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L’injection des électrons dans le mécanisme d’accélération diffusive par

2.3 L’accélération de particules dans les supernovae détectées en radio

2.3.2 L’injection des électrons dans le mécanisme d’accélération diffusive par

de choc

SN 2008D est une supernova de type Ib ayant explosé le 9 janvier 2008 dans la galaxie NGC 2770 à D ≈ 27 Mpc de la Terre. Elle a été observée avec les télescopes à rayons X et ultraviolets de Swift depuis le moment même où a commencé l’explosion, car, par chance, ce satellite observait déjà cette galaxie à cette période (Soderberg et al., 2008). L’émission radio de SN 2008D a été suivie par au moins quatre observatoires, dont le VLA (Soderberg et al., 2008; van der Horst et al., 2011).

Les supernovae de type Ib résultent de l’explosion d’étoiles Wolf-Rayet, qui présentent des taux de perte de masse élevé, ˙MWR ∼ 3 × 10−5 M an−1, par des vents rapides, vw ∼ 1000km s−1. A distance de l’étoile égale, la densité du gaz dans le vent d’une Wolf-Rayet est donc ∼30 fois inférieure à celle dans le vent d’une supergéante rouge (voir Eq. 2.15 et Tab. 2.1). Il est donc a priori intéressant d’étudier l’efficacité d’accélération et l’énergie maximum des rayons cosmiques produits dans les supernovae de type Ib. Mais nous allons voir que les ré-sultats obtenus pour SN 2008D semblent également nous révéler quelque chose du processus d’injection des électrons dans le mécanisme d’accélération par onde de choc18. Pour cette étude, le modèle initial de Berezhko et Ellison (1999) a été sensiblement amendé19:

(i) L’injection des protons dans le processus d’accélération est maintenant décrite avec le paramètre ξ, qui est relié à l’épaisseur du choc (Eq. 2.10), plutôt qu’avec l’efficacité d’in-jection ηp

inj. Cette nouvelle prescription est en effet plus fondamentale et tient compte d’un effet de régulation de l’injection signalé par Blasi et al. (2005) : dans un choc fortement mo-difié par les rayons cosmiques, le rapport de compression rsubtend vers un, de sorte que l’efficacité ηp

inj ∝ (rsub− 1) tend vers zéro (r ≡ rsub dans l’équation 2.11). Cet effet limite donc l’efficacité d’accélération.

(ii) Au vu des résultats obtenus pour SN 1993J, le champ magnétique amplifié dans le précur-seur n’est maintenant plus un paramètre libre, il est calculé à partir de l’équation (40) de Tatischeff (2009), laquelle est tirée de la théorie de Bell (2004). Le champ magnétique est donc maintenant directement relié à la pression des rayons cosmiques et donc à l’efficacité d’injection, comme le veut la théorie de l’accélération diffusive par onde de choc dans ses récents développements.

(iii) L’effet de la pression magnétique, Pmag = B2/(8π), sur la structure du choc est maintenant pris en compte d’après les travaux théoriques de Caprioli et al. (2009). Dans le cas d’une forte amplification du champ magnétique turbulent, cet effet peut altérer de manière si-gnificative les relations de Rankine-Hugoniot au sous-choc. La pression magnétique dans le précurseur tend à limiter la modification du choc. Nous avons également utilisé les tra-vaux de Caprioli et al. (2009) pour améliorer le traitement du chauffage du précurseur par la dissipation des ondes d’Alfvén.

17Les fréquences relatives des différents types de supernova à effondrement gravitationnel dans la galaxie sont d’après Smartt et al. (2009) : II-P 58,7%, II-L 2,7%, IIn 3,8%, IIb 5,4%, Ib 9,8%, et Ic 19,6%. Les supernovae thermonu-cléaire de type Ia représentent 26,8% de l’ensemble des supernovae galactiques.

18Ce travail sur SN 2008D a été réalisé à l’été 2009, grâce à une invitation du Kavli Institute for Theoretical Physics de Santa Barbara (Etats-Unis) dans le cadre du programme “Particle Acceleration in Astrophysical Plasmas”. Les résultats présentés dans ce mémoire sont encore préliminaires et n’ont pas été publiés.

19Nous avons vérifié que les améliorations apportées au modèle non linéaire d’accélération diffusive par onde de choc n’ont pas modifié de manière significative les résultats présentés dans Tatischeff (2009).

L’accélération de particules dans les ondes de choc des explosions stellaires 10 -2 10 -1 1 10 ! = 3.25, re/p = 2 ! = 3.5, re/p = 13 td-0.9

0.7 cm 1.2 cm

10 -2 10 -1 1 10

2 cm

F

lu

x d

en

si

ty (mJy)

3.5 cm

10 -2 10 -1 1 1 10 102

6 cm

days after outburst

1 10 102

20 cm

days after outburst

FIG. 2.5 – Courbes de lumière à 0,7, 1,2, 2, 3,5, 6 et 20 cm de la supernova SN 2008D. Les données sont extraites de Soderberg et al. (2008) (cercles pleins) et van der Horst et al. (2011) (cercles vides). Les courbes en tirets montrent les résultats du modèle pour ξ = 3, 25 et le rapport des efficacités d’injection re/p = ηe

injinjp = 2. Celles en train plein sont obtenues avec ξ = 3, 5 et une fraction décroissante d’électrons accélérés, re/p= 13 × (t/1 jour)−0,9.

Dans sa version générale, le nouveau modèle d’émission radio des supernovae ne comporte donc plus que trois paramètres libres : ξ, re/p = ηinjepinj, et le taux de perte de masse de la pré-supernova ˙Mioù i ≡ SGR ou WR selon le cas. Mais pour SN 2008D, et plus généralement pour toutes les supernovae de type Ib ou Ic, ˙MWR ne peut pas être déterminé directement à partir de l’émission radio synchrotron, car l’atténuation libre-libre dans le milieu circumstellaire est négligeable devant l’auto-absorption dans la zone émettrice (voir Chevalier et Fransson, 2006). Le taux de perte de masse de la pré-supernova a donc été fixé à la valeur moyenne de celui des étoiles Wolf-Rayet de la Voie lactée : ˙MWR ≈ 3 × 10−5Man−1(Cappa et al., 2004).

Des courbes de lumière calculées sont comparés aux données enregistrées à six longueurs d’onde sur la Figure 2.5. Les lignes en tirets correspondent à des paramètres d’injection indé-pendants du temps : ξ = 3, 25 et re/p = 2. On voit qu’une telle solution n’est pas en mesure d’expliquer l’observation d’une décroissance relativement rapide des flux de densité dans la phase optiquement mince. Ces données suggèrent que dans SN 2008D, l’efficacité d’injection des protons ou des électrons a diminué au cours du temps après l’explosion. L’efficacité d’in-jection des protons ne dépend en première approximation que de l’épaisseur du choc (Sect.2.1),

L’accélération de particules dans les supernovae détectées en radio

qui dans un milieu non collisionnel correspond au libre parcours moyen associé aux interac-tions électromagnétiques à l’origine de la discontinuité. Il est donc raisonnable de penser que l’injection des protons varie peu au cours du temps et que la dépendance temporelle mise en lumière porte sur les électrons.

Les courbes en trait plein montrent les résultats obtenus pour ξ = 3, 5 et re/p = 13 × (t/1 jour)−0,9. Pour un choc légèrement modifié avec rsub ≈ 3, 5, ces valeurs correspondent à ηp

inj ≈ 3, 9 × 10−4et ηe

inj ≈ 5, 0 × 10−3 × (t/1 jour)−0,9. L’efficacité d’injection des protons est du même ordre que celle obtenue pour SN 1993J (et RS Oph). Par contre, ηe

inj est plus élevé dans SN 2008D que dans SN 1993J (pour rappel, nous avions trouvé pour cette supernova ηe

inj = 1, 1 × 10−5) pendant ∼900 jours après l’explosion. Une interprétation possible de ces résultats est que le mécanisme d’accélération opère de façon semblable dans les ondes de choc de ces deux supernovae, mais qu’un surplus d’électrons non thermiques a été injecté dans le choc principal de SN 2008D pendant les premiers mois après l’explosion.

Soulignons une nouvelle fois que le mécanisme d’injection des électrons est très mal connu. Morlino (2009) a récemment proposé une solution permettant de s’affranchir d’un processus de pré-accélération des électrons thermiques au voisinage du choc. Ce modèle suppose que les ions lourds injectés dans le mécanisme d’accélération par onde de choc sont partiellement ionisés et que le temps caractéristique de photoionisation ou d’ionisation collisionnelle de ces espèces est comparable à leur temps d’accélération. Ces hypothèses sont raisonnables dans le cas des jeunes vestiges de supernova (Morlino, 2009). Les électrons arrachés aux ions ra-pides au cours de leur mouvement de va-et-vient de part et d’autre du front de choc seraient naturellement injectés dans le processus d’accélération. Morlino (2009) estime que ce méca-nisme pourrait rendre compte d’un nombre relatif d’électrons rapides exprimé par le rapport Kep = fe(p)/fp(p) ∼ 10−4(dans un domaine de quantité de mouvement où les pertes d’énergie des électrons peuvent être négligées). En comparaison, nous avons trouvé pour SN 1993J et SN 2008D (voir Tatischeff, 2009, équations 13 et 14) :

Kepη e inj ηinjp  me mp 1/2 > ∼ 2, 5 × 10−3. (2.20)

Le mécanisme de Morlino (2009) ne peut donc sans doute pas expliquer l’origine des électrons accélérés dans le cas des très jeunes supernovae détectées en radio.

Plus récemment, Zirakashvili et Aharonian (2011) ont remarqué que la radioactivité de noyaux de 44Ti et56Ni éjectés par une supernova pouvait fournir un réservoir important de leptons (électrons et positrons) non thermiques susceptibles d’être accélérés dans les ondes de choc du rémanent. Dans leur modèle, les positrons résultant de la désintégration de44Ti sont accélérés dans le choc en retour qui se propage dans les éjectas. Au choc principal sont accé-lérés des électrons énergétiques provenant de la diffusion Compton de photons gamma issus de la désintégration du56Co (T1/2 = 77, 2jours20). Un calcul d’ordre de grandeur montre que cette hypothèse semble possible dans le cas de SN 2008D. D’après les résultats de notre modèle, on a pour le nombre d’électrons injectés dans le processus d’accélération entre t0 = 1jour et tf = 900jours après l’explosion :

NeMv˙WRVs

wmH

Z tf t0

ηeinj(t)dt ∼ 2 × 1050, (2.21)

où Vs ≈ 5 × 104 km s−1 est la vitesse moyenne du choc principal de SN 2008D pendant cette période. Une masse de56Ni de ≈ 0, 05 M a été éjectée dans cette explosion (Soderberg et al., 20Les principales raies gamma de désintégration du56Co sont données dans le tableau 1 de Tatischeff et al. (2006), cet article étant inclus dans le 1erchapitre de ce mémoire.

L’accélération de particules dans les ondes de choc des explosions stellaires

FIG. 2.6 – Flux de rayons gamma d’ultra-haute énergie émis par la supernova SN 1993J (E2dN/dE en TeV cm−2 s−1, voir l’échelle de couleur à droite), en fonction du temps après l’explosion (axe horizontal) et de l’énergie des photons (axe vertical). A gauche : sans l’absorp-tion du flux gamma par le processus γ + γ → e++ e; à droite : avec la prise en compte de cette atténuation. Référence : Renaud, Marcowith, Tatischeff, & Dwarkadas, article en préparation. 2008), ce qui représente ≈ 1054 noyaux de cette espèce. Ainsi, il faudrait que chaque désin-tégration de 56Ni (T1/2 = 6, 1 jours) aboutisse au final à une injection au choc principal de ∼ 2 × 10−4électron Compton. Ce résultat ne paraît pas déraisonnable. On remarque également que la dépendance temporelle de re/ptirée de la modélisation de l’émission radio semble être globalement compatible avec la période radioactive du56Co. Ainsi, entre 10 et 300 jours après l’explosion, ce qui d’après les données est la période la plus contraignante pour le modèle (voir Fig.2.5), ηe

inja diminué d’un facteur 21, alors que le nombre de noyaux de56Co s’est réduit d’un facteur 13,5.

Cette étude n’en est à l’évidence qu’à ses prémices, et la viabilité du modèle de Zirakashvili et Aharonian (2011) pour expliquer les courbes de lumière radio de SN 2008D reste à démon-trer. Mais cet exemple illustre bien, me semble-t-il, le potentiel de la modélisation de l’émission radio des supernovae pour étudier le ou les mécanismes d’injection des électrons dans le pro-cessus d’accélération par onde de choc.