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Une nouvelle classe d’émetteurs gamma

2.2 L’accélération de particules dans les novae symbiotiques

2.2.2 Une nouvelle classe d’émetteurs gamma

A notre connaissance, l’étude présentée dans Tatischeff et Hernanz (2007) constitue la pre-mière découverte d’une accélération de rayons cosmiques hadroniques dans un rémanent de nova. Mais l’existence de ces particules a été révélée de façon indirecte dans ce travail, au tra-vers des effets non linéaires des noyaux accélérés sur la structure et l’évolution de l’onde de

L’accélération de particules dans les ondes de choc des explosions stellaires 10-10 10 -9 10 -8 10 -7 10 -6 10 -5 10 -4 1 10 Fermi/LAT (1 day) (1 month) !100 MeV !30 GeV

!

0

RS Oph (2006)

Days after outburst

F

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m

-2

s

-1

)

FIG. 2.4 – Courbes de lumière gamma de l’éruption de la nova RS Ophiuchi en 2006. Le flux pré-dit pour Eγ > 100MeV est comparé aux sensibilités de l’instrument Fermi/LAT pour un jour et un mois d’opération en mode de balayage du ciel et une détection à un niveau de confiance de 5σ. Les calculs supposent que la distance de RS Oph est de 1,6 kpc.

souffle. Malheureusement, l’émission de désintégration de pions dans RS Ophiuchi (2006) n’a pu être observée, faute de mission spatiale dans le domaine des rayons gamma du GeV en opé-ration à l’époque. Comme l’illustre la Figure 2.4, cette émission aurait été vraisemblablement détectée avec le télescope gamma LAT de Fermi, mais ce satellite n’a été mis sur orbite qu’en juin 2008.

Les courbes de lumière montrée sur la Figure 2.4 ne prennent en compte que la désintégra-tion des pions π0. La production de ces particules et le spectre gamma qui en résulte ont été calculés à partir de la théorie de Dermer (1986). Nous avons également évalué la luminosité de l’émission gamma résultant de la diffusion Compton inverse d’électrons accélérés, LIC. Ces particules produisent aussi un rayonnement synchrotron dans le champ magnétique ambiant et les luminosités respectives de ces deux émissions sont reliées par

LIC= Lsyn Urad

(B2/8π), (2.19)

où Urad ≈ Lbol/(4πcR2s) est la densité d’énergie du champ de photons interagissant avec les électrons relativistes à la position Rs de l’onde de choc. Pendant ∼3 mois après l’explosion, RS Oph a rayonné une luminosité bolométrique proche de celle d’Eddington, Lbol ∼ LEdd = 2 × 1038erg s−1, du fait de la combustion résiduelle d’hydrogène dans l’enveloppe de la naine blanche. On tire alors du calcul de Uradet de l’équation (2.19) : LIC ∼ Lsynà tout instant après l’éruption. La luminosité de l’émission synchrotron de RS Oph (2006) a pu être estimée à partir d’observations en ondes radio à des fréquences < 1, 4 GHz (Kantharia et al., 2007). Ces obser-vations montrent que la luminosité de l’émission leptonique (Lsyn+ LIC) était de l’ordre de 1% de la luminosité théorique de l’émission gamma consécutive à la production de pions neutres. Ainsi, l’observation de RS Oph (2006) avec une mission gamma tel que Fermi ou AGILE (lancé le 23 avril 2007) aurait sans doute permis de détecter de manière plus directe l’accélération de rayons cosmiques hadroniques dans cet objet.

L’accélération de particules dans les novae symbiotiques

TAB. 2.2 – Paramètres des novae symbiotiques

mmax mmin Distance (kpc) Type sec. Année de l’éruption

T CrB 2,0p 10,2v 1,3 M3III 1866, 1946 RS Oph 5,0v 11,5v 1,6 M0/2III 1898, 1907(∗), 1933, 1945(∗), 1958, 1967, 1985, 2006 V3890 Sgr 8,2v 17,0 : 5,2 M5III 1962, 1990 V745 Sco 9,6v 19,0 : 4,6 M6III 1937, 1989 V407 Cyg 7,6v ∼11,0 – 16,0v(†) 2,7 M6III 2010 V723 Sco 9,8p 19,0j [1] 1952 EU Sct 8,4p 18p [2] 1949 V3645 Sgr 12,6p 18,0p [2] 1970 V1172 Sgr 9,0p 18,0j [2,3] 1951

mmin et mmax : magnitude apparente de l’objet au repos et au maximum de l’éruption. Type sec. : type spectral de l’étoile secondaire. Les données pour les quatre novae récurrentes symbiotiques bien connues (T Coronae Borealis, RS Ophiuchi, V3890 Sagittarius et V745 Scorpius) sont extraites de Anu-pama (2008), celles pour V407 Cygni sont tirées de Abdo et al. (2010) et Munari et al. (2011). Pour les autres novae, des observations photométriques dans le proche infrarouge indiquent que l’étoile secon-daire est une géante rouge (voir [1] : Harrison 1992, [2] : Weight et al. 1994, et [3] : Hoard et al. 2002). (∗)Eruption présumée.(†)La secondaire dans V407 Cyg est une variable de type Mira dont la période de pulsation s’élève à ∼750 jours (Munari et al., 2011).

Combien d’autres objets semblables à RS Oph pourraient être observés dans le domaine des rayons gamma maintenant que ces deux satellites sont en opération ? Le Tableau 2.2 présente une liste des novae symbiotiques connues (de l’auteur) à l’heure de la rédaction de ce mémoire. On voit que 19 éruptions d’objets de ce type ont été enregistrées depuis la moitié du XIXesiècle. En comparaison, ∼350 novae classiques ont été détectées pendant la même période13. Mais du fait de l’absorption interstellaire dans le domaine du visible, seule une minorité de novae galactiques sont observées ; on estime aujourd’hui le taux de novae dans la Voie lactée à ∼40 par an (voir Schaefer, 2010, et références incluses). Il y aurait donc ∼ (19/350)×40 = 2, 2 novae symbiotiques par an dans la galaxie. Cette estimation est compatible avec celle obtenue par Lü et al.(2006) à partir d’un modèle de synthèse de population stellaire : ∼1,3 – 13,5 an−1. D’après nos calculs, Fermi/LAT pourrait détecter une éruption semblable à RS Oph (2006) jusqu’à une distance de ∼6 kpc (voir Fig. 2.4), de sorte que moins de la moitié des novae symbiotiques galactiques pourraient être observées avec ce télescope. On en conclut donc que Fermi/LAT devrait détecter quelques novae symbiotiques pendant sa vie opérationnelle prévue pour durer 10 à 15 ans. Notons que certains de ces objets pourraient ne pas être détectés dans le domaine optique du fait de l’absorption interstellaire, de sorte qu’ils seraient classés dans le catalogue de Fermi/LAT comme des sources transitoires “non identifiées”. Notons également que les novae symbiotiques n’émettent sans doute pas de manière significative dans le domaine des rayons gamma du TeV, car l’énergie maximum des particules accélérées n’est pas suffisamment élevée (voir Sect. 2.2.1).

Le calcul de l’émission gamma de RS Oph (2006) et la prédiction du taux d’observations de novae symbiotiques avec le LAT ont été présentés au 37econgrès du COSPAR (Tatischeff, 2008), un mois tout juste après le lancement de Fermi (voir également Hernanz et Tatischeff, 2012). En mars 2010, la binaire symbiotique V407 Cygni (voir Tab. 2.2) a connu une explosion de nova accompagnée d’une émission de rayons gamma visible avec Fermi/LAT pendant ∼2 semaines

13Voir http ://archive.stsci.edu/prepds/cvcat/

L’accélération de particules dans les ondes de choc des explosions stellaires

(Abdo et al., 2010). Ce rayonnement gamma a été rapidement interprété comme résultant de l’interaction de l’onde de souffle de la nova avec la matière du vent de l’étoile géante. Mais les contributions respectives des émissions d’origine hadronique (production de pions) ou lepto-nique (diffusion Compton inverse) sont encore discutées (Abdo et al., 2010; Martin et Dubus, 2012). Ce système binaire présente des différences avec RS Oph. Tout d’abord, l’étoile secon-daire dans V407 Cyg est dans un stade plus évolué : il s’agit d’une variable de type Mira situé sur la branche asymptotique des géantes rouges. De plus, la période orbitale de V407 Cyg est bien plus grande que celle de RS Oph : 43 ans versus 456 jours. D’après la 3eloi de Kepler, cela signifie que la séparation orbitale est également plus élevée dans V407 Cyg : ∼16 UA (pour des masses de la géante et de la naine blanche de respectivement ∼ 1 Met ∼ 1, 2 M) contre ∼1,5 UA dans RS Oph. En conséquence, l’onde de souffle de V407 Cyg s’est propagée pendant une dizaine de jours après l’explosion dans un milieu perturbé par le mouvement orbital des deux étoiles. Le modèle à une dimension que nous avons développé pour RS Oph (2006) ap-paraît donc insuffisant pour décrire V407 Cyg (2010). Martin et Dubus (2012) ont récemment présenté un modèle 2D très intéressant, qui permet de représenter de manière réaliste la dis-tribution spatiale de la matière dans le système binaire. Mais les calculs de ces auteurs sont effectués dans le cadre de l’approximation de la “particule test”, de sorte qu’ils ne permettent pas d’étudier les modifications du choc induites par les rayons cosmiques.

A l’heure de la rédaction de ce mémoire, deux autres novae viennent sans doute d’être dé-tectés par Fermi/LAT : Nova Scorpii 2012 (Cheung et al. 2012, The Astronomer’s Telegram – ATel – #4284) et Nova Monocerotis 2012 (Cheung et al. 2012, ATel #4310). La nature de ces ob-jets n’est pas encore bien connue. Martin et Dubus (2012) mentionnent dans leur article deux autres novae symbiotiques putatives : CI CAM (1998) et la source transitoire MAXI J0158-744, qui a été détectée avec le télescope à rayons X MAXI installé sur la Station spatiale interna-tionale. Une nouvelle classe d’accélérateurs de particules semble donc émerger. Ces objets ne contribuent pas de manière significative à la population de rayons cosmiques galactiques, car bien qu’environ 100 fois plus fréquents que les supernovae, ils libèrent une énergie cinétique ∼107 fois plus faible (Tab. 2.1). Mais ils jettent une nouvelle lumière sur le mécanisme d’ac-célération diffusive par onde de choc. Pour être en mesure d’étudier les novae symbiotiques de manière exhaustive, nous proposons de développer un nouveau modèle associant une re-présentation en 2D du phénomène (Martin et Dubus, 2012) à une description des effets non linéaires des rayons cosmiques sur l’onde de souffle (Tatischeff et Hernanz, 2007). Un tel mo-dèle permettrait d’exploiter au mieux les données observationnelles présentes et à venir, en particulier dans le domaine des rayons gamma du GeV.

2.3 L’accélération de particules dans les supernovae détectées en