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découverte : c’est le débat entre intuition et: c’est le débat entre intuition et recherche systématique. Georges eut bien recherche systématique. Georges eut bien souvent à défendre une position originale et souvent à défendre une position originale et isolée de chercheur mu par la confrontation isolée de chercheur mu par la confrontation de faits auxquels il pressentait une vieux couple qui s’aime encore- et pour Marc la rencontre qui se présentait ressemblait au récit qu’il avait eu dans sa jeunesse du combat de deux vieux maîtres de judo, 10ème ou 11ème dans (échelons honoraires, au delà du 6ème dan qui sont des combattants).

A ce degré on pouvait voir face à face deux immédiatement perçue et contrée tout aussi imperceptiblement par l’autre, micro-déplacements à peine perceptibles par

chacun, probablement invisibles au delà du tatami pour un groupe d’élèves pétrifiés qui assistaient ainsi au combat suprême de deux puissances parfaitement égales, autant spirituelles que physiques, résultant dans une logique immobilité.

- « Je voudrais, commença Emmanuel, que vous changiez vos méthodes de travail… »

- « Je sais » répondit Marc, « je sais bien ce que vous en pensez et ce que n’importe qui peut en penser. En fait je pense qu’il y a une équivoque : je n’ai pas à changer de méthode de travail ; j’ai à en appliquer une, et, si possible pour plaire aux instances nationales, appliquer la méthode internationale, c’est-à-dire anglo-saxonne.

Or, actuellement, je suis un fil, un fil d’Ariane si vous voulez, j’assemble un puzzle qui est fait de mes expériences passées et celles des autres, pas forcément des savants, n’oubliez pas Billy ! - et de temps en temps je me mets dans la peau, si l’on peut dire, d’un virus pour me demander ce qu’il ferait dans telle ou telle situation pour couillonner la malice et l’ordre des choses… Cela n’a rien de la machine de guerre américaine, mais, si vous voulez sincèrement mon

avis, je crois que je suis plus utile en restant comme je suis.

- « Mais vous ne pouvez convaincre qui que ce soit de cette manière, même si vous arrivez à un résultat, un véritable résultat scientifique, c’est-à-dire reproductible, vous ne pouvez l’exposer si votre approche est farfelue...

- « Voilà bien le mal du siècle ! On a tellement sacralisé le fameux

raisonnement et l’approche

scientifique, que finalement il occupe toute la place : on finit par en oublier le résultat… »

- « C’est la seule manière d’obtenir un résultat publiable... »

- « D’accord, mais permettez-moi d’accorder une importance primordiale aux faits scientifiques, aux histoires qui paraissent étranges et qui finissent toujours par être expliquées. J’ai d’ailleurs une profonde méfiance, sinon du mépris, pour les explications. On peut toujours en trouver 4 ou 5 pour un même phénomène. Mais ce phénomène, cette bizarrerie observée, ou encore mieux provoquée, pour moi

c’est cela la recherche. Son explication n’est mon affaire que par accroc, et à la limite, je considérerais même qu’elle ne me concerne pas… »

- « Vous avez tort de mépriser ainsi ce travail d’analyse qui est le fondement même de l’esprit scientifique. Vous vous placez ainsi sur un piédestal, et vous considérez que c’est aux autres de faire ce travail… »

- « Là je vous arrête. Sur quel piédestal suis-je en ce moment ? Ne serait-ce pas plutôt au banc des accusés ? »

- « N’exagérons pas ! »

- « Non, en fait ce que je veux défendre c’est une certaine aptitude de notre espèce d’hommes, je veux dire nous, les latins, un certain génie à avoir des idées créatrices qui est bizarrement renié par nous-mêmes, comme si cela ne faisait pas sérieux parce que ne ressemblant pas assez à la recherche anglo-saxonne.

Mais vous me faites rire : ils s’en moquent pas mal, les américains que nous les imitions plus ou moins bien. Je suis sûr qu’ils préféreraient que nous exprimions davantage nos propres

possibilités dans le concert international. Vous savez comme moi comment cela se passe là-bas : bon nombre d’étrangers jouent ce rôle de donneurs d’idées qui sont ensuite analysées selon la fameuse méthode. » - « Des idées, tout le monde en a chaque

matin. »

-- « Oui, oui, je sais, c’est facile à dire, vous le répétez souvent. Mais, justement pourquoi le répétez-vous si souvent ? J’ai eu dans ma jeunesse un boss qui me parlait d’ordre toute la journée ; je n’ai jamais connu d’homme plus désordonné… »

- « Bon, je crois qu’il est inutile de poursuivre cette conversation… »

- « Excusez-moi, je me suis laissé emporter, et je défends mal ma cause, c’est stupide de ma part. Ce que je veux dire, c’est que j’ai profondément l’impression que la méthode de travail que vous me proposez ne peut me servir à rien pour l’instant. C’est pourquoi je me refuse à faire semblant.

Il y a bien sûr le travail bulldozer qui consiste à tester toutes les hypothèses : j’ai l’impression que je

n’ai pas encore formulé la bonne.

J’attends le moment où le test amènera une vraie réponse, positive ou négative. Je n’en suis pas là. Je cherche… J’allais dire : j’attends. » - « Vous attendez quoi ? »

- « J’attends que l’idée vienne ; en attendant, j’accumule les manip, mais je sais qu’elles ne sont qu’une étape : comme un fond d’acquisition de données parmi lesquelles se fera une synthèse, dont je n’ai pas encore la moindre idée. »

- « Vous appelez ça une démarche scientifique ? »

- « Non, je vous le concède. Et d’ailleurs dans la terminologie actuelle de la recherche, je ne me sens pas à l’aise…

« Chargé de recherches ? »

Oui, si c’est dans le sens où l’on se sent investi de la nécessité de chercher, mais pas dans le sens d’être chargé d’une recherche qui ne me dit rien de particulier par ailleurs.

« Maître de recherches ? »

Je vous accorde n’être pas un exemple de méthode, donc je ne suis pas un

maître au sens didactique du terme.

Mais ce que je pense, c’est que si je trouve un fait réel, fondamental, qui apporte réellement quelque chose, j’aurai accompli mon devoir. Cela peut être un exemple, à défaut d’enseignement. »

- « Ce fait fondamental- encore faudra-t-il prouver qu’il est fondamental, il faudra l’étayer, le vérifier, l’exploiter. » - « Là encore, sans prétention aucune, je

dirais que je le ferai un peu forçé, mais intérieurement je pense que cela n’est pas mon rôle, car ce n’est pas dans mes aptitudes particulières ; il vaudrait mieux que chacun travaille dans son meilleur créneau de fonctionnement. » - « Toujours cette division des aptitudes

et des tâches … »

- « N’y voyez pas une échelle de valeur, je vous prie, j’admets que cela soit un défaut… à la limite ce qui m’intéresse c’est de vaincre, pas d’exploiter. Quand on a fait glisser l’élastique du slip de la connaissance, n’y a-t-il pas quelque trivialité à poursuivre ? »

- « C’est pourtant le passage à la possession … »

- « D’accord, c’est la partie boulot, mais ce n’est plus pour moi de la recherche.

La possession est d’ailleurs souvent une entrave à la recherche. Vous savez comme moi que nombre de laboratoires « possèdent » une hypothèse, ou une technique et que cela constitue littéralement son pain quotidien : lorsqu’il publie, il publiera le minimum possible pour avoir le droit de le faire tout en gardant précieusement les données essentielles qui lui permettent de garder son avance… C’est pas joli joli comme

collaboration scientifique

internationale ! Finalement la possession appauvrit le chercheur.

Combien de fois ai-je vu des chercheurs qui traînent la même idée tout au cours de leur carrière et finissent par s’en dessécher. Moi je préfère donner le plus vite possible et passer dans la mesure du possible à autre chose. »

- « Alors ne vous étonnez pas d’être dépossédé de votre conquête ! »

- « Oui je sais, c’est bien ainsi que cela se passe souvent : j’ai poussé le raisonnement à l’extrême et j’entends bien la « raison » de votre argumentation. Mais je voudrais que percevant l’extrême de cette position, vous perceviez aussi l’autre qui consiste à faire du raisonnement et de

l’analyse la fin de toute recherche scientifique. C’est un moyen, c’est tout, mais il tourne le plus souvent pour lui-même aujourd’hui comme une fin en soi, qui quelquefois fait oublier l’essentiel. »

- « Que voulez vous dire ? »

- « L’essentiel pour moi, c’est quelquefois une toute petite phrase, une pensée différente et je regrette qu’on n’ait pas le droit de les publier tout simplement ; alors qu’il faut le plus souvent les déguiser « après coup » pour montrer qu’elles sont venues logiquement, rationnellement.

Et pourtant la découverte n’est pas rationnelle. Et tout se passe comme si le domaine de la recherche n’était pas celui de la découverte. Voyez-vous, le jour où je me suis trouvé devant une réaction inflammatoire interne en essayant d’obtenir une valve cardiaque vivante, j’ai eu deux possibilités : l’une était d’envisager de lutter contre cette réaction inflammatoire- -entre parenthèses il a fallu d’abord réaliser que j’avais affaire à une réaction inflammatoire, alors que tous mes prédécesseurs étaient passés par dessus ce

phénomène-Cette première approche logique je l’ai faite puisque je suis allé consulter, pièce en main, un vieux professeur de cardiologie qui avait traité dans le temps ces lésions, ressemblant à celle du RAA, à la grande époque de la naissance des corticoïdes de synthèse et des cardiopathies rhumatismales.

Mais cette approche logique, évidente, était con.

Dans un second temps, j’ai fait un quart de tour à gauche : puisque j’obtiens cette réaction avec un tissu dont je suis sûr qu’il est vivant… alors je dois d’abord le tuer, même si secondairement je veux obtenir une valve vivante. Et la première expérience que j’ai faite ensuite a montré la justesse de cette virevolte.

A mon avis c’est cela, cette petite phrase, ce raisonnement bizarre, le phénomène important.

Même s’il me faut 10 ans ensuite pour codifier complètement la réalisation d’une valve : le vrai, le seul déclic important aura été celui-ci. A mon avis le monde de la recherche devrait être à même de recevoir de simples messages de la sorte… alors que je le reconnais avec vous, il faut attendre les 10 ans pour que la meute s’émeuve… ; alors qu’elle devrait être bien utile pour aider à réduire cette fameuse décennie.

Je vais vous donner un exemple : il y a 15 ans dans un congrès, j’ai rencontré Wesolowski

qui est à l’origine des prothèses artérielles artificielles. En particulier je lui ai reproché -eh oui il y a 15 ans de cela- d’être allé un peu loin en affirmant qu’elles se recouvraient à leur intérieur de cellules endothéliales .

Il m’a répondu en riant « d’accord, ce ne sont peut-être pas des cellules endothéliales, mais laissons cela aux allemands ! »

Sans doute il devait faire allusion aux excellentes capacités de recherche analytique dont est doué ce peuple, et d’ailleurs je lui laisse l’entière responsabilité de sa déclaration.

Mais quelle situation retrouvons-nous après 15 ans ?

Un meilleur matériau que celui qu’il propose ? Non.

Un meilleur concept de « couverture » du matériau par une coagulation sanguine puis une repopulation cellulaire? De tel ou tel type ? Non, on n’a encore rien trouvé de mieux. Pendant ce temps, les américains ont vendu des milliers de prothèses et nous sommes devenus des chercheurs sur leurs prothèses ! La bonne règle joue à plein : pour en dire du bien ou du mal, l’important c’est qu’on en parle !

Aujourd’hui plus que jamais, c’est la France qui fait la pub des prothèses américaines par sa recherche de pointe ! « Cellules

endothéliales » oui, non, « pas partout », oui, non, « nécessaires », oui, non, etc…

Et que dire du Goretex ? Un jour, un crétin de chirurgien tomba sur la gaine d’un fil électrique et il lui sembla que cela ferait une bonne prothèse… Aujourd’hui, il a 25% du marché des prothèses… Voulez vous suggérer que c’est par un raisonnement scientifique impeccable qu’il a décidé d’utiliser cela ? Par contre, oui… les raisonnement scientifiques ont suivi… et ils continuent… »