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1.3 Contexte et enjeux de la th` ese

1.3.2 Objectifs et organisation de la th` ese

a une loi de frottement de Weertman associ´ee `a un coefficient de frottement constant qui induit une discontinuit´e peu r´ealiste du frottement basal `a la ligne d’´echouage. L’endommagement, ph´enom`ene physique par lequel les propri´et´es m´ecaniques de la glace s’alt`erent et induisent une r´eduction de la viscosit´e de celle-ci, n’est pas non plus consid´er´e dans ces exercices. De nombreuses questions quant `

a la dynamique de la ligne d’´echouage et `a sa repr´esentation dans les mod`eles d’´ecoulement restent donc ouvertes. Dans son dernier rapport (rapport AR5, publi´e en 2013), le GIEC prend acte de cet ´etat de fait en soulignant que, malgr´e les progr`es r´ealis´es depuis le rapport pr´ec´edent (rapport AR4, publi´e en 2007), le domaine de la mod´elisation des calottes n’a pas encore atteint le mˆeme niveau de maturit´e que celui qui existe pour la mod´elisation de nombreuses autres composantes du syst`eme Terre (Church et al.,2013).

1.3.2 Objectifs et organisation de la th`ese

Au cours de la Section 1.1, nous avons constat´e l’´el´evation actuelle du niveau des mers et ´evoqu´e les impacts soci´etaux, environnementaux et ´economiques de cette ´el´evation. La Section 1.2 a ´et´e l’occasion de d´ecrire les modes de contribution des deux calottes polaires `a cette ´el´evation. En

parti-culier, nous avons mis en lumi`ere le fait que la calotte antarctique - de loin le plus gros contributeur potentiel `a l’´el´evation future du niveau des mers - perd sa masse presque exclusivement par transfert dynamique de glace aux marges de la partie pos´ee et que plus de 80 % de cette masse transite par une ligne d’´echouage. Nous avons ´egalement ´evoqu´e les forts soup¸cons qui p`esent sur une ´eventuelle instabilit´e de l’Antarctique de l’Ouest dont la ligne d’´echouage repose sur un socle r´etrograde. Enfin, dans la partie pr´ec´edente, nous avons d´eroul´e un bref historique des progr`es r´ealis´es au fil des ans dans la mod´elisation de la migration de la ligne d’´echouage tout en nuan¸cant ces progr`es compte tenu du fait que certains processus affectant la dynamique de la ligne d’´echouage restent compl`etement ou partiellement ignor´es des mod`eles. Quantifier l’importance de ces processus sur la dynamique de la ligne d’´echouage est essentiel afin de d´efinir des priorit´es quant aux d´eveloppements futurs `a apporter `a ces mod`eles. Par exemple, d’importants efforts sont actuellement mis en œuvre dans le but de coupler les mod`eles de calotte aux mod`eles d’oc´ean (Asay-Davis et al.,2016;Seroussi

et al.,2017, par exemple) car plusieurs ´etudes pass´ees ont sugg´er´e une influence importante sur la dynamique de la ligne d’´echouage de la mani`ere dont la fonte est distribu´ee spatialement sous les plateformes flottantes (Walker et al.,2008;Gagliardini et al.,2010).

Dans ce cadre, cette th`ese vise `a ´evaluer l’influence sur la dynamique de la ligne d’´echouage de deux processus : l’endommagement d’une part et le frottement basal en lien avec l’hydrologie sous-glaciaire d’autre part.

Dans le Chapitre 2, les deux m´ecanismes `a l’origine du mouvement des glaciers et calottes sont d´ecrits : la d´eformation visco-plastique (fluage) de la glace et le mouvement basal. Dans un premier temps, nous nous attardons sur le fluage et montrons comment ce m´ecanisme est affect´e par l’endommagement de la glace, notion qui est introduite au pr´ealable. Dans un second temps, les diff´erents processus permettant `a la base d’un glacier de se mouvoir par rapport `a son socle sont recens´es et l’importance de l’eau occupant le r´eseau de drainage sous-glaciaire dans ce mou-vement est mise en lumi`ere. Suite `a cela, un inventaire des lois de frottement d´evelopp´ees au fil des d´ecennies pour mod´eliser ce mouvement est dress´e et les quatre lois les plus commun´ement utilis´ees en glaciologie sont compar´ees. En fin de chapitre, les m´ethodes employ´ees pour localiser la ligne d’´echouage sont ´evoqu´ees, l’importance de cette zone d’un point de vue m´ecanique est soulign´ee et les m´ecanismes par le biais desquels l’endommagement et le frottement basal affectent sa dynamique sont mis en ´evidence.

Le Chapitre 3 est consacr´e `a la mod´elisation des ´ecoulements glaciaires : les ´equations qui r´egissent ces ´ecoulements y sont pr´esent´ees ainsi que certaines approximations de ces ´equations auxquelles les glaciologues ont commun´ement recours. Suit une description succincte de la m´ethode des ´el´ements finis, qui permet d’obtenir des solutions num´eriques `a ces ´equations, puis le mod`ele Elmer/Ice, qui fait appel `a cette m´ethode et sur lequel repose l’ensemble des travaux pr´esent´es dans

la ligne d’´echouage. Une premi`ere s´erie d’exp´eriences s’int´eresse au cas d’un frottement discontinu `

a la ligne d’´echouage et `a la sensibilit´e de la dynamique de celle-ci aux diff´erents traitements num´eriques possibles de cette discontinuit´e. Dans une seconde partie, une g´eom´etrie synth´etique 2D d’une calotte reposant sur un socle localement r´etrograde est construite et une perturbation lui est appliqu´ee ; la r´eponse dynamique de la ligne d’´echouage `a cette perturbation est compar´ee pour les quatre lois de frottement introduites au Chapitre 2.

Le Chapitre 6 a pour but d’´evaluer `a quel point les r´esultats obtenus pour le cas synth´etique trait´e au Chapitre 5 s’´etendent `a un cas r´eel, le bassin d’Amundsen (Antarctique de l’Ouest). C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la mani`ere de choisir les param`etres des lois de frottement et de tester l’influence du choix de certains de ces param`etres sur la dynamique de la ligne d’´echouage.

2.3.2 Formulation des lois de frottement . . . . 40

2.4 La ligne d’´echouage : localisation et migration . . . . 50

2.4.1 Localisation de la ligne d’´echouage . . . . 51 2.4.2 Une zone de transition entre deux r´egimes d’´ecoulement . . . . 52 2.4.3 Dynamique de la ligne d’´echouage . . . . 54

2.5 Conclusion . . . . 56

Ce chapitre traite de la dynamique des ´ecoulements glaciaires et de la ligne d’´echouage. Il d´ebute par un bref historique des ´etapes successives ayant abouti `a l’´etat actuel des connaissances bas´e sur les articles deHollier et Hollier(2016) etR´emy et Testut(2006). Ensuite, nous nous int´eressons `a la d´eformation visco-plastique de la glace et voyons comment l’endommagement affecte ce m´ecanisme. Dans une troisi`eme section, nous nous focalisons sur le mouvement basal des glaciers et calottes et pr´esentons les lois de frottement qui permettent de d´ecrire ce processus. Enfin, une derni`ere section est consacr´ee `a la ligne d’´echouage. Apr`es avoir d´ecrit les proc´ed´es permettant sa localisation, nous mettons en ´evidence la complexit´e du r´egime d’´ecoulement en son voisinage ainsi que la d´ependance de sa dynamique `a l’endommagement et au frottement basal.

2.1 Contexte historique

Au 17e si`ecle, en plein cœur du petit ˆage glaciaire, les glaciers alpins grossissent, engloutissant fermes et alpages. Les glaciers sont alors consid´er´es par les habitants des vall´ees alpines comme des lieux mal´efiques progressant au gr´e des col`eres divines. Mais `a partir du 18esi`ecle, avec l’av`enement des Lumi`eres en Europe, des naturalistes commencent `a s’int´eresser aux glaciers d’un point de vue scientifique. En 1706, le zurichois Johann Heinrich Hottinger (1680-1756) publie Descriptio Montium Glacialium Helveticorum, consid´er´e comme le premier trait´e de glaciologie de l’histoire,

dans lequel il s’int´eresse `a la formation et au mouvement des glaciers. La premi`ere tentative connue d’explication de la dynamique des glaciers revient `a Johann Jacob Scheuchzer (1672-1733), qui postule que l’extension des glaciers est engendr´ee par la dilatation induite par la solidification d’eau de fonte s’engouffrant au sein des crevasses pr´esentes sur le glacier. Mais en 1751, Johann Georg Altmann (1695-1758) comprend que la gravit´e est le v´eritable moteur du mouvement des glaciers. Selon lui, le glacier glisse sur son socle rocheux comme le ferait une masse rigide sur un plan suffisamment inclin´e. Ce m´ecanisme est repris et d´etaill´e par le genevois Horace B´en´edicte de Saussure (1740-1799), pionnier de “l’alpinisme scientifique” - les deux activit´es vont souvent de paire `

a cette ´epoque -, dans son ouvrage Voyages dans les Alpes qui aura valeur de r´ef´erence pendant de nombreuses ann´ees. Si ses ´ecrits traduisent une vraie avanc´ee dans la compr´ehension du m´ecanisme de glissement basal, le scientifique passe compl`etement `a cˆot´e de l’aspect d´eformation visco-plastique qui intervient ´egalement dans le mouvement des glaciers. La th´eorie selon laquelle la glace s’´ecoule tel un fluide `a forte viscosit´e avait ´et´e propos´ee d`es 1773 par Andr´e C´esar Bordier (1746-1802) mais n’avait re¸cu aucun ´echo jusqu’aux travaux de Louis Rendu (1789-1849). Dans son ouvrage Th´eorie des glaciers de la Savoie publi´e en 1840, le chanoine savoyard compare le glacier de la Mer de glace (France) `a un fleuve et pressent que la vitesse d’´ecoulement de la glace n’est pas uniforme mais que “le frottement du fond, celui des bords, l’action des obstacles, font varier cette vitesse qui n’est enti`ere que vers le milieu de la surface” (Rendu et Bischof, 1840). De 1840 `a 1845, chaque ´et´e, plusieurs semaines durant, Louis Agassiz (1807-1873) et “l’´equipe des Neuchˆatelois” prennent leur quartier dans une cabane bordant le glacier de l’Aar (Suisse) afin de mener les premi`eres v´eritables campagnes de terrain de l’histoire de la glaciologie. Si l’apport d’Agassiz `a notre compr´ehension des glaciations est d´ecisif, il n’en va pas de mˆeme pour son explication du mouvement des glaciers puisque le g´eologue r´efute les id´ees de Bordier et Rendu et se range derri`ere la “th´eorie de dilatation” formul´ee par Scheuchzer (Agassiz et Bettannier,1840). En 1842, James David Forbes (1809-1868) s’installe au dessus de la Mer de glace et, `a l’aide d’un th´eodolite, mesure exp´erimentalement ce que Rendu avait compris par le raisonnement : les vitesses du glacier sont plus importantes en son milieu que sur les bords. Par ailleurs, il remarque une augmentation des vitesses d’´ecoulement `a la suite de forts ´episodes pluvieux. Il compl`ete ses observations par des exp´eriences en laboratoire qui le conduisent `a rejeter d´efinitivement la th´eorie de la dilatation et `a expliquer le mouvement des glaciers par la rh´eologie ductile de la glace qui flue sous l’effet de la gravit´e, tout en admettant que ce mouvement est facilit´e par la pr´esence d’eau liquide `a la base du glacier (Forbes, 1845). Le physicien ´ecossais donnera d’ailleurs son nom aux bandes de Forbes, alternance de bandes de glace claire/sombre qui se forment sur certains glaciers en aval d’une chute de s´eracs et dont les formes en ogive illustrent le profil parabolique des vitesses `a la surface du glacier (Figure 2.1). Mais cette d´ecouverte ne fit pas l’unanimit´e imm´ediatement et de nombreux scientifiques de premier

Figure 2.1 – Bandes de forbes sur le glacier de la Mer de glace (Chamonix). Cr´edit : Christian Vincent.