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Une nouvelle approche des comportements humains en milieu urbain

CHAPITRE I : LA VILLE ET LES GRANDES AGGLOMERATIONS : SITUATIONS DANS LE MONDE

I.5. Une nouvelle approche des comportements humains en milieu urbain

L’Ecole de Chicago, mère de la recherche socio-anthropologique de la ville, est un référant de premier plan de par ses principes et ses méthodes. Née en 1920 aux Etats Unis sous l’impulsion d’un ensemble de travaux de recherche sociale conduits à Chicago autour de Robert Park, de Burgess et de Mckenzie, l’Ecole de Chicago propose une nouvelle approche des comportements humains en milieu urbain. C’est d’abord une école de sociologie, à partir du premier département américain fondé à l’université de Chicago dès 1892. La ville en très forte croissance (5000 habitants en 1840, 1 million en 1890) sous l’afflux d’immigrants venus de nombreux pays constitue un laboratoire pour les chercheurs qui sont mis à contribution pour résoudre les conflits multiples nés de l’urbanisation galopante, de la distance culturelle et de la pauvreté. Les premiers théoriciens ont ainsi mis en place les concepts de désorganisation sociale, de marginalité, d’acculturation. Ce contexte donne à cette sociologie sa particularité et le rend difficilement transposable en Algérie, où on ne trouve pas le contexte de l’immigration étrangère.

Les sociologues de l’Ecole de Chicago attirèrent l’attention des géographes sur la complexité des paysages urbains, bien loin de la simplicité apparente de la croissance morphologique. Attachés à l’étude du comportement humain en milieu urbain, les fondateurs de l’écologie humaine à Chicago sont capables de penser la ville dans le détail le plus minutieux. « Elle a pour objet d’étude les comportements humains en ville, les actions collectives expliquées à partir de la démarche des acteurs, par référence au sens donné par ces derniers à leurs pratiques, les catégories quotidiennes de la vie sociale (actions, représentations), la question de l’intégration, de l’assimilation des immigrés. La ville devient un véritable laboratoire social. ».46

La méthode adoptée par les sociologues de Chicago, se fonde sur une approche empirique et objective de la réalité, ils inaugurent des outils de travail. « Leur originalité est de considérer comme éclairants des éléments d’information totalement négligés jusqu’alors. Ils renouvellent ainsi l’éventail des données disponibles et susceptibles d’aider le chercheur, tels l’utilisation de

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COSINSCHI M., RACINE J. B. : « Géographie et écologie urbaine », In: Bailly A.S., et al (eds.), « Les concepts de la géographie humaine », Masson, Paris, 1984, p. 90.

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documents personnels (lettres), la pratique des histoires de vie, le poids de travail de terrain dans le cadre d’observation participante, d’entretiens, le recours à un travail documentaire (lecture de presse, archives des tribunaux, sermons des prêtres, brochures de partis politiques, ouvrages spécialisés, plan de ville, données de recensement, documents historiques, rapports municipaux).».47 Cet ensemble de données permet aux sociologues de l’Ecole de Chicago d’accéder à une information plus riche, seul capable d’une interprétation scientifique.

Deux précurseurs : Charles Booth et Georg Simmel

Deux approches de la ville demeurent dans les textes de l’école de Chicago écrits entre 1914 et 1939. Une première conception renvoie aux techniques de l’enquête sociale en milieu urbain, pratiquée par Charles Booth à la fin du XIXème siècle en Angleterre. Il pense que l’environnement urbain est responsable des maux sociaux. Cette première approche « étudie la ville comme une configuration spatiale en mutation, révélatrice des rapports entre les groupes sociaux. L’autre approche, développée vers 1900 par le sociologue allemand Georg Simmel, envisage la ville comme la condition du citadin, impliquant une mobilisation de ses attitudes. ».48 I.6. L’approche écologique : L’impact de la densité sur les comportements antisociaux

Le mot « écologie » vient du grec oïkos, il désigne la science qui étudie des milieux où vivent les hommes ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu. C’est un modèle d’analyse et d’intervention qui s’intéresse à l’interaction entre l’individu et son environnement social immédiat et élargi. Aussi, l’approche écologique se fonde sur une conception globale de l'habitat considéré comme un organisme vivant situé dans son environnement et réagissant avec lui.

L’écologie urbaine inventée par l’Ecole de Chicago en sociologie a construit une conception de la ville comme habitat de groupes sociaux, différenciés par leur niveau économique, leurs compositions familiales, leurs origines ethniques, leurs logements et leur voisinage, en étudiant comment ils se redistribuent dans l’espace de la ville. C’est à Roderick Mc Kenzie que l’on doit « l’approche écologique ». Les écologistes ont été les premiers à montrer l’association entre les comportements asociaux et les mauvaises qualités d’habitabilité et spécialement la densité de population au niveau des quartiers.

47 GRAFMEYER J. : « L’Ecole de Chicago naissance de l’écologie urbaine », Op. Cit. p. 123.

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De nombreuses recherches affirment qu’il existe un rapport de causalité entre l’état de santé physique et mental et social de l’individu et la forte densité de population. Ils ont constaté l’émergence de nombreux troubles d’ordre biologique. Paul Henry et Marie José Chombart de Lawe expliquent que le nombre de cas pathologiques physiques et sociaux doublait dès que l’espace disponible par personne devenait inférieur à 8 m² et 10 m² et au-delà de 14m² des cas de pathologies augmentaient également mais avec un moins d’intensité.

Le seuil pathologique se situe entre 8 m² et 10 m² par personnes et est de 0.25 personnes par pièce. Quant au seuil critique il se situe entre 12 m² et 14 m² par personne et est de deux personnes par pièce. Ces outils d’évaluation de confort indiquent le niveau duquel l’équilibre physique et mental de l’individuel n’est plus assuré.

32 Conclusion

La plupart des villes des pays en voie de développement ont connu elles aussi sous l’effet de la croissance démographique et de l’exode rural un étalement urbain considérable. Au fur et à mesure de leur évolution, les villes se sont divisées en petites zones locales remplissant une fonction précise ayant ses propres caractéristiques, leur identité.

Le schéma urbain traditionnel se caractérise par la présence d’un noyau où se concentrent les fonctions urbaines le commerce, les affaires et autour duquel s’organisent des couronnes composées de l’industrie, des activités et de l’habitat. L’extension apparemment désordonnée des villes, la croissance de la population urbaine, l’absence de modèles de croissance satisfaisants a créé une nouvelle organisation de l’espace. En effet, une prolifération de vastes quartiers d’habitat informel voit le jour.

Le terme de périphérie sous-entend un modèle consommateur d’espace, éloignement du noyau originel, perte de l’intérêt économique et dépendance du centre. Pourtant les atouts et les potentialités sont nombreux, mais l’urbanisation de ces espaces périphériques est confrontée à de nombreux problèmes de cadre et de conditions de vie.

Les résultats des recherches ont fait le point sur les répercussions et les incidences de quartiers périphériques. Ils ont associés certaines variables urbaines telles que l’immigration et la mobilité urbaine accélérée avec l’émergence des incivilités et des comportements violents dans les quartiers d’habitat.

Ainsi, nous entamons le prochain chapitre par l’utilisation de l’expression de Henri Rey : « Les malaises des périphéries sont le résultat d’un ensemble de processus de marginalisation. ».49 Il convient donc de nous attarder sur la notion de marginalité que nous allons essayer de traiter en faisant référence aux résultats de recherches étudiés.

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CHAPITRE II