNs, les empêchant d’atteindre leur(s) ARNm cible(s). De cette manière la régulation du niveau de ces ARNm est altérée et peut, par exemple, provoquer l’augmentation de leur présence dans le cytoplasme. 5) En se liant directement aux ARNm, certains lncRNAs peuvent moduler et médier leur stabilisation ou leur dégradation, en recrutant diverses acteurs protiques. Par exemple, la protéine STAU1 reconnait les complexes ARN-ARN(antisens) et recrute l’exosome, provoquant la dégradation de l’ARNm de 5’ vers 3’. 6) En se liant directement aux ARNm, d’autres lncRNAs peuvent augmenter leur stabilité et moduler leur traduction. Par exemple, la présence d’un élément rétro-transposable SINE dans la séquence du lncRNA lié à un ARNm peut augmenter son association aux ribosomes et ainsi stimuler sa traduction et la production de protéine (système SINE-UP).

Figure 3 - Identification de nouveaux lncRNAs impliqués dans l’embryogénèse. Adapté de Ulitsky et al. (2011). A) Localisation des marques H3K4me3 obtenue par ChIP-Seq à partir des embryons de poissons zèbres à 24h post-fécondation en fonction des annotations de gènes codants connus et petits ARNs non-codants (< 200nt) des bases de données Ensembl Genome Browser et RefSeq. B) Positions des sites de polyadénylation en fonction des annotations de gènes codants connus et petits ARNs non-codants. C) Étapes de filtrage pour l’identification de nouveaux lincRNAs.

Figure 4 - L'importance de linc-birc6 pour le bon développement du cerveau. Extrait de Ulitsky et al., 2011. A) Hybridation in situ montrant l’expression de megamind dans le cerveau et les yeux des embryons de poissons zèbres à 28h post-fécondation (hpf). B) Architecture du gène de megamind, montrant les sites d’hybridation des MOs (rectangles rouges) et des amorces de RT-PCR (flèches). C) RT-PCR semi-quantitative de megamind mature dans les embryons à 72hpf injectés avec les MOs indiqués précédemment. L’ARNm de la β-actine a été utilisé comme contrôle. D) Ventricules du cerveau après injection avec soit les MOs soit les MOs aux sites d’épissage et les ARNs megamind, visualisés par un colorant fluorescent rouge injecté dans l’espace interventriculaire à 28hpf. L’expansion du mésencéphale (flèche) et une région charnière anormale (astérisque) sont indiquées. E) Embryons âgés de 48hpf dans lesquels ont été injectés les réactifs indiqués. La forme anormale de la tête et les ventricules élargis du cerveau sont indiqués (flèche). F) Embryons âgés de 48hpf dans lesquels ont été injectés les réactifs indiqués. Les neurones NeuroD-positifs dans la rétine et la placode olfactive ont été marqués avec la GFP exprimée sous le contrôle du promoteur neurod (Obholzer et al., 2008). Presqu’aucun neurone NeuroD-positif dans la rétine et le tectum (flèches) sont indiqués. G) Fréquence des phénotypes anormaux des embryons ayant été injectés. H) Schéma des mutations ponctuelles de l’ADN dans le segment conservé de megamind. I) Architecture d’un transcrit hybride contenant le segment conservé de megamind dans l’ARN cyrano.

Figure 5 - La perturbation de l'expression de Tuna affecte celle des gènes de pluripotence et de différenciation. Adapté de Lin et al. (2014). A) Le knock-down de Tuna (linc86023) module l’expression des gènes marqueurs de lignée. Les mESCs CCE (Oct4-GFP) ont été transductées avec le shRNA-I dirigé contre Tuna ou un shRNA contrôle. L’ARN a été extrait après 4 jours et analysé par qRT-PCR. L’expression génique a été normalisée et comparée aux niveaux de β-actine dans les cellules exprimant le shRNA contrôle. Les données représentent la moyenne de triplicats ± écart-type. B) L’expression de Nanog et Oct4 est induite par la surexpression de Tuna dans les cellules CCE incubées avec ou sans LIF. Les cellules ont été transfectées avec les vecteurs d’expression pcDNA3 indiqués et sélectionnées par addition de G418 (Néomycine) après 24h. L’ARN a été extrait après 4 jours et analysé par qRT-PCR. Les niveaux d’ARNm ont été normalisés à la β-actine et sont des expressions relatives comparées aux cellules exprimant l’EGFP. Les données représentent la moyenne de triplicats ± écart-type. C) La surexpression de Tuna promeut la reprogrammation de MEFs vers les iPSCs. Les MEFs Oct4-GFP ont été ensemencées sur gélatine en plaques 12 puits et transductées avec les rétrovirus exprimant les 4 facteurs (Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc) et soit Tuna pleine longueur ou DsRed (contrôle négatif). Le milieu a été remplacé par du milieu MEF frais le jour suivant et 3 jours plus tard, le milieu a été changé par du milieu mESCs supplémenté en LIF. Les colonies iPSCs GFP+ ont été comptées 2 semaines après transduction. Le nombre de colonies GFP+ est normalisés aux cultures transductées par DsRed. Les données représentent la moyenne de triplicats ± écart-type.

Figure 6 - Tuna est impliqué dans le contrôle de la pluripotence et de la différenciation neuronale des mESCs. Adapté de Lin et al. (2014). A) Quantification des colonies iPSCs GFP+ 2 semaines après reprogrammation. Les MEFs Oct4-GFP ont été transductées avec les rétrovirus exprimant les 4 facteurs et DsRed (contrôle) ou un des variants de Tuna suivants : sauvage (WT – Tuna), un mutant sans la région conservée (Tuna-mut), ou la région conservée seulement (Tuna-con). Le nombre de colonies iPSCs GFP+ est normalisé aux cultures transductées avec DsRed, les données représentent la moyenne de triplicats ± l’écart-type. B) Processus d’ontologie génique enrichis des 10 groupes de gènes identifiés par RNA-Seq sur l’ARN extrait de CCE mESCs KD pour Tuna. C) Fluorescence et champs clairs de différenciation in vitro de mESCs CCE transductées avec shRNA contrôle ou spécifique à Tuna. Les cellules CCE ont été transductées après 2 jours de différenciation et analysées à jour 7. Les panneaux hauts montrent les cellules marquées pour la Nestine (gauche) et Tuj1 (droite). Les panneaux du milieu montrent Hoechst au noyau, et les panneaux du bas montrent les images en champ clair. Échelle 100µm.

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