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Annexe 2 : Statistiques et données chiffrées liés au sein de l'Union européenne

3. Impact et coût du détachement en Belgique

Aucune analyse ne recense réellement les effets directs ou indirects chiffrés du détachement de travailleurs sur notre économie. Malgré tout les données recueillies via les déclarations LIMOSA peuvent apporter un éclairage sur la question (même si le lien de conséquence doit être appréhendé avec précaution).

Comme nous l’avons mentionné, la proportion du détachement par rapport à l’emploi total en Belgique ne fait qu’augmenter. Ainsi, il a bondi de 2,7% en 2011 à 4,4% en 2015 selon des chiffres établis par le Centre de Recherche sur le Travail et la Société de la KUL. Sur la même

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période, il y a un recul de l’activité nationale. Ce constat est d’autant plus marqué dans le cadre du secteur de la construction. Sur la période 2011 à 2015, la part de travailleurs détachés dans l’emploi total du secteur de la construction est passée de 14,2 % à 33% alors que le nombre de travailleurs nationaux a diminué de 16,9 %38.

Sur les 142 000 personnes recrutées dans le secteur entre 2011 et 2015, 55 000 sont des nationaux, 24 000 travailleurs et 31 000 indépendants, alors que la part des travailleurs détachés s’élève à 86 000 personnes.

Il faut toutefois relativiser l’impact de ces chiffres sur l’emploi. En effet, en équivalents temps plein le constat sera plus faible « compte tenu de la période moyenne de détachement par

personne détachée unique »39. Le détachement a pour particularité d’être limité dans le temps. Les données recueillies ne représentent donc pas spécialement la présence sur le marché de l’emploi des travailleurs pour une année complète. Selon les estimations relatives à 2015, la durée moyenne par détachement serait de 80 jours environ. « Sachant qu’il faut encore multiplier cette période par le

nombre de fois qu’une personne unique est déclarée dans LIMOSA pendant l’année (environ trois fois) ", il en résulte que l’impact du détachement sur le secteur de la construction représente « plus d’un emploi sur quatre en terme d’équivalent temps plein »40.

Ce constat de diminution de l’emploi national dans le secteur est assez troublant quand on voit que la croissance de celui-ci est positive. « L’effet d’éviction, c’est-à-dire une évolution

négative du nombre de travailleurs nationaux et une hausse du nombre de personnes détachées entrantes »41, est d’autant plus visible quand on regarde l’évolution des investissements dans la construction. Dans ce climat d’augmentation des investissements, il serait logique d’attendre un retour positif sur le marché de l’emploi du secteur c’est pourtant un lien négatif que l’on constate.

Concernant le secteur des transports, lui aussi fortement concerné par le phénomène, certaines données recensent plus de 6000 pertes d’emplois42 suivie par des diminutions salariales pouvant atteindre 30 % pour les travailleurs restant du secteur.

Il est important de préciser que l’ensemble de ces chiffres ne prend pas en compte l’impact des détachements irréguliers qui relèvent du travail illégal et où le non respect des formalités ne

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Ibid., p.7-8, voir tableaux

39 Ibid. 40 Ibid. 41 Ibid. 42

permet aucun recensement. De l’avis général43, c’est contre ce type de fraude que la lutte doit être axée et principalement sur les infractions relevant de près ou de loin à la traite d’êtres humains.

3.2. Sur les recettes fiscales et parafiscales

A ce premier constat, il faut ajouter les pertes relatives à l’ONSS et au financement du système de sécurité sociale qui résulte du détachement. Que ce soient les fraudes, l’utilisation de la réglementation à des fins d’optimisation fiscale et sociale ou les pertes d’emplois dans différents secteurs, l’ensemble a un impact sur les recettes fiscales et parafiscales de l’Etat.

Les cotisations sociales relatives au travailleur détaché sont payées dans l’Etat d’origine. Le fait qu’une prestation soit exécutée par un travailleur détaché représente donc une diminution des recettes fiscales. Le travailleur aura en outre accès au système de santé du pays de prestation et pourra, dans les faits, représenter une réelle charge pour l’Etat.

Dans cet ordre d’idée, pour la période 2016-2019, une étude commandée par la confédération de la construction prévoyait, dans un scénario "optimiste", une perte supplémentaire de 26 000 postes de nationaux dans le secteur de la construction. De son côté, le bureau du plan tablait plutôt sur une augmentation d’environ 14 000 emplois de nationaux. La différence est marquante entre les deux estimations puisqu’elle représente une variation de 40 000 emplois. Ce gouffre dans les estimations peut être expliqué, vu les chiffres analysés plus haut, comme une conséquence du détachement.

Par la suite, la FEGC a tenté d’établir le « coût sociétal » induit par le phénomène44. Si un travailleur actif représente un gain pour l’Etat d’un point de vue de l’activité mais aussi des recettes fiscales et parafiscales, a contrario, une personne au chômage représente une charge pour l’Etat. L’étude commandée chiffre le "coût sociétal" de cette perte de 40 000 emplois par rapport à l’estimation de l’administration à plus de 1,3 milliard. Ainsi, chaque perte d’emploi représente, dans cette étude, une charge de 11 000 euros pour l’Etat en terme de chômage ainsi qu’une charge de 22.000 euros quant aux pertes de rentrée fiscale et parafiscale45.

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Entretien avec Monsieur Patrice Dresse, Directeur Général de la Fédération des Entreprises Générales de la Construction, réalisé le 18 juin 2018.

44

FEGC. Quel est le coût sociétal du dumping social? Congrès trisannuel FEGC, Bruxelles, 26 avril 2018.

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Ibid.