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CHAPITRE 4 : Evolution de la typologie de l’Union Européenne et nécessité de réforme du

5.2. Objectifs et moyens de la Directive d’exécution

La directive d’exécution va donc venir parachever le corpus de règles et de mesures prévues par la directive principale. L’objectif est de remédier aux abus et dérives constatés en complétant la règlementation en vigueur.

Objectifs Moyens

Clarté́ juridique (Art. 3-4) Liste indicative non exhaustive de critères qualitatifs définissant le caractère temporaire de la prestation de services et la notion d’établissement de l’entreprise pratiquant le détachement dans son pays d’origine.

Diffusion de l’information (Art. 5) Mise à disposition sur les sites Internet des Etats membres, en plusieurs langues, de toutes les informations sur les lois et les conventions collectives applicables aux travailleurs détachés

Coopération entre les administrations nationales (Art. 6-8)

Obligation pour les pays d’origine de fournir toute information utile au pays hôte, spontanément ou sous deux semaines en cas de demande explicite Mesures de contrôle (Art. 9) Proposition de la Commission

Liste de trois catégories de mesures de contrôle : déclarations simples, contrat de travail/bulletins de salaires et désignation d’un référent

Conclusions du Conseil

Toute mesure de contrôle justifiée et proportionnée (sans liste prédéfinie) Responsabilité́ solidaire (Art. 12) Proposition de la Commission

Dans le bâtiment, les clients directs du service de détachement devraient être responsables du non paiement du salaire (minimum) ou de toute retenue abusive sur le salaire

Conclusions du Conseil

Dans le bâtiment, les clients directs du service de détachement devraient être responsables seulement du non paiement du salaire (minimum)

5.2.1. Clarté juridique et conditions du détachement

Comme nous l’avons déjà évoqué antérieurement, le détachement, pour être considéré comme régulier, se doit de respecter certaines conditions. Il se définit tout d’abord par le caractère temporaire de la prestation exécutée. Ensuite, l’activité de l’employeur doit avoir un "caractère substantiel" dans le pays d’origine191.

La directive 96/71 ne définit toutefois pas avec clarté ces conditions. Un certain flou subsiste quant à la frontière entre détachement régulier et faux-détachement. Dans le but de répondre au mieux à la problématique des sociétés "boîte aux lettres" et de l’ensemble des fraudes mettant à profit des situations de faux-détachements, la directive d’exécution va établir une liste, non- exhaustive, d’indices permettant de vérifier les respects des conditions liées au détachement.

Elle va établir des critères de référence qui vont permettre d’appréhender et de vérifier les conditions liées au détachement. Notamment sur la question de l’activité réelle de la société dans l’Etat où elle est établie192 ou celle du caractère limité dans le temps de l’occupation du travailleur détaché.

Elle présente donc une avancée d’un point de vue de la clarté juridique et de la définition du champ d’application de la directive 96/71. Par cette liste indicative, la directive d’exécution donne des moyens aux Etats pour identifier et lutter contre les situations frauduleuses.

5.2.2. Amélioration de la coopération de la part des autorités nationales

L’échange d’information et la coopération entre Etat posent donc parfois question193. Certains acteurs économiques vont exploiter cette faiblesse pour détourner le système et passer entre les mailles du filet.

Afin de parer à ces abus, la directive d’exécution va tenter d’encourager cette coopération en mettant en place l’obligation pour un Etat membre, en cas de demande d’information par un autre Etat, d’apporter une réponse à la question posée dans un délai maximal.

Le but, ici, est de réduire les cas où les administrations de certains Etats d’origine ne répondent simplement pas aux sollicitations d’autres Etats. Le fait de s’assurer d’une réponse

191

Cfr. point 3.1.1. et 3.2.3. du présent travail

192

Obligation d'une activité substantielle dans le pays d'origine, qui fait défaut dans le cas des sociétés boîte aux lettres qui sont en fait implantées fictivement dans un Etat pour profiter d'un avantage comparatif.

193

effective peut être une façon de réduire la force probante194 du formulaire A1. En effet, dans la majorité des cas, la seule possibilité de contourner et de remettre en cause cette attestation est de la faire réévaluer ou retirer par l’autorité émettrice. Dans cette logique, plus la coopération sur ces dossiers est optimale, plus les possibilités d’obtenir le retrait des formulaires et de sanctionner les abus sont réelles.

La directive prévoit également une obligation d’information à l’égard des travailleurs. Elle

« oblige les Etats à construire un site internet officiel unique renseignant les travailleurs détachés sur les conditions d’emploi et les conventions collectives applicables dans l’Etat d’accueil »195. Grâce à cette plateforme, le travailleur sait quels sont ses droits sur la question de la rémunération ou des conditions de travail. On peut espérer que l’accès à l’information limitera les cas d’abus de faiblesse par les employeurs peu scrupuleux.

5.2.3. Mesures nationales de contrôles considérées comme justes et proportionnées

La question de la mise en œuvre des contrôles n’était pas abordée dans la directive 96/71. Les autorités compétentes de chaque Etat ont dû mettre en place des mesures particulières afin de s’assurer du respect de la réglementation.

La directive d’exécution va établir « une liste d’exigences administratives et mesures de

contrôles a priori compatibles avec la législation européenne. Cette disposition tend à sécuriser l’action de contrôle des Etats d’accueil vis-à-vis de la CJUE qui a imposé une vision restrictive de la capacité juridique des Etats à encadrer le travail détaché »196.

D’une certaine façon, la directive d’exécution va codifier la jurisprudence de la Cour sur les moyens de contrôle autorisés aux Etats. Comme nous l’avons vu, l’interprétation de la CJUE est assez stricte quant aux possibilités de limitation des libertés économiques. Dans un nombre élevé d’affaires, des mesures prises par des Etats afin d’encadrer et de contrôler l’application de la réglementation relative au détachement de travailleurs vont être considérées comme trop attentatoires à la libre prestation de service ou non proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi.

L’article 9 de la directive d’exécution va venir établir une liste de mesures ayant été considérées comme acceptables par la Cour197. Lors des négociations, la Commission ainsi que

194

Cfr. Annexe 1

195

VANDERLINDEN, septembre 2016, op.cit., p.389

196

GROSSET, 2015, op. cit., p.65

197

A titre d’exemple, elle cite l’obligation de conserver et de tenir à disposition des documents pendant la durée du détachement (Contrat de travail, décompte des heures prestées, etc.) ou encore l’obligation pour l’employeur de rentrer une déclaration préalable au détachement (Déclaration LIMOSA en Belgique)

certains Etats voulaient que cette liste soit considérée comme fermée et qu’elle énonce de façon limitative les seules voies de contrôle possible. L’idée était de permettre « d’alléger les charges

administratives qui pèsent sur les entreprises »198 mais surtout d’empêcher l’émergence de nouveaux modes de contrôle. Le Conseil des ministres adoptera une position différente. La liste n’aura finalement qu’une valeur indicative. D’autres mesures de contrôles pourraient être adoptées par les Etats mais ils devraient alors prouver le caractère juste et proportionné.

5.2.4. Responsabilité solidaire du donneur d’ordre

Autre nouveauté, la directive d’exécution va instaurer un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d’ordre avec son sous-traitant en cas de non-paiement du salaire par celui-ci. De manière concrète, le travailleur qui n’aurait pas été payé par le sous-traitant dispose de la possibilité de se retourner contre le donneur d’ordre afin de récupérer sa créance, il obtient de la sorte un second débiteur parfois plus facile à identifier ou à poursuivre vu qu’il est établi sur le lieu de prestation.

Dans ce cas de figure, la responsabilité du donneur d’ordre pourra être engagée à hauteur du salaire minimum non payé par le sous-traitant. Sur cette question, le Conseil aura été moins loin que ce que la Commission préconisait, celle-ci retenait la responsabilité du donneur d’ordre concernant toutes les « retenues abusives sur salaire »199 voire même la « possibilité de tenir une entreprise

partiellement ou complètement responsable des actes de son sous-traitant »200.

Concernant cette mesure, elle ne concerne que le seul secteur de la construction et le premier degré de sous-traitance. Il est cependant laissé la possibilité à chaque Etat d’étendre ces mesures à d’autres cas de figure « sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et proportionnées »201.