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2.1 Les savoirs traditionnels autochtones

2.1.4 Nouveaux modes de gestion des ressources naturelles

Les nouveaux modèles de gestion des ressources naturelles visent à organiser les interactions entre les dynamiques sociales et naturelles. De plus en plus, on prône une gestion adaptée du milieu pour l’utilisation durable des ressources naturelles. Maintenant et plus que jamais, dans un contexte d’incertitudes politiques, économiques et climatiques, les parties impliquées dans la gestion du territoire ont besoin d’un cadre souple et adapté. Dans cette recherche constante d’approches adaptées pour la gestion des ressources, l’implication des communautés locales devient un aspect incontournable (Landry, 2011).

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Il existe des sites dits d’art rupestre sur l’ensemble du territoire du Québec. La présence de ces sites historiques remonterait à quelques siècles voire d’un ou deux millénaires (Arsenault, 2008). Ces sites sacrés symbolisent des témoignages manifestes d’un paysage culturel et sacré pour les peuples autochtones, et ces sites historiques représentent aussi des indices matériels concrets attestant une appropriation culturelle des lieux (Arsenault, 2008). Dans son article De la matérialité à l’immatérialité : les sites rupestres et la réappropriation du territoire par les nations algonquiennes, Arsenault veut démontrer l’importance des sites historiques autochtones en tant qu’indices pour signifier le territoire traditionnel autochtone. L’article offre une réflexion critique sur le processus de réactivation de la mémoire historique par rapport à la reconnaissance du territoire traditionnel et l’auteur tente de démontrer que les démarches scientifiques archéologiques permettent de valider les mémoires individuelle et collective au sein des peuples des Premières Nations du Québec. C’est un bel exemple de complémentarité entre le STA et la science pour la protection de l’environnement. L’ancienneté de ces lieux souligne leur valeur devient un enjeu de taille dans la revendication des terres ancestrales (Arsenault, 2008).

Les différences entre les nations autochtones sont méconnues, mais elles devraient elles aussi être considérées. Deux exemples : « un Cri n’est pas un Innu même s’ils se comprennent linguistiquement ; la diplomatie iroquoienne existe et parfois, l’aîné est plus important qu’un Chef » (Lesage, 2012 p.7). La compréhension politique des droits autochtones devrait être maîtrisée par les acteurs ou les promoteurs lorsqu’il est question de développement et de projets en territoire autochtone. Par exemple, les autochtones du Canada possèdent des droits de chasse, de pêche et de piégeage ainsi que d’activités traditionnelles (Lesage, 2012). Ces aspects mettent en valeur l’intérêt de consulter et d’intégrer les autochtones lorsqu’il est question de développement sur leurs terres. Lesage souligne « que les erreurs du passé nous enseignent que les scientifiques doivent s’imposer un code de conduite à l’égard du STA pour l’obtention de l’acceptabilité sociale » (Lesage, 2012 p.9). Il mentionne aussi qu'« une recherche éthique nécessite la présentation complète et compréhensible d’un projet, l’obtention de l’approbation de la communauté locale, et le partage des bénéfices » (Lesage, 2012 p.9). La relation spirituelle qu’ont les autochtones avec leur environnement équivaut à le considérer comme faisant partie intégrante de l’écosystème pour le maintien de l’équilibre du milieu (Lesage, 2012).

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En somme, ce que Lesage propose, c’est l’adoption d’une approche de cogestion et de considération du STA. Cette approche a plusieurs avantages, selon lui :

- « Offrir un levier aux autochtones pour faciliter leur rôle dans la planification stratégique et le développement des ressources naturelles de leur territoire; - Avoir des ententes comme celles signées par les Cris et les Inuits du Québec; - Avoir une participation active des autochtones et des gens du milieu; - Avoir une gestion intégrée des ressources;

- Développer un système de gouvernance où règne la confiance;

- Administrer localement selon des modèles de gestion spécifiques aux besoins des communautés locales;

- Avoir une compréhension mutuelle, dans le respect, l’honnêteté, la confiance et le partage d’objectifs communs;

- Avoir une cohésion entre les différents groupes et une synergie entre les deux types de systèmes de connaissances;

- Offrir des emplois locaux à partir de ressources locales » (Lesage, 2012 p.9).

Dans l’article Développement durable et savoirs autochtones : une nouvelle perspective pour les sciences sociales, l’auteur Djakalidja mentionne que c’est à travers les sciences sociales qu’il sera possible de faire valoir la crédibilité et l’essence du STA aux scientifiques (Djakalidja, 2012). Partant du principe que l’Être humain est une partie intégrante de l’environnement, et qu’il dépend de son environnement pour survivre, « l’Être humain a acquis ses savoirs et ses connaissances dans une dynamique évolutive, des construits sociaux adoptés à son environnement » (Djakalidja, 2012 p.67). Il reste qu’en raison de la fragilité de l’environnement causée par la surexploitation des ressources par les sociétés humaines, remet en question cette relation entre l’Homme et la nature (Djakalidja, 2012). On recherche dans le STA les connaissances cumulatives et complexes du savoir, du savoir-faire et des pratiques perpétuées et développées pour retrouver un équilibre entre l’être humain et la nature qui l’entoure (Djakalidja, 2012). La particularité du STA est qu’il y a des bénéfices tant au niveau local que mondial, car en respectant les caractéristiques et contraintes du milieu, on parvient à maintenir un équilibre et un environnement sain. Adopter une approche à multiniveaux entre le gouvernement et les communautés autochtones pour une cogestion de l’environnement naturel est une approche novatrice du développement pour concilier le respect de la culture et des habitudes de vie de la société locale (Djakalidja, 2012). De plus, utiliser les connaissances scientifiques biologiques du milieu en complémentarité avec le STA et des études en sciences sociales, permettrait plusieurs avantages pour préserver et considérer les spécificités locales (Djakalidja, 2012). Certes, la reconnaissance du STA est présente au sein de la communauté internationale, mais en pratique, c’est une tout autre chose. La prise en compte du STA dans une approche de développement durable est préconisée par le gouvernement, mais est elle-

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même un défi de taille pour arriver à fournir aux intervenants des outils pour créer une symbiose dans l’intervention des différents acteurs présents dans le développement de projets sur des terres autochtones (Djakalidja, 2012).

Le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), à travers ses Principes et Lignes directrices pour la participation des populations autochtones, soutient que la considération et l’utilisation du savoir traditionnel ont plusieurs avantages, tels :

« a) l’importance des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles pour le bien-être à long terme des populations autochtones;

b) ces savoirs peuvent donner plus de poids aux projets et leur considération encourage le recours aux mécanismes d’accompagnement plus souples pour la prise en compte du savoir et des pratiques traditionnelles dans les projets;

c) la contribution importante des femmes, des anciens et des jeunes à la préservation, l’amélioration et la transmission des savoirs;

d) et le STA est un important accès aux ressources génétiques et un partage équitable des avantages qui en découlent » (FEM, 2012 p.21).

Ces constats reflètent que le STA est l’accumulation de connaissances et d’expertises acquises par observation et par expérience qui a été transmise de génération en génération. Le STA est une source de connaissances qualitatives pour des milieux naturels spécifiques et des informations uniques du fait que les peuples autochtones ont vécu et vivent encore en symbiose avec leur environnement. Ces savoirs uniques permettent une meilleure compréhension du milieu et sont complémentaires aux connaissances scientifiques. Ils peuvent contribuer à une protection accrue du milieu et conséquemment des gens qui y habitent. En adoptant de nouveaux modes de gestion et de nouvelles approches intégrées, on vise à mieux organiser les interactions entre les dynamiques sociales et naturelles et, par conséquent, à s’assurer des avantages qui en découlent pour préserver et considérer les spécificités locales.