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Chapitre 3: Méthodologies

3.1 Électromyographie (EMG)

L’EMG est un outil clinique et expérimental qui permet de mesurer l’activité électrique des muscles. L’EMG peut être utilisée en profondeur ou en surface. L’EMG en profondeur requiert l’utilisation d’électrodes implantées qui mesurent l’activité directement dans le muscle, tandis que l’EMG en surface utilise des électrodes posées sur la peau, au-dessus du muscle. La présente section décrit l’EMG de surface car il s’agit de la forme d’EMG utilisée dans l’Étude 1 de cette thèse.

L’EMG de surface mesure les potentiels d’action qui parcourent un muscle lorsqu’il se contracte. La membrane musculaire a un potentiel de repos négatif de -80 à -90 millivolts (mV). Lorsque le muscle se contracte, les caractéristiques de diffusion de la membrane musculaire sont temporairement modifiées (Konrad, 2005): il se produit alors une dépolarisation, immédiatement suivie d’une repolarisation. Lors de la dépolarisation, des ions calcium (Na+), qui possèdent une charge positive pénètrent dans la membrane. La repolarisation rétablit l’équilibre en expulsant des ions Na+. Si la dépolarisation atteint un certain seuil, elle provoque un potentiel d’action, c’est-à-dire un brusque changement dans le potentiel électrique de la membrane, faisant passer le potentiel de -80 mV à +30 mV. Ce phénomène est suivi d’une repolarisation puis d’une hyperpolarisation, ou période réfractaire, pendant laquelle on ne peut induire d’autres potentiels d’action. Ce sont ces modifications de potentiel membranaire qu’enregistre l’EMG.

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Lors de l’acquisition d’un signal EMG, une attention particulière doit être portée à l’optimisation de l’environnement afin de réduire le bruit capté par les électrodes. Ainsi, tous les appareils électroniques présents dans la pièce et qui ne sont pas utiles lors de l’expérimentation doivent être éteints et débranchés. Certains appareils, lorsque branchés, même éteints, émettent en effet un champ électromagnétique et sont une source de bruit pour l’EMG. Réaliser l’enregistrement dans une salle de Faraday offre une réduction du bruit électromagnétique considérable.

Du bruit peut également provenir des électrodes, si celles-ci sont mal placées. La pose des électrodes est donc cruciale pour une bonne acquisition du signal (Hermens, Freriks, Disselhorst-Klug, & Rau, 2000; Konrad, 2005). La première étape consiste à nettoyer la peau afin d’en retirer les peaux mortes, les traces de sudation, de crème, de maquillage, de saleté, etc. Les électrodes utilisées dans les Études 1 et 2 sont des électrodes bipolaires Ag- AgCl de 4 mm, auxquelles il faut ajouter du gel conducteur liquide afin d’augmenter la force du signal enregistré. Lors de la pose des électrodes sur la peau, celles-ci doivent se situer sur le même muscle, sans se toucher. Si le gel conducteur des deux électrodes est en contact, le matériel d’acquisition reconnaitra les deux électrodes comme une seule car il n’y aura qu’un seul point d’enregistrement. Or il est important que les deux électrodes soient bien différenciées lors de l’enregistrement car l’utilisation de deux électrodes est un moyen supplémentaire d’éliminer le bruit du signal. En effet, lors de l’enregistrement, le système d’acquisition procède à une soustraction du signal des deux électrodes. Comme les deux électrodes sont situées à deux endroits distincts au-dessus du muscle, elles enregistrent le potentiel d’action avec un léger décalage dû à son déplacement le long du muscle. Ainsi, si une partie du signal est identique sur les enregistrements des deux électrodes, c’est qu’il s’agit de bruit et la soustraction des deux enregistrements permet de l’éliminer. Une électrode de référence doit aussi être placée au-dessus d’une articulation afin de fournir une référence d’absence de signal électrique.

Trois paramètres d’acquisition doivent être configurés : l’amplification du signal, le taux d’échantillonnage et l’application de filtres. L’amplification permet d’augmenter la force du signal dès l’enregistrement. Il est conseillé d’utiliser une amplification de x500 à x1000

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par seconde. Un taux de 1000 Hertz (Hz) est associé à l’enregistrement de 1000 échantillons par seconde. Plus le taux d’échantillonnage est élevé, plus l’enregistrement du signal est précis (Figure 3.1).

Figure 3.1 Taux d’échantillonnage. Le tracé gris représente le signal analogique qui doit être enregistré (par EMG ou tout autre appareillage d’acquisition de signal). Le tracé bleu représente le signal recomposé en fonction du taux d’échantillonnage. Le taux d’échantillonnage est représenté par les traits verticaux et les points blancs sont les valeurs enregistrées, à partir desquelles le signal est reconstruit. Le taux d’échantillonnage doit être suffisamment grand pour que le signal enregistré soit représentatif du signal analogique (exemple B). Dans l’exemple A, le taux d’échantillonnage est trop faible, et le signal enregistré n’est pas représentatif du signal analogique.

(Source : https://helpx.adobe.com/fr/audition/using/digitizing-audio.html).

Des filtres doivent également être appliqués afin de n’enregistrer que les fréquences d’intérêt. Ces filtres peuvent varier en fonction du type de signal enregistré. Un filtre anti- aliasing, ou passe-bas, permet de réduire les artefacts dus à la transformation d’un signal analogique (signal électrique du muscle) à un signal numérique (signal reconstruit à partir du signal analogique par le système d’acquisition). Pour l’EMG, il est habituellement fixé à 500 Hz, c’est-à-dire que les fréquences supérieures à 500 Hz ne sont pas enregistrées. Un second filtre est appliqué lors de l’acquisition : un filtre passe-haut à 10 Hz, qui exclut les fréquences inférieures à 10 Hz de l’enregistrement (Konrad, 2005).

Une fois le signal acquis, et avant d’en extraire des données, il faut réaliser son prétraitement. Un filtre coupe-bande peut être appliqué si un bruit électrique a été capté par les électrodes. En Amérique du nord, le courant possède une fréquence de 60 Hz. Un filtre

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coupe-bande de 55-65 Hz permet d’éliminer ce bruit, et élimine également la partie du signal provenant du muscle qui se situe entre ces fréquences. Il est donc préférable de ne pas avoir recours à ce filtre mais plutôt d’essayer d’éliminer les sources de bruit lors de l’acquisition.

Lors de l’acquisition, des artefacts peuvent brouiller le signal. Ces artefacts peuvent être dus à des mouvements des câbles de l’EMG ou des muscles enregistrés. Les sections du signal comportant un artefact doivent être rejetées. La rectification du signal permet d’obtenir un signal constitué de valeurs positives uniquement (Figure 3.2). Cette étape est essentielle car le signal moyen de l’EMG avant rectification est proche de zéro : les valeurs positives et négatives s’annulent. Le signal rectifié ne contient que des valeurs positives, ce qui permet d’analyser les variations du signal dans le temps. Pour finir, un lissage permet d’effacer les détails non pertinents du signal et d’en obtenir le contour principal.

Figure 3.2 Rectification du signal EMG. La rectification permet de transformer les valeurs négatives du signal en valeurs positives, ce qui facilite l’analyse du signal (Source :

Konrad, 2005).

En kinésiologie, l’EMG est principalement utilisée pour étudier le mouvement. Le signal est mesuré en ligne et son analyse révèle la qualité de la contraction des muscles (p. ex. Graham, Wachowiak, & Gurd, 2015; Špulák et al., 2014). En neurosciences cognitives, elle est principalement utilisée dans des études de MEP dans le but de mesurer l’excitabilité de M1 suite à la stimulation par TMS (p. ex. Buccino et al., 2005; Gianelli & Volta, 2015;

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Gough et al., 2012). L’utilisation de l’EMG dans l’Étude 1 de cette thèse est innovante car l’excitabilité de M1 y a été mesurée en ligne, tout au long d’une tâche de langage, sans application de TMS. Cette mesure indirecte de l’activité de M1 lors de la compréhension de phrases d’actions manuelles a été utilisée pour étudier la réponse de M1 lors du traitement du langage d’action.

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