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Ce travail de thèse visait à répondre à trois problématiques :

· Quelle est la nature des interactions entre P. passerinii et son hôte ? Comment l’insecte se nourrit-il ? Induit-il la formation d’une galle dans les tissus corticaux ? Le mode de nutrition a-t-il des répercussions sur l’arbre, par exemple en altérant certaines fonctions comme la conduction de sève, ou en détournant des réserves de l’arbre ?

· Quels mécanismes permettent à certains génotypes de peuplier d’être résistants ? Quels types de réponses sont mises en place suite aux piqûres chez les génotypes de peuplier résistants ? Sont-elles de nature anatomique ? Y-a-t-il accumulation de composés de défense ? Comment ces mécanismes affectent-ils les interactions entre le puceron et son hôte ?

· L’environnement abiotique peut-il moduler ces interactions ? Les performances de l’insecte peuvent-elles être affectées par des contraintes environnementales agissant

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sur la plante-hôte ? Y-a-t-il des interactions génotypes de peuplier x environnement dans l’effet de ces contraintes ?

1. Caractérisation des interactions entre P. passerinii et son hôte

Concernant ce premier point, notre hypothèse était que ce puceron étant de petite taille et s’alimentant non pas dans les vaisseaux du phloème mais dans le parenchyme cortical, il devait faire partie des insectes phytophages cécidogènes. Même si aucune déformation apparente ne semble se former au niveau de son site de piqûre sur arbre, il arrive que des gonflements apparaissent sur boutures après quelques semaines de piqûre au même endroit. De plus, des travaux préliminaires à ma thèse (stage M2 Elodie Deprost) montraient que les modifications du parenchyme cortical ne présentaient pas de nécrose malgré l’insertion rectiligne vulnérante des stylets. Les modifications observées pouvaient donc être la formation d’un tissu nutritif permettant au puceron de détourner les nutriments vers son site d’alimentation. Enfin, la capacité de ce puceron à rester plusieurs semaines sur le même site de nutrition en dépit des mécanismes de défense que devrait mettre en place son hôte, suggérait un contournement ou une inhibition de ces mécanismes par l’insecte.

Notre premier objectif était d’étudier l’interaction entre P. passerinii et le peuplier au niveau des zones de piqûre, pour comprendre la réaction du peuplier et les potentielles manipulations par le puceron. Pour cela, nous avons observé les modifications corticales induites par P. passerinii chez le peuplier sensible I-214. Ces données nous ont fourni des éléments de compréhension d’une interaction de type compatible. Cette étude a aussi servi de référence pour toute la suite de cette thèse où des observations histologiques ont été réalisées dans la plupart des expériences pour aider à interpréter nos résultats.

Notre second objectif était d’évaluer l’impact des modifications corticales induites par les piqûres sur les paramètres démographiques et comportementaux du puceron La plupart des insectes manipulateurs vivent dans des habitats fermés (enroulements de feuille, mines, galles) et ne permettent pas ce type d’étude. Nous avons pu, avec le modèle étudié analyser les modifications physiologiques et comportementales du puceron liées à la potentielle manipulation des tissus du peuplier.

2. Modulation des interactions par la résistance de l’hôte

Les travaux de Pointeau et al. (2011; 2013) sur les génotypes I-214, Brenta et I-45/51 suggèrent l’implication de mécanismes d’antibiose et d’antixénose, nous permettant de formuler des hypothèses quant aux mécanismes impliqués dans la résistance située au niveau du parenchyme cortical. Avec des niveaux de résistance contrastés, il était possible que des mécanismes différents soient impliqués ou que ce soit la vitesse de mise en place ou l’intensité de mêmes mécanismes qui jouent un rôle. Cependant, ces travaux ont été réalisés

avec des boutures de peuplier n’ayant jamais été attaquées par P. passerinii, ne prenant donc en compte que la résistance constitutive des peupliers. Ils ne permettaient donc pas de savoir si des mécanismes de résistance induite étaient mis en place. Il était donc important de compléter les travaux de Pointeau et al. (2011; 2013) en prenant en compte l’influence du puceron sur les réactions se déroulant dans le parenchyme cortical du peuplier.

Notre premier objectif ici était de compléter l’étude histologique et histochimique menée sur génotype sensible de peuplier en comparant ces observations aux modifications corticales induites sur deux autres génotypes de peuplier aux niveaux de résistance contrastés (résistant et moyennement résistant). Un suivi temporel des réactions corticales nous a permis de comparer entre génotypes les étapes successives des modifications observées. Les réactions corticales à la piqûre ont été comparées à celles induites par une blessure mécanique pour pouvoir mettre en évidence les mécanismes spécifiques à l’interaction entre P. passerinii et chacun des génotypes.

Notre deuxième objectif par rapport à la résistance était d’estimer l’impact en termes de performances démographiques et de comportement de P. passerinii des modifications corticales qu’il induit sur un génotype de résistance intermédiaire. Une comparaison avec le génotype sensible et entre des boutures saines ou préinfestées en amont nous a permis de distinguer l’impact de la résistance induite et constitutive. L’objectif associé était d’établir un lien entre les modifications anatomiques et biochimiques des tissus corticaux et la favorisation du puceron sur génotype sensible ou au contraire ses moins bonnes performances sur génotype de résistance intermédiaire. Il est à noter que le génotype de résistance forte n'a pas été utilisé dans ces études car il ne permet pas l'établissement durable et dense de colonies de pucerons. L'étendue trop restreinte des réactions de l'écorce de ce génotype rendait donc difficile son utilisation d'un point de vue technique.

3. Modulation des interactions par l’environnement

L’environnement peut moduler les interactions plantes-insectes au sens large. Les études réalisées en ce sens sur des manipulateurs sont assez rares car la plupart de ces insectes, en particulier les cécidogènes, sont difficiles à élever. Or, étudier des paramètres abiotiques en conditions naturelles est assez complexe car le climat est imprévisible et les paramètres ne peuvent pas être étudiés indépendamment, complexifiant fortement les interprétations. A nouveau, nous savions que notre modèle était intéressant pour ce type d’étude car le peuplier est un arbre à croissance rapide, connu de plus pour sa sensibilité à certains paramètres physico-chimiques comme la teneur en eau du sol. Cela permettait d’observer l’impact de facteurs environnementaux sur une période courte d’expérimentation. De plus, le puceron lanigère du peuplier est considéré comme un parasite de vigueur (Nageleisen et al. 2010). Ce puceron pouvait donc être affecté

indirectement par la qualité du site de culture si la valeur nutritive du peuplier est reliée à sa vigueur.

Nos objectifs étaient ici d’évaluer l’effet de deux paramètres environnementaux, la fertilisation et la contrainte hydrique, sur les performances des insectes se développant sur les deux génotypes utilisés dans les études précédentes (sensible et moyennement résistant). La vitesse de développement de colonies de pucerons a donc été comparée entre génotype et entre conditions environnementales afin d’évaluer comment l’environnement module l’interaction entre le puceron et son hôte. A nouveau, le génotype de résistance forte n'a pas été utilisé car il ne permet pas l'étude des performances démographiques du puceron à l'échelle de colonies en l'empêchant de s'installer au-delà d'une semaine.

Deux objectifs additionnels étaient associés ici.

- Lors de l’expérimentation sur la fertilisation, nous avons quantifié la valeur nutritive des tissus attaqués par le puceron via des dosages d’acides aminés libres et protéiques en fonction du génotype et du niveau de fertilisation.

- Lors de l’étude sur la contrainte hydrique, nous avons comparé les modifications de l’anatomie et de la lignification des tissus corticaux du peuplier entre les génotypes et le niveau de déficit hydrique pour savoir si les mécanismes de défense du peuplier ou de manipulation par le puceron pouvaient être affectés.

4. Organisation du mémoire de cette thèse

Plusieurs éléments suggérant l’hypothèse d’une manipulation du peuplier par P.

passerinii, ce mémoire commence par une Synthèse bibliographique sur les stratégies d’exploitation des plantes par les insectes phytophages et plus particulièrement par les manipulateurs. Cette synthèse s’intéresse aux différentes techniques de manipulation et à leur impact sur les insectes et leurs hôtes, ainsi qu’aux facteurs internes (ex : résistance) et externes (ex : environnement) modulant ces interactions particulières.

Les quatre chapitres suivants rapportent les travaux réalisés lors de cette thèse. Il se présentent sous la forme d'articles scientifiques en anglais et sont précédés de résumés en français étayés par quelques éléments de compréhension scientifiques et/ou techniques.

Le Chapitre 1 (Article 1 publié) fournit une description des modifications histologiques et histochimiques des tissus corticaux de peuplier, induites par la piqûre d’individus isolés de P. passerinii ou une blessure mécanique, sur trois génotypes de peuplier aux niveaux de résistance au puceron distincts (sensible, moyennement résistant, très résistant).

Le Chapitre 2 (Article 2 publié) expose l’impact des modifications corticales induites par le développement d’une colonie de pucerons sur génotype sensible ou moyennement résistant, sur les performances démographiques et comportementales d’individus isolés de

P. passerinii installés sur tissus modifiés ou non.

Le Chapitre 3 (Article 3 non publié) rapporte comment le niveau de fertilisation du sol affecte le développement des peupliers et des colonies de pucerons sur un génotype sensible ou moyennement résistant, et s’intéresse aux concentrations en acides aminés des tissus corticaux en fonction de la fertilisation du sol et de la présence ou non de pucerons.

Le Chapitre 4 (Article 4 non publié) évalue l’impact du niveau d’irrigation du sol sur le développement des colonies de pucerons sur un génotype sensible et moyennement résistant, en lien avec les variations du métabolisme primaire et de la croissance des peupliers, et celles des réactions corticales générées par les colonies de pucerons.

La Conclusion générale fait une synthèse des apports de chacune de ces études par rapport aux problématiques énoncées plus haut. Elle fait aussi le bilan des apports de ces travaux dans la recherche sur les insectes manipulateurs. Les études en cours et les perspectives à ces travaux au sein du laboratoire y sont également évoqués.

- SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE -

Les Insectes phytophages face à leurs hôtes :

adaptation par la manipulation

I. La plante, un substrat inadapté