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Nous sommes face à un problème complexe correspondant à la représentation de l’agglomération et la morphodynamique liée aux flux la traversant, aussi bien dans le cadre d’une situation normale que lors d’une situation de crise qui vient perturber les

flux. Nous nous intéressons particulièrement à la problématique liée à la prévention du risque, visant à anticiper sur l’éventuelle survenance d’un événement déclencheur de crise par l’établissement de mesures de sécurité, mais aussi à la gestion de la crise en utilisant les moyens de protection pré-établis tout en essayant de s’adapter à l’imprévu. Afin de répondre à cette problématique, nous avons mis en place un outil d’aide à la décision dans le cadre de la prévention et de la gestion du risque. Pour la prévention de risque, on s’intéresse d’abord à l’identification des zones du réseau routier plus ou moins denses grâce à l’exploitation d’uneEMDréalisée au sein de laCODAH. Un algo-rithme de marche aléatoire dans un graphe permet aussi d’identifier les zones du réseau susceptibles d’être congestionnées en cas d’évacuation, et ceci à partir de la structure du graphe. Pour l’aspect « gestion du risque », un modèle simple de micro simulation de trafic routier a été mis en place. On passe du niveau macro à un niveau fin de représen-tation dans le cas d’un risque pour mieux visualiser les interactions entre évacués. Suite à l’occurrence d’un accident technologique ou naturel, les décideurs doivent faire un choix par rapport à la mise en péril supposé d’enjeux, notamment la population ex-posée. Ils doivent donc selon (i) le type de danger, (ii) sa localisation et (iii) sa gravité décider de la stratégie de mise en sécurité et la communiquer à la population. La déci-sion peut résulter d’une stratégie de « non mobilité » ou d’une stratégie « de mobilité ». La première consiste à mettre la population à l’abri ou à lui demander de se confiner et la seconde demande à la population d’évacuer la zone de danger. Si une décision de « mobilité » est prise par les autorités, les personnes en danger empruntent principale-ment le réseau viaire pour évacuer.

Les évacués interagissent entre eux et sont influencés par le comportement et la panique éventuelle des uns et des autres, et puisqu’ils utilisent principalement le réseau routier, ils sont influencés par la structure du réseau qui conditionne la fluidité des flux. À son tour, l’état du réseau est également influencé par le comportement des personnes. C’est dans le cadre de prise de décision liée à la mobilité que nous plaçons ce travail de thèse. Une agglomération à la fois urbaine, industrielle et portuaire est représentative d’un sys-tème complexe dans lequel un grand nombre d’entités sont en forte interaction. L’en-vironnement correspond au réseau routier. Le comportement des entités influe sur le réseau routier qui à son tour conditionne le comportement des entités. Le moment de la crise provoque une sortie de la trajectoire normale du système. Le but sera de rame-ner le système vers une trajectoire contrôlée traduisant la maîtrise de la situation. Ceci est fait par des flux externes correspondant aux forces de l’ordre qui doivent, suite à une décision de « mobilité », (i) veiller au bon déroulement d’une évacuation, (ii) bloquer les entrées vers la zone en danger et (iii) guider les évacués vers l’extérieur de la zone. Plus concrètement, nous étudions des éléments pouvant affecter positivement ou néga-tivement le bon déroulement d’une évacuation :

– l’influence de la structure du réseau routier, – la dynamique liée à l’utilisation du trafic routier.

L’influence de la structure du réseau routier

La structure du réseau routier représentée par un multigraphe13orienté dans ce tra-vail de thèse (voir chapitre5pour plus de détails), influence les flux en situation normale comme en situation de crise. Un aléa frappe une partie du réseau routier et crée en effet un endommagement matériel, provoquant un changement dans la structure du réseau débouchant sur des dommages fonctionnels et influençant les entités qui empruntent ce réseau, d’où la notion de la vulnérabilité matérielle, structurelle et fonctionnelle dé-veloppée dans [79,80,155]. En effet, l’endommagement matériel dépend entre autres de l’aléa et du niveau d’exposition de l’enjeu. Il s’agit de la vulnérabilité matérielle. Le réseau routier, de par sa structure, est aussi exposé donc vulnérable. On note que la structure du réseau peut jouer un rôle positif ou négatif dans la réduction de la vul-nérabilité. Un réseau à structure maillée est moins vulnérable que d’autres du fait que l’on peut souvent trouver des chemins alternatifs pour éviter des parties endommagées du réseau. À une autre échelle, l’endommagement structurel influe sur la fonction du réseau routier et donc sur les entités empruntant ce réseau, d’où le concept de la vulné-rabilité fonctionnelle qui, à son tour peut influer sur la structure du réseau.

Nous analysons la structure du réseau à trois niveaux d’échelle : micro (voir figure1.5), méso et macro (figure1.6).

Au niveau micro, nous étudions comment un accident local peut influer sur le fonction-nement du réseau routier et ceci en étudiant, pour chaque connexion, son importance dans le réseau. Cette dernière dépend du coefficient de clustering14des sommets extré-mités de chaque arc du multigraphe. Un arc dont les deux sommets extréextré-mités ont un coefficient de clustering élevé offre plus de chemins alternatifs pour relier ses extrémités s’il est endommagé suite à un accident.

FIGURE1.5: Exemple d’un accident sur une route du réseau.

13. Un multigrapheG=(V,E) est un graphe pour lequel peuvent coexister plusieurs arcs entre deux sommets adjacents, ce qui le différencie d’un graphe.

14. Le coefficient de clustering d’un sommetvd’un grapheG(le coefficient a la même valeur siGest orienté ou non) est la probabilité, étant donnés deux voisinsv1etv2dev, qu’ils soient connectés entre eux. Le coefficient de clustering du grapheGest la moyenne de celui de tous les sommets deG. Le coefficient de clustering d’un multigraphe et de ses sommets peut être adapté à partir de la méthode de calcul du coefficient de clustering dans un graphe. Dans ce cas, on ne considère entre deux sommets voisinsietj

Nous avons développé une seconde méthode permettant de quantifier le détour à faire suite à la perte éventuelle d’un arc, elle sera détaillée davantage dans le chapitre 9. Au niveau mésoscopique, nous calculons la centralité d’intermédiarité dans le mul-tigraphe. Ce calcul est adapté de la méthode de calcul de centralité dans un graphe [75,76]. Il s’agit de calculer l’importance à l’échelle mésoscopique de chaque arc dans le graphe,i.e.le nombre de plus courts chemins entre chaque pair de sommets du graphe passant par cet arc.

FIGURE 1.6: Exemple d’un accident sur une arête d’un graphe non orienté liant deux communautés.

Au niveau macro, nous mettons en place une méthode de détection de communau-tés applicable aussi bien sur un graphe que sur un multigraphe qui permet de montrer les arcs inter communautés faibles sur le réseau (voir figure1.6pour le cas d’un graphe). Ces arcs représentent donc des lieux de passage incontournables et en tant que tels, ce sont des singularités importantes dans la carte globale de vulnérabilité. Nous dévelop-pons aussi une méthode de marche aléatoire sur le multigraphe, permettant d’identifier les zones du réseau susceptibles d’être plus empruntées et congestionnées que d’autres

en situation normale de trafic, et ceci à partir de la structure du multigraphe.

La dynamique liée à l’utilisation du trafic routier

Nous avons complété le modèle statique d’allocation de la populationPRET-RESSE (voir1.2.2) développé par la CODAHen exploitant une EMD. Nous avons aussi mis en place un modèle simple de trafic routier basé sur le principe de la distance de sécurité du Code de la route français. Les véhicules ont un comportement normal ou de danger selon qu’ils se situent ou non près d’une zone de danger. Les forces de l’ordre interviennent suite à une décision de « mobilité » pour encercler une zone de danger, bloquer les entrées et guider les personnes vers l’extérieur de la zone. Il s’agit donc de tenter de contrôler un système complexe.

Nous sommes confrontés à un problème de réduction de la vulnérabilité des enjeux exposés et tout particulièrement la population. Pour cela, nous étudions en premier lieu une partie importante de l’environnement correspondant au réseau routier, sa structure, ses caractéristiques. En second lieu, nous faisons appel à des méthodes de modélisation et de simulation informatique afin de gérer la dynamique et les flux.

C H A P I T R E

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DU RISQUE À L A GESTION DE CRISE

2.1 Du risque au risque majeur . . . . 26 2.2 Crise et gestion de crise . . . . 29 2.3 Retour d’expériences sur des événements . . . . 29 2.3.1 Évolution de la gestion du risque naturel . . . . 30 2.3.2 Évolution de la gestion du risque technologique . . . . 37

Durant ces dernières décennies, le monde a été de plus en plus exposé aux risques d’origine naturelle ou anthropique qui ont provoqué des dommages sur les populations et leurs environnements. La perception de la notion de sécurité des hommes et des biens ne cesse d’évoluer. Alors que le sentiment de sécurité reposait éventuellement sur des croyances [68], les savoirs se sont développés suite à plusieurs événements dramatiques, débouchant sur des dernières avancées en technologies de l’information et de communications et la mise en œuvre de politiques et de moyens réalisés par les États et plus particulièrement les pays industriels développés. En France, les collecti-vités territoriales se voient porter des responsabilités croissantes et se dotent de plus en plus de compétences sur le recensement des risques, l’information préventive des populations et l’élaboration de plans d’intervention. Dans ce cadre, laCODAHa créé en 2001 laDIRM.

2.1 Du risque au risque majeur

De tout temps, l’homme a été exposé aux risques et a cherché à les gérer au mieux avec les moyens dont il disposait. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes dans un domaine figé, ce champ ne cessant d’évoluer et de se transformer. Nous allons tenter au cours de ce chapitre d’apporter un éclairage sur la terminologie employée dans le contexte de la cindynique. Avant de définir ce qu’est un risque, il nous semble néces-saire de définir les notions d’aléa et de vulnérabilité que nous avons déjà largement em-ployées.

Aléa

L’aléa stricto sensu est une évolution non prévisible que peut prendre une situation, un événement . . . Sa mesure est donc impossible, de ce fait c’est une approche probabi-liste qui est utilisée. Un aléa peut être d’origine naturelle (séisme, inondation, glissement de terrain) ou anthropique (industriel, transport de matières dangereuses, ouvrages hy-drauliques . . .).

Enjeux

Les enjeux représentent les hommes, les biens, l’environnement qui peuvent être exposés à un aléa.

Vulnérabilité

La vulnérabilité exprime le niveau de conséquences prévisibles d’un aléa sur les en-jeux exposés. Un enjeu est vulnérable s’il est possible qu’il soit touché par un aléa. La vulnérabilité dépend de la sensibilité et de l’adaptabilité du système aux phénomènes. Elle peut être liée à la méconnaissance des risques, à une politique de l’État, au manque de prévention, de protection et de préparation . . . Vivre dans une construction se situant dans une zone inondable avec le plancher au ras du sol en est un exemple.

Risque

Ainsi que nous l’avons déjà défini (voir1.1), le risque est généralement présenté comme étant le résultat du produit d’un aléa et d’une vulnérabilité ou plutôt d’une composition de vulnérabilités. De nombreux experts dans le domaine du risque le défi-nissent par la formule suivante :Ri sque=alea´ vul ner abi l i t´ e´[50] ; ce qui veut dire qu’un même niveau de risque peut résulter d’un aléa fort et d’une vulnérabilité faible ou d’une vulnérabilité forte et d’un aléa faible.

En effet, l’utilisation d’un produit nous semble trop réductrice et la formule

FIGURE2.1: Croisement d’aléas et d’enjeux vulnérables.

étudié.Le risque relève du probable et la catastrophe (elle est imprévisible) de l’ordre du réel (un risque de guerre au Kosovo qui s’est transformé en catastrophe au printemps1999)

[50]. La figure2.1 illustre une explication du risque très fréquemment utilisée par les spécialistes du domaine. Elle souligne bien le fait qu’un risque existe si l’aléa et l’enjeu vulnérable se retrouvent en contact.

Risque majeur

Il est souvent fait une distinction entre les risques liés à la vie quotidienne et de faible gravité, les risques plus graves dits accidentels et les catastrophes qui appartiennent aux risques majeurs. La caractérisation essentielle se fait sur l’ampleur des dommages. En effet, un risque majeur est la possibilité qu’un événement d’origine naturelle ou anthro-pique puisse causer des dommages importants pour la société. Il est généralement ca-ractérisé par :

sa gravité,pouvant être très lourde à supporter pour la population, les collectivités et l’environnement,

Parfois de très grande ampleur, l’accident majeur nécessite alors la mise en place de gros moyens et d’une organisation spécifique préalablement testée (plans de secours par exemple).

FIGURE2.2: Courbe de Farmer sur la gravité / probabilité d’occurrence. Plus de détails se trouvent dans [67].

La courbe de Farmer trace une frontière entre la face acceptable et inacceptable du risque et montre en particulier que l’acceptabilité dépend de la fréquence et de la gra-vité. En effet, un risque peut être considéré comme acceptable lorsque la population continue à vivre avec en contre partie d’un bénéfice, et s’il est éventuellement contrôlé. Si on traduit la fréquence en terme de probabilité d’occurrence, la courbe met en évi-dence les trois domaines de risques dont le risque majeur caractérisé par une faible pro-babilité d’occurrence et un impact très important sur la population et l’environnement.