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De nouveaux modes de jouissance

2-1 La multiplication des possibles sexuels

2.2 De nouveaux modes de jouissance

-Des orifices sexuels insolites

Chez le réalisateur de Vidéodrome, la sexualité est loin d'être réductible à la simple pénétration anale ou vaginale. Cronenberg ne filme d'ailleurs quasiment jamais de rapports sexuels

traditionnels. En attendant d'accéder à la ''Nouvelle Chair'', les personnages cronenbergiens tentent de nouvelles expériences sexuelles qui n'ont parfois pas d'équivalent dans la réalité. Bien que l'on trouve des scènes de coïts hétérosexuels dans la plupart de ses films, elles sont toujours perverties par un élément insolite. Dans Crash, James Ballard fait l'amour à Gabrielle, à l'intérieur de sa voiture. Si le cinéaste ne filme pas directement l'acte sexuel, il expose des préliminaires pour le moins étranges. Ballard déchire les résilles de Gabrielle avant de lécher l'immense cicatrice qui se trouve sur sa cuisse. La blessure s'apparente à un sexe béant que le jeune homme pénètre avec sa langue. Cette cicatrice se présente comme un nouvel orifice et préfigure les bioports d'Existenz, ces trous percés dans la colonne vertébrale des joueurs et qui ressemblent à des anus. Les joueurs d'existenz (ou de l'un des programmes imbriqués à l'intérieur de la narration) doivent y introduire le cordon de leur pod afin de pouvoir se brancher sur le réseau du jeu. La métaphore de la sodomie est ici plus qu'évidente. Cronenberg filme les faux anus d'Existenz , de la même manière que le substitut vaginal de Crash, en utilisant de très gros plans. Il joue avec les codes de la pornographie en filmant ces nouveaux orifices de la même manière que les organes génitaux et les pénétrations du cinéma X. Selon Stephan Kraitsowits, auteur de J. G Ballard inventer la réalité, cette description détaillée de meurtrissures, dans Crash, agit comme comme l’œil obsédé de la caméra pornographique ou celle, tout aussi insensible, du scientifique.142 Le malaise ressenti par le

spectateur du film de Cronenberg doit beaucoup à ce dispositif de mise en scène.

Les nouveaux orifices sexuels de Crash et d'Existenz

Ce besoin de filmer des orifices, surtout inconnus, avec le plus de détails possibles, finit par créer le malaise d'autant plus que le cinéaste s'intéresse à des paraphilies bien particulières telles que la stigmatophilie. Les personnages de Crash, mais aussi dans une moindre mesure ceux de

Vidéodrome et d'Existenz, sont excités par les modifications corporelles de leurs partenaires. Les

tatouages et les piercings, considérés comme de forts stimulants sexuels par la communauté stigmatophile, ont laissé place à des altérations beaucoup plus conséquentes. Bien que l'on retrouve à travers les tatouages rituels de James et Vaughan, les restes d'une fantasmatique stigmatophile, Cronenberg va plus loin en en appelant à la destruction des corps. Il y a donc une part d'apotemnophilie dans cette représentation érotique d'un corps mutilé voire amputé. L'apotemnophilie, comme l'a démontré Vilayanur Ramachandran , dans son ouvrage Le cerveau fait

de l'esprit: Enquête sur les neurones miroirs, répond à une angoisse non pas d’incomplétude de

l'être mais plutôt de sur-complétude

Cette dernière expérience est ce qui se produit chez certains patients qui développent l'apotemnophilie , un curieux trouble dans lequel un individu parfaitement normal éprouve un désir intense et omniprésent d'être amputé d'un bras ou d'une jambe . (Apotemnophilia dérivé du grec apo : « loin de », temnein : « couper » et philia : « attachement émotionnel à») Il décrit souvent son corps comme « trop complet » et son membre comme « intrusif ».. On a le sentiment que le sujet cherche à exprimer quelque chose d'ineffable. Par

exemple, il pourrait dire : « J'ai l'impression que ce bras ne m'appartiens pas , Docteur. Au contraire, il est bien trop présent. » Plus de la moitié de ces patients finissent par être amputés. L'apotemnophilie est souvent considérée comme une maladie psychologique. Certains ont même considérés qu'elle émanait du désir de plein accomplissement freudien, le moignon ressemblant à un pénis.143

En mutilant leur chair, les personnages de Crash veulent se délester d'un corps sur- sexualisé qui les empêcherait, paradoxalement, d'assouvir leurs fantasmes sexuels. Le phallus fantasmé devient donc un orifice pénétrable que l'on songe à l'ouverture béante sur la jambe de Gabrielle ou aux corps recouverts de cicatrices de James et de Vaughan. Le corps masculin comme féminin chercherait à se déposséder symboliquement de ses attributs sexuels afin de pouvoir en créer de nouveaux grâce auxquels l'idée de jouissance serait enfin envisageable. La jambe de Ballard pris dans son étau de métal, suite à son accident avec le docteur Remington, en est l'exemple le plus signifiant. Ce membre, que Cronenberg prend visiblement plaisir à filmer en gros plans, est percé, de toute part, par des petits tubes de métal qui s'enchevêtrent les uns dans les autres. À la fois mutilé et robotisé, il est longuement décortiqué par Vaughan qui paraît autant intéressé par la nature des blessures de Ballard que par le mécanisme complexe qui lui permet de se déplacer. L'attirail métallique devient un engin de torture qui n'est pas sans rappeler certains instruments utilisés par des performers aussi reconnus que Ron Athey ou Lukas Zpira. Les body

hacktiviste, dont font partie Athey et Zpira, transforment leurs corps à l'aide de prothèses, de

piercings, de tatouages et d'opérations chirurgicales. Ils cherchent à dépasser les limites biologiques en faisant corps avec la matière. Ce fantasme symbiotique permet, comme l'a souligné Denis Baron, dans son ouvrage Corps et artifices. De Cronenberg à Zpira, d'accepter la chair comme matière première de l'existence et non de la renier comme symbole de l'animalité144. Cette perspective

143 Vilayanur Ramachandran , Le cerveau fait de l'esprit: Enquête sur les neurones miroirs, Malakoff, Dunod, 2011, p. 294.

explique pourquoi, chez certains performers comme chez Cronenberg, le corps s'allie à d'autres matériaux. Il y a bien un ''au-delà'' de la chair qui, à force d'être modifiée, finit par perdre sa propre matérialité. Les corps altérés de Crash sont désexualisés pour mieux être re-sexualisés. Leurs modifications permettent à toutes les combinaisons sexuelles de fonctionner. Les notions d'homosexualité ou d'hétérosexualité ne sont même plus d'actualité puisque tous les corps, avec leurs trous béants et leurs cicatrices purulentes, ont la possibilité de se substituer les uns aux autres.

Si les cicatrices de Vaughan et de James ne sont pas, contrairement à l'abdomen de Max, perverties par une quelconque objet, elles se présentent néanmoins comme de possibles orifices sexuels appelant l'homme à être pénétré de la même façon que la femme, par un trou autre que l'anus. La cicatrice, que ce soit dans Vidéodrome ou Crash, permet à l'homme de connaître une expérience sexuelle qui s'apparenterait à une pénétration vaginale. On remarque, dans Vidéodrome, que Max caresse, avec son arme, la cicatrice sur son abdomen afin que celui-ci s'ouvre plus facilement. Il stimule une zone encore vierge de son corps, la lubrifie symboliquement afin de la rendre plus souple pour la pénétration. C'est une scène d'apprentissage sexuel que le cinéaste met en scène ici. Max, à l'image de Seth Brundle, dans La Mouche, fait l'expérience de son nouveau corps. Il cherche à en jouir bien qu'il doive, pour cela, accepter sa nature sexuelle ambivalente.

Dans Existenz, la transgression vis-à-vis du modèle hétérosexuel traditionnel est double puisque c'est Allegra, la créatrice du jeu, qui pénètre Pikul avec le cordon de son pod. La jeune femme essaie de lubrifier l'orifice, passe sa langue dans le trou, tente de rendre la pénétration moins douloureuse, surtout pour un novice comme Pikul. La première expérience de jeu virtuel devient la métaphore du premier acte sexuel, de la première sodomie. Pikul découvre d'autres sensations au contact d'Allegra. Il s'ouvre à un nouveau monde, celui d'existenz, mais aussi à une nouvelle forme de sexualité. Eric Dufour, dans Le cinéma d'horreur et ses figures, parle d’un corps-machine, doté

de trous qui ressemblent à des anus et dans lesquels on branche des câbles de connexion, mais aussi d' un corps susceptible de recevoir des maladies et des virus145. Si l'on peut voir derrière le pod

mourant d'Existenz, une métaphore des IST, l'essentiel du film n'est pas là. Cronenberg préfère s'intéresser à la dégenrisation des rôles et des pratiques sexuelles. Ainsi c'est Allegra qui porte le phallus, elle est la femme pénétrante, celle qui s'attribue le rôle sexuel dominant. Elle est aussi une figure initiatrice au même titre que les personnages d'accidentés de la route de Crash qui offrent de nouvelles possibilités sexuelles au couple Ballard. En cela, l' héroïne d'Existenz fait écho au personnage de Rose dans Rage puisque, comme a pu le faire remarquer Sam Bourcier, dans Queer

Zones 2, Rose, incarnée par l'actrice de films X Maryline Chambers, est active, surpuissante et

contaminante146. Elle n'est plus pénétrée mais pénétrante. L'excroissance qui a poussé sous son

aisselle s'apparente à un phallus qui aspire le sang de ses amants. Rose, malgré son aspect extrêmement féminin, se conduit, dans l'acte sexuel, comme un homme. Il ne semble alors par anodin, comme a pu le souligner Sam Bourcier, que la jeune femme possède une cicatrice qui rappelle celle qui marque l'avant-bras des Female to Male, les femmes biologiques qui transitionnent vers la masculinité. Rose explore une nouvelle forme de sexualité à travers cet orifice qui ressemble, à l'image du bioport d'Existenz, à un anus. Cronenberg s'amuse ici à renverser les codes de la pornographie hétérosexuelle. Si Rose est pénétrante, son dard sort directement de son anus. Elle devient donc, de ce fait, autopénétrante. Cette forme d'hermaphrodisme du personnage peut-être lue, pour reprendre ce qu'a pu en dire Sam Bourcier, comme ce qui vient parasiter la représentation straigh du corps, de la féminité et du régime pornographique dominant. C'est d'ailleurs, sans doute, pour cette raison que la jeune femme se retrouve littéralement jetée dans une poubelle à la fin du film. Dans une autre version du scénario de Vidéodrome, Cronenberg imaginait

145 Eric Dufour, Le cinéma d'horreur et ses figures, op.cit., p. 141.

Max retrouvant Nicki et Bianca dans la chambre utérine de vidéodrome pour y faire l'amour. Si Max avait développé un vagin abdominal, ses deux amantes possédaient, à l'instar de Rose, dans

Rage, une sorte de pénis. Bien qu'une telle fin, comme l'ont soulignée Géraldine Pompon et Pierre

Véronneau, dans David Cronenberg : la beauté du chaos, aurait provoquer le rire et diminuer l'impact du film, elle se serait néanmoins inscrit dans le droit fil du discours de Cronenberg sur l'omnisexualité147.

L'abdomen pénétrable de Vidéodrome et l'anus-phallus de Rage

Le réalisateur de Crash n'est cependant pas le seul à interroger les ''genres'' sexuels à l'intérieur de ce sous-genre méprisé qu'est le « gore » Dans son ouvrage Making and remaking

horror in the 1970's and 2000's, why don't they do it like they used to ?, David Roche évoque

l’ambiguïté sexuelle de Lethearface, le serial killer de Massacre à la tronçonneuse :

Leatherface is himself the site of sexual ambivalence because of his various costumes, his makeup, and thin voïce he speaks in when Old Man beats him. […] Hitchhiker even suggest that Leatherface might be interested 147 Géraldine Pompon et Pierre Véronneau, David Cronenberg : la beauté du chaos, op.cit., p. 96.

in using Sally's face as a mask.148

Leatherface souhaite utiliser le visage de Sally pour s'en faire un masque. Il veut, à l'image de certains personnages cronenbergiens, se créer un nouveau corps et une nouvelle identité sexuelle en utilisant une peau qui n'est pas la sienne. Tobe Hooper se montre néanmoins moins radical que Cronenberg qui, bien avant l'émergence de la pornographie queer, interrogeait déjà les sexualités alternatives et leur représentation.

- Sexe queer

Selon François Ronan-Dubois, auteur d'Introduction aux porn studies, de nouvelles sous- catégories de films X ont fleuri pour donner une légitimité à une pornographie féministe, alternative, post-moderne, queer ou éthique, selon la terminologie employée. Rage, en présentant un personnage à l'apparence féminine doté d'un pénis caché à l'intérieur d'un anus, explore des comportements sexuels allant à l'encontre du modèle pornographique hétérocentriste traditionnel149.

En ce sens, le travail de Cronenberg préfigure celui de la réalisatrice de pornos lesbiens SM Maria Beatty qui, comme a pu le faire remarquer Laurent Jullier, dans Interdit aux moins de 18 ans, subvertit bon nombre de stéréotypes de dominations symboliques, d'hétéronormativité et même d'identité sexuelle :

148 David Roche, Making and remaking horror in the 1970's and 2000's, why don't they do it like they used to ?, Jackson, University Press of Mississippi, 2014, p. 92.

''Leatherface se retrouve, lui-même, sur le terrain de l'ambiguïté sexuelle à cause de ses différents costumes, de son maquillage et de la voix fluette avec laquelle il parle quand le vieil homme le bat. Hitchhiker suggère même qu'il souhaiterait utiliser le visage de Sally comme un masque.''

[…] (l'un des personnages de The Black Glove enfile perruque et tenue SM, mais on ne saurait dire avec quelle certitude à quel sexe il appartient).Ils retournent les connotations : quand la maîtresse utilise un attirail de chirurgie obstétrique , les clamps et les écarteurs sont censés procurer le plus vif plaisir.150

Si dans Faux-Semblants, les appareils gynécologiques sont de véritables objets de tortures, ils n'ont pas pour but de satisfaire les penchants masochistes des patientes des frères Mantle. Maria Beatty, plus radicale et underground que Cronenberg, montre des rapports sexuels où la question du

genre et du sexe perd son importante au profit d'une quête de jouissance immodérée. Les orifices

de Crash et d'Existenz participent, à l'image des œuvres de Maria Beatty, à cette remise en question des codes de la pornographie classique. Il est aussi possible d' évoquer l'abdomen du personnage de Max Renn, dans Vidéodrome, qui devient une cavité pénétrable puisque le personnage y introduit une cassette-vidéo. Mais la pénétration n'est pas seulement une ouverture sur un nouveau monde de plaisirs, elle peut aussi être destructrice et contaminante. Max en fera d'ailleurs l'expérience puisque son assistant Harlan lui enfoncera, de force, dans l'abdomen, une cassette-vidéo molle qui préfigure le pod malade d'Existenz tout en évoquant , aux amateurs d'art les plus aguerris, les sculptures de Claes Oldenburg.

La cassette de chair de Vidéodrome SoftViolade Claes Oldenburg (sculpture molle)

La cassette de Vidéodrome est un bloc de chair sanguinolent qui se meut comme un petit animal blessé. Mutilée et dégradée, comme les personnages de Crash, elle est ici moins source d'attraction que de répulsion. L'objet, devenu chair pénétrante, rappelle le parasite phallique de

Frissons. Il permet à Max de faire l'expérience de son nouveau corps tout en le condamnant

inexorablement à la mort. Cependant, c'est le snuff et son imagerie SM extrême qui a permis la transformation de Max. Fasciné par les terribles images de femmes torturées du programme vidéodrome, le personnage perdra progressivement contact avec la réalité. Initié au sadomasochisme par Nicki qui prend plaisir à se brûler avec une cigarette devant lui, Max, à l'image de l'enfant évoqué dans l'extrait ci-dessous du Festin Nu, ne pourra plus dissocier le réel du fantasme :

Tendre succion viscérale… L'enfant est aspiré dans un labyrinthe de machines à sous et de films pornographiques.151

Ce court passage du roman de William Burroughs entre parfaitement en relation avec la problématique de Vidéodrome puisque le héros du film cherche de nouveaux programmes pornographiques pour les diffuser sur le câble. Le lien entre mercantilisme et pornographie, évoqué à travers la machine à sous du roman de Burroughs, est ici évident. Mais le réalisateur de

La Mouche s'intéresse avant tout à l'impact de ce type d'images sur le public qui les regarde. Selon

Serge Grünberg, jamais une œuvre d'art n'avait montré avec une telle force et une telle finesse, ce qu'est devenue la sphère privée dans la civilisation postindustrielle 152. Cronenberg a même déclaré

un jour qu'il avait tenté d'imaginer ce qui se passe quand un homme rentre seul chez lui un soir et met une cassette pornographique dans son magnétoscope. Cette interrogation est métaphorisée par l'image de la cassette pénétrante de Vidéodrome. A l'ère d'internet, on imagine aisément les nouvelles possibilités qui s'ouvriraient à Cronenberg pour traiter d'un tel sujet. En devenant auto- pénétrant et donc, en quelque sorte, hermaphrodite, comme Rose dans Rage, Max Renn s'insurge aussi contre la médiocrité et la banalité de l'érotisme et de la pornographie de masse. On le voit d'ailleurs critiquer, à plusieurs reprises, les programmes que certaines producteurs essaient de lui vendre. La masturbation des geishas et les orgies romaines n'intéressent plus Max qui délaisse toutes ces images d’Épinal pour intégrer le monde pervers et sans limite de Vidéodrome. Son ouverture à des formes de sexualités plus extrêmes passe donc par l'ouverture de son propre corps. Néanmoins il serait réducteur de considérer le nouvel orifice de Vidéodrome comme une simple image métaphorique. Les ouvertures béantes de Vidéodrome, mais aussi d'Existenz, renvoient également aux questionnements de Paul B. Préciado sur la pénétrabilité des corps. Pour l'auteur de

Testo Junkie, tout corps peut potentiellement devenir port d'insertion prosthétique, dildonique et

cybernétique153. Chez Cronenberg, le corps est une entité malléable que l'on transforme pour mieux

152 Serge Grünberg, David Cronenberg, Entretiens avec David Cronenberg, op.cit., p. 62. 153 Paul B. Préciado, Testo Junkie, op.cit., p. 247.

en jouir. Le cinéaste rejoint ici les propres interrogations de James Graham Ballard qui, dans La

foire aux atrocités, rendait déjà palpable ce fantasme de métamorphose des chairs. L'érotisation y

était même intériorisée puisque le personnage de Travis se trouvait sexuellement excité par l'idée d'assimiler ses bronches perforées aux loggias hyperclimatisées de l'hôtel Hilton154. Ballard est le

créateur d'une pornographie technologique où le corps et la matière se confondent. Pour Denis Barron, auteur de Corps et artifices : De Cronenberg à Zpira, l'univers de Crash est un univers d'orifices marqué, saturé par la technologie routière, ou l'orgasme côtoie l'accident automobile 155.

Le cinéaste canadien perpétue cet imaginaire techno-pornographique, hérité de Ballard, dans l'ensemble de son œuvre. Cronenberg essayerait même, pour reprendre les analyses de Denis Barron, à extraire l'homme de l'organicité du corps pour une chair autre à la fois salvatrice et rédemptrice. Cette extraction permettrait la création d'un nouvel état , d'un espace inédit où le plaisir côtoierait la souffrance. La création des nouveaux orifices, évoquée précédemment, engendre la sacralisation d'une sexualité « autre »156. La monstruosité est donc fortement érotisée comme

l'atteste, dans Le Festin Nu, l'excitation des personnages de Bill Lee et de Joan Frost au contact de la chair frémissante de la machine à écrire organique. Les personnages du film de Cronenberg plongent leurs mains à l'intérieur de l'objet devenue créature. Ils le pénètrent de la même manière que le cordon du pod pénètre les personnages d'Existenz. Excités par leur contact avec cette « nouvelle chair », Bill et Joan commenceront à s'embrasser langoureusement avant d'être rejoint par la machine à écrire désormais transformée en une étrange créature pourvue d'un pénis

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