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2.1 En résumé…

La question de l’incarnation du langage est à l’origine d’un débat animé au sein de la communauté neuroscientifique, au cœur duquel se trouve le rôle du système moteur dans le traitement du langage d’action. Certains modèles théoriques soutiennent une incarnation forte du langage, traduite par une implication primordiale du système moteur dans les processus sémantiques (Glenberg, 2015; Pulvermüller, 2013b). D’autres s’y opposent fermement et défendent une approche computationnelle incluant un système sémantique abstrait et désincarné (Bedny, Caramazza, Grossman, Pascual-Leone, & Saxe, 2008; Mahon & Caramazza, 2008). Ces deux positions théoriques extrêmes occupent le devant de la scène et bipolarisent le débat scientifique. Il existe cependant d’autres modèles au positionnement théorique plus modéré (Binder & Desai, 2011; Patterson et al., 2007; Zwaan, 2014), qui proposent différents degrés d’implication du système moteur dans le traitement du langage d’action. Un des points clés de certains de ces modèles (Binder & Desai, 2011; Zwaan, 2014) consiste à considérer l’influence de différents contextes sur l’implication du système moteur dans le traitement du langage. Si certains facteurs linguistiques, tels que la polarité sémantique (c.-à-d. la valence affirmative/négative) ont démontré un effet modulateur sur la réponse motrice de M1 lors de la compréhension de certaines phrases d’action (Aravena et al., 2012; de Vega et al., 2014; Liuzza et al., 2011; Tomasino et al., 2010), l’étendue de cette influence n’a pas été étudiée, notamment lorsque plusieurs polarités sont en interaction au sein d’une même phrase. D’autre part, l’implication du SMA et du pré-SMA sur la réponse motrice lors du traitement du langage d’action en fonction de facteurs moteurs, tels que les habiletés en imagerie motrice ou en exécution motrice, reste méconnue. Il en va de même pour les caractéristiques morphométriques de ces aires prémotrices. Ainsi, dans cette thèse, nous proposons de préciser le rôle de la polarité sémantique sur la réponse motrice de M1, ainsi que de déterminer si l’implication du SMA et du pré-SMA dans le traitement du langage d’action est associée à certaines de leurs caractéristiques fonctionnelles et structurelles, en lien avec les habiletés en imagerie motrice et en exécution motrice.

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2.2 Objectifs et hypothèses spécifiques

Dans un premier temps, nous nous proposons de préciser le rôle modulateur de la polarité sémantique (c.-à-d. la valence affirmative/négative) sur la réponse de M1 lors du traitement de phrases d’action. Dans ce but, l’électromyographie (EMG) sera utilisée pour la première fois pour mesurer la réponse de M1 via l’enregistrement en ligne de l’activité électrique à la surface d’un muscle de la main lors de l’écoute de phrases d’actions manuelles. Ces phrases, composées d’un syntagme principal et d’un syntagme prépositionnel (p. ex. « Avec ses ciseaux, Sarah découpe le journal »), contiendront deux polarités sémantiques en interaction, l’une affirmative (p. ex. « Avec ses ciseaux » pour le syntagme prépositionnel, « Sarah découpe le journal » pour le syntagme principal), l’autre négative (p. ex. « Sans ses ciseaux » pour le syntagme prépositionnel, « Sarah ne découpe pas le journal » pour le syntagme principal). L’hypothèse est que si M1 répond automatiquement à la polarité sémantique du langage d’action, chacune des deux polarités modulera la réponse motrice. Si, au contraire, la réponse de M1 reflète le sens principal de la phrase, elle sera modulée par la polarité du syntagme principal uniquement (Étude 1).

Dans un second temps, nous nous proposons de distinguer les rôles du SMA et du pré- SMA dans le traitement de phrases d’action. La littérature rapporte que le pré-SMA serait impliqué dans l’imagerie motrice implicite, tandis que le SMA serait impliqué dans l’exécution motrice et la planification tardive de l’action (c.-à-d. les dernières étapes de la planification motrice). L’impact de la rTMS administrée au-dessus du SMA et du pré-SMA lors d’une tâche de compréhension de langage d’action sera étudié en fonction des habiletés motrices et d’imagerie motrice implicite des participants afin de déterminer si l’implication de ces aires dans le traitement du langage d’action varie en fonction de ces habiletés individuelles. La première hypothèse est que si la participation du SMA au traitement du langage d’action repose, au moins en partie, sur les mécanismes qui soutiennent l’exécution motrice et la planification de l’action, la rTMS administrée au-dessus du SMA devrait perturber la compréhension du langage d’action en fonction des habiletés motrices. L’hypothèse spécifique est que l’impact de la rTMS au-dessus du SMA sera plus important chez les individus possédant de moins bonnes habiletés motrices. La seconde hypothèse est que si la participation du pré-SMA au traitement du langage d’action repose, au moins

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en partie, sur les mécanismes qui soutiennent l’imagerie motrice implicite, la rTMS administrée au-dessus du pré-SMA devrait perturber la compréhension du langage d’action en fonction des habiletés en imagerie motrice implicite. L’hypothèse spécifique est que l’impact de la rTMS au-dessus du pré-SMA sera plus important chez les individus possédant de moins bonnes habiletés en imagerie motrice. (Étude 2).

Dans un troisième temps, nous nous proposons de déterminer si l’implication du SMA dans le traitement du langage d’action est liée à ses caractéristiques structurelles. Dans ce but, une analyse de morphométrie de surface (« surface-based morphometry » ou SBM) sera réalisée sur des données montrant l’implication du SMA dans le traitement du langage d’action, issues de l’Étude 2. La littérature rapporte que des comportements peuvent être associés aux caractéristiques structurelles (c.-à-d. le volume cortical, la surface corticale, l’épaisseur corticale et la gyrification) d’aires corticales impliquées dans ces comportements. L’hypothèse est que si le rôle du SMA dans le traitement du langage d’action a des fondements structurels, l’impact de la rTMS au-dessus du SMA sur la compréhension du langage d’action sera corrélé à au moins une des métriques structurelles suivantes : le volume cortical, la surface corticale, l’épaisseur corticale et la gyrification du SMA (Étude 3).

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