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IX. L ES ENS E IGNANTS

1. LES OBJECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT

Des trois principales séances entre enseignants qui ont eu lieu pendant la période des cours et qui ont marqué les moments de la coordination des enseignements, nous avons spécialement retenu celle du 9 février, comme étant la réunion la plus significative

Du fait que cette discussion portait essentiellement sur les activités de formation de l'année, la plupart des inter­

ventions des formateurs explicitent les objectifs attribués à la formation. l:'-accent, lors de la discussion, est mis da­

vantage sur les modalités que sur les contenus. On peut supposer que les enseignants sont plus ou moins conscients des limites de leur intervention, sur le plan des contenus, comme le coordinateur le laisse entrevoir :

"Il est évident qu'avec un cours de 9 mois on ne peut pas tout leur donner et on ne peut pas tout faire, et ceci pour différentes raisons : leur âge, leur situation scolaire

précédente, leur situation de marginalisation.11 (L) Au niveau des principes généraux, les enseignants se rangent ouvertement du côté d'un enseignement qu'ils dé­

finissent comme étant "non traditionnel". Leurs préoccupa­

tions sont davantage dirigées vers l'acquisition de méthodes de travail, de structuration de la pensée, que vers des con­

tenus précis, des savoirs :

"A mon avis, la validité d'une méthode qui sait centrer des problèmes généraux est déjà intéressante pour eux. 11 (M)

11Généralement, ils (les travailleurs) ont déjà une opinion, souvent déformée et conventionnelle mais sur laquelle tu peux insérer des éléments critiques, des instruments d'analyse et par Io suite tu fois le point { ••. ). Et: ce point sera différent pour chaque individu, mais différent aussi par rapport au début.

Donc c'est un fait positif. 11 {M) 11S avoir lire et savoir écrire n'est pas

seulement ne pas faire des foutes d'orthographe c'est dire certaines choses, ne pas dire

certaines autres choses, mais les savoir ( ••• ). C'est commencer à raisonner, à structurer, à voir le pourquoi, le comment ... " {L )

"(L'histoire) peut servir uniquement pour comprendre et encadrer la réalité ( ... ). Le but consiste à leur donner une méthode d'analyse." (Re)

11 li y aurait peu de sens de faire un cours de géographie traditionnel pour ces personnes et probablement pour moi aussi ( •.• ). 11 faut faire un discours qui réussise à les

impliquer. 11 (A)

A côté de ces préoccupations, l'accent est aussi mis sur la nécessité d'impliquer les travail leurs dans leur pro­

pre formation, par la prise en compte de thématiques relevant de leurs intérêts :

"Nous avons cherché à faire un sondage de leurs intérêts, c'est-à-dire de ce qu'ils entendaient faire de la leçon de français ( ... ).

Nous n'avons rien programmé, car nous voulons surtout partir sur la base de leurs demandes,

de leur expérience." (C)

11 Nous ne pouvons pas leur donner des slogans, du moment qu'il est trop facile de le faire, trop faux et trop de monde le fait, et trop négatif, parce que rien ne reste. 11 (A)

"J'ai essayé de les impliquer au niveau de l'émigrat_ion { ... ). Peut-être la meilleure façon est l'implication sociale des élèves." (L)

"Je cherche à me rapporter à des problèmes concrets qu'eux-mêmes doivent me donner, c'est-à-dire soulevés par eux-mêmes

{les travailleurs) ( ... ). Moi je suis d'accord, en principe, que ce qui compte est que ces personnes sachent plus ou moins communiquer." (C)

Mais seul le coordinateur va au-delà de déclarations d'intentions au sujet d'une "école qutreu et touche des objectifs plus globaux :

"Cependant, si les finalités ne s'insèrent pas dans une situation réelle qui ne doit pas être seulement la situation de l'émigration, mais de l'émigration en Suisse, elles doivent donc tendre vers une intégration, et cette intégration doit être non seulement culturelle, mais aussi économique ( ..• ). Toute intervention pédagogique est utile et valable si elle

réussit à changer l'organisation actuelle du travail." (L)

Pour deux enseignants {L et M)-, l'hypothèse de partir des expériences de vie des travailleurs participant aux cours n'est pas acceptable. Pour eux l'enseignement ne

peut pas "se limiter" à la structuration de discours person­

nels sur l'émigration . Si l'enseignement ne doit pas consis­

ter dans l'administration de contenus déjà élaborés, il doit cependant amener à la compréhension de discours "intellec­

tuels"; il doit être un "os dur à croquer". Cependant, vers la fin de l'année, il a fallu reprendre des contenus qui avaient été tenus pour acquis {par exemple les quatre opérations arithmétiques}.

2. lA RElA TION PEDAGOGIQUE

le discours sur la fonnation met aussi en lumière, plus ou moins explicitement, le type de relation pédagogique qui le sous-tend. Ce discours se présente apparemment, chez les enseignants, comme contradictoire. A côté d'exi­

gences du style "donner la parole aux travailleurs" qui ont pour finalité une stratégie de fonnation qui tienne compte de leurs projets et de leurs besoins, on trouve des discours où les enseignants se présentent comme des "dis­

pensateurs de culture".

"Je ne les écouterai absolument pas."

11 Je les affronterai moins directement·

(meno di petto}."

"Ils m'ont cassé les pieds. 11 (M)

"On ne peut pas tout leur donner."

(l)

"le but consiste à leur donner ••• "

"Moi, je trouve pl us important •.• "

11Mais moi,� vais laisser tomber .." (Re)

"Il faut faire un discours qui réussisse à les impliquer."

"Des problèmes concrets qu'eux-mêmes doivent me donner, c'est-à-dire soulevés par eux-mêmes."

(A)

11 Nous avons cherché à sonder un peu leurs intérêts ( ..• ) ce qu'ils entendaient faire ( • .• ) partir sur la base de la demande qu'

ont, de leurs exigences." (C)

Certains de ces discours, contradictoires par rapport à la volonté d'être à la disposition des participants, de les impliquer dans leur propre fonnation, se justifient par l'image que les travailleurs projettent sur l'école et les

stéréotypes de l'école traditionnelle (cf. paragraphes suivants). La situation retrouvée de la scolarité peut con­

duire certaine travailleurs à rechercher un enseignant­

type : celui qui sait tout, qui explique tout, qui décide de tout. La distanciation par rapport à ce rôle tradition­

nel de l'enseignant doit être opérée graduellement. Sur­

tout elle doit être comprise et analysée par l'ensemble des participants qui font partie du processus de fonnation et de la prise de conscience.

le discours sur l'école (une école absente, une scola­

rité perdue et en train d'être rattrapée) se révèle fonda­

mental à ce sujet. Ce n'est pas par hasard si le coordina­

teur dit, à propos de son intervention dans les cours d'ita­

lien et en parlant de l'école :

"Et ceci pour leur montrer qu'à l'intérieur d'un discours nouveau il existait des difficultés qui étaient les miennes en tant qu'enseignant, qui naissaient justement du refus d'un ensei­

gnement au niveau des contenus, pédagogique, etc., qui était uniquement traditionnel. 11 (L) Par ailleurs, l'analyse de la relation pédagogique comporte aussi celle de l'administration et du rôle des supports utilisés dans l'enseignement.

Pour le cours de géographie-économie, les supports étaient des textes que l'enseignant écrivait après un

cours et qui étaient lus et commentés la séance suivante, - servant en même temps de vérification pour l'enseignant

et de rappel .

Pour le cours d'histoire, les supports étaient constitués par des lectures se trouvant dans une anthologie, choisies et proposées par l'enseignant. Il les lisait pendant les cours et les commentait.

Pour le cours de mathématiques, l'enseignant distri­

buait des résumés du cours précédent, éventuellement en

les commentant. ·

Dans le cours de français, les supports étaient consti­

tués par des textes qui servaient de point de départ à l'enseignement : feuilles de déclaration d'impôts, contrats de bail, offres d'emploi, etc.

Pour le cours d'italien les supports étaient de diffé­

rente nature : articles de journaux traduits et lus collec­

tivement; textes d'une anthologie; "trace de cours" (dis­

pensa ) servant de support à I 'exposé et ·comportant 1 es points essentiels qui allaient être traités; des transcriptions de discussions enregistrées afin d'analyser le langage uti-1 isé; etc ...

11 convient de relever ici que les enseignants du groupe ECAP de Genève ne se sont pas sentis très concer­

nés par la recherche-action. Ils n'ont pas montré de vo-lonté explicite d'y participer. · Ce qui

nous empêchait de connaître dans. lés détails l'utilisation des supports et la dynamique qu'ils entraînaient dans les différents enseignements au-delè de ce que nous-mêmes.

nous avons pu constater lors de séances communes et de discussions entre enseignants et élèves. De plus, les ten­

tatives de remise en discussion des approches propres à chaque enseignant lors de ces séances, n'ont pas eu comme conséquence des changements tangibles au niveau de la pédagogie et de la didactique employée dans le cours.

3. PAYS D E PRODUCTION VS. PAYS D'ORIGINE

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