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environnementales liés au tiers monde

A- La notion de groupe stratégique

Pour PORTER (1982), la première étape d’analyse à l'intérieur d’un secteur qui permette de caractériser les stratégies que les principaux concurrents suivent, consiste à dresser une carte des groupes stratégiques dans ce secteur. Un groupe stratégique se compose de l'ensemble des firmes dans le secteur qui suivent la même stratégie ou une stratégie voisine, selon toutes les dimensions stratégiques. Un secteur pourrait avoir un seul groupe stratégique si toutes les firmes suivaient la même stratégie de base. À l'autre extrême, chaque firme pourrait représenter un groupe stratégique différent. Mais en général, un secteur comprend un petit nombre de groupes stratégiques, représentatifs des différences essentielles de stratégie entre firmes.

Porter pense que la présence de groupes stratégiques tient à une multitude de raisons, comme les différences dans les forces et les faiblesses initiales des firmes, des époques différentes d'entrée dans le secteur, et des accidents historiques. Les firmes qui appartiennent au même groupe stratégique se ressemblent en général beaucoup non seulement par leur stratégie globale, mais à bien d'autres égards. Elles tendent à avoir des parts de marché semblables, à subir les mêmes effets et à réagir de la même façon en raison de la similitude de leur stratégie, lorsque les événements externes ou des manœuvres de la concurrence interviennent dans le secteur.

La notion de groupe stratégique est un instrument conçu pour faciliter l'analyse structurelle. C'est un cadre de référence intermédiaire entre l'ensemble du secteur et chacune des firmes considérées isolément. Porter pense qu’en dernière instance, chaque firme est unique et le classement des firmes en groupes stratégiques exige inévitablement des jugements sur le degré significatif des différences stratégiques.

B – L’évolution du degré de concentration dans le secteur de l’aluminium et les groupes stratégiques en présence.

a – La situation jusque dans les années 90.

A partir du TABLEAU II-1 (ANNEXE 27), on peut constater qu'en 1969, 6 sociétés étaient responsables de 77 % de la capacité de production occidentale de l'aluminium. Ce

degré de concentration (mesurée par la part cumulative des six principales firmes dans une industrie) s'élevait à 82,4 % en 1964 et atteignait même 87,2 % en 1953 (KALPOE, 1987, p.17). On retrouve sur la liste des six principales sociétés les entreprises suivantes communément appelées les six Majeures :

- Aluminium Company of America (Alcoa). Cette entreprise a été fondée en 1888 sous le nom de Pittsburgh Reduction Company par Charles Martin Hall, l'un des inventeurs du procédé électrolytique de réduction de l'alumine en aluminium. En 1990, elle contrôlait 15 % de la capacité occidentale de production de l'aluminium. Déjà à cette époque, elle était parfaitement intégrée en amont et en aval et possédait des unités de production dans plus d'une quinzaine de pays.

- Alcan Aluminium Limited ou Alcan. Cette société a vu le jour en 1899 en tant que filiale canadienne d’Alcoa. Elle est devenue une société totalement indépendante au début des années 50, à la suite d’une décision de la justice américaine. En 1990, elle contrôlait à peu près 13 % de la capacité de production d'aluminium primaire du monde occidental.

- Kaiser Aluminium & Chemical Corporation ou Kaiser. Cette société a été fondée en1946 lorsque l'industriel Henri Kaiser et trois de ses partenaires de la firme Permanente Metals Corporation décidèrent de louer trois alumineries construites par le gouvernement américain pour appuyer l'effort de guerre. Après avoir connu un fort taux de croissance durant les années 50 et 60, elle a été confrontée à d'importants problèmes financiers au cours des années 80. Sa part de marché occidental en 1993 était inférieure à 2,5 %, ce qui la plaçait derrière des sociétés telles qu’Alumax et Comalco.

- Reynolds Metals Corporation ou Reynolds. Cette société fut fondée en 1919 et produisait des feuilles minces de plomb et d’étain destinées à l'emballage des cigarettes. Cette production fut abandonnée en 1926, et la société se lança résolument dans la production de feuilles d'aluminium. Après la seconde guerre mondiale elle acheta diverses alumineries construites elles aussi par le gouvernement américain.

- Péchiney. L'intérêt de cette société française pour l'aluminium remonte à 1859, lorsqu'elle utilisa le procédé chimique développé par Sainte - Claire Deville pour produire de l'aluminium de façon commerciale. Ce procédé fut remplacé plus tard par celui moins coûteux proposé par Hall-Héroult. Péchiney fusionna en 1967 avec Tréfimétaux, puis en 1971 avec Ugine Kuhlmann, pour devenir le plus important producteur européen d'aluminium et de ses produits dérivés.

- Swiss Aluminium limited ou Alusuisse. Fondée en 1887, cette société fut une des premières firmes européennes à utiliser le procédé Héroult pour la production de l'aluminium. Sa taille relative a progressivement décliné, et sa part de marché tout en étant supérieure à celle de Kaiser est en 1990 dépassée par celle d'Alumax.

Les autres sociétés d’aluminium de la fin des années 60 sont VAW (Allemagne de l’Ouest), Showa Denko (Japon) et Anaconda (Etats-Unis). On réalise donc qu'à la fin des années 60, plus de 80 % de la capacité de production d'aluminium étaient contrôlés par à peine 9 sociétés. Les 6 Majeures étaient aussi très présentes dans la production de bauxite et d'alumine. En effet, elles contrôlaient en 1969 près de 73 % de la capacité d'extraction de la bauxite, tandis que ce taux dépassait les 84 % dans le cas de l'alumine. À cette époque, on notait aussi la présence des sociétés suivantes : Comalco (Australie) et Billiton (filiale de Royal Dutch Shell, Hollande) pour l'extraction minière, Sumitomo (Japon) et VAW (Allemagne de l’Ouest) pour la production d'alumine.

Cette situation d'un marché international de l'aluminium fort peu concurrentiel, dominé par six grandes firmes, contrôlant les trois quarts des opérations à chacune des étapes du processus de production de l'aluminium, s’est modifiée entre 1970 et 1990. En effet, la part de marché détenue par les six majeures au début des années 90 était inférieure à 50 % dans le cas de la bauxite et de l'aluminium tandis qu'elle atteignait les 65 % pour l'alumine. Ces chiffres se réfèrent à la situation de contrôle. Si l'on envisage la question du point de vue du degré de propriété, le tableau II-1 (annexe 27) suggère que les modifications sont encore plus profondes. Ainsi, en 1990, le degré de propriété des six majeures dépasse à peine 36 % pour l'extraction de la bauxite. C'est un net recul par rapport à la situation observée 10 ans plus tôt.

Concernant l'aluminium, en 1990 le taux de propriété des six Majeures oscille autour de 40 %, tandis que leur degré de propriété de la capacité de production d'alumine n’excède pas les 55

%.

Cette chute de contrôle et de propriété exercée par les six Majeures sur l'industrie de la bauxite – alumine - aluminium a plusieurs explications. D'abord on peut observer l’arrivée au cours des années 60 et 70, de nombreuses sociétés métallurgiques, pétrolières ou manufacturières désireuses de diversifier leur production et donc d'effectuer une intégration horizontale de leurs opérations. Ce qui a en partie dilué le pouvoir oligopolistique des six Majeures. Ce phénomène a été particulièrement observé sur le continent américain, où tour à tour des sociétés telles que Alumax (1962), Anaconda (1955), Hownet (1958), National Aluminum (1968), Noranda (1967) ou encore Revere (1970) sont venus augmenter la concurrence effective sur ce marché, c'est-à-dire réduire la capacité des Majeures à modifier d'une façon significative et durable le prix de l'aluminium par des variations de leur niveau de production. Le même phénomène est observé ailleurs dans le monde, mais à une échelle moindre.

Les six Majeures doivent admettre dans les années 80, qu’elles opèrent dans un contexte assez différent de celui des années 60. La plupart des « autres » sociétés privées ont aussi acheté des participations dans quelques mines de bauxite et dans certaines usines de raffinage d'alumine. Assez faible en 1980 (17 %), ces parts vont dépasser 40 % pour la bauxite en 1989, tandis qu'elles oscillaient autour de 25 % dans le cas de l'alumine. Par contre, ces prises de participation étaient la plupart du temps minoritaires, puisque leur contrôle effectif de ces opérations s'avère nettement inférieur à celui suggéré par leur degré de propriété. En effet le degré de contrôle des « autres » sociétés privées ne dépasse pas 14 % pour l'alumine et atteint à peine 27 % pour la bauxite.

La deuxième source de contestation du pouvoir oligopolistique des six Majeures réside dans le développement du secteur gouvernemental. En effet, ce dernier contrôlait vers la fin des années 60 entre 10 et 15 % de la capacité occidentale de production de l'aluminium. Les nationalisations, l'investissement gouvernemental dans les nouvelles opérations ou encore des prises de participations minoritaires dans des entreprises à risques partagés ont contribué à faire augmenter la part détenue par le secteur gouvernemental. Celle-ci a atteint 25 % en 1980 et est demeuré assez stable par la suite. Le même scénario a été observé du côté de la production d'alumine où la part de marché des sociétés gouvernementales se situait autour de 21 %. La situation apparaît un peu différente dans le cas de la bauxite. En effet, le secteur gouvernemental a renforcé ici sa position relative surtout au cours des années 70 sous

l'impulsion de l'Association Internationale de la Bauxite fondée le 8 mars 1974 à Conakry en Guinée dans le but d' « assurer à ses 11 membres des revenus réels plus justes et plus raisonnables ». Ainsi, en 1980, les sociétés étatiques détenaient 38 % de la capacité occidentale d'extraction de bauxite, même si à cette époque leur contrôle effectif dépassait à peine 25 %. On a assisté au cours des années 80 à un redressement du contrôle effectif des sociétés gouvernementales sur l'exploitation de la bauxite, leur taux de contrôle effectif atteignait en effet 33 % en 1990.

NAPPI (1994) observe qu'en 1993, l'industrie de l'aluminium se retrouve non plus avec un seul groupe de six producteurs poursuivant une stratégie plus ou moins homogène, mais plutôt avec des dizaines de producteurs formant au moins trois groupes stratégiques, chacun poursuivant des objectifs et adoptant des comportements différents.

En premier lieu, on reconnaît le groupe stratégique des six Majeures, dont le degré de contrôle du marché de l'aluminium s'est passablement effrité au cours des dernières années.

De plus, les membres de ce groupe, comme Kaiser et Alusuisse ont assisté à un tel déclin de leur part de marché qu'ils sont même dépassés par des sociétés comme Alumax, Hydro - aluminium et bientôt Comalco ou CVG (Venezuela) sur la liste des principales entreprises productrices d'aluminium. Malgré ces déboires, ce premier groupe stratégique compte alors encore entre 40 et 45 % de la capacité occidentale de production de la bauxite et de l'aluminium, ce pourcentage fluctuant autour de 65 % dans le cas de l'alumine. Pour NAPPI (1994) « Le géant a été blessé mais il survit ». De plus, ce groupe demeure relativement homogène car les firmes qui le composent partagent certaines caractéristiques communes.

Ainsi, leur production d'alumine dépasse leurs besoins pour le procédé d'électrolyse. Leur production d’aluminium s’avère supérieure à leur capacité de transformation de ce métal en produits semi-ouvrés ou ouvrés. Tous les membres de ce groupe demeurent fortement intégrés en amont et en aval. Ils se révèlent tous à des degrés divers des vendeurs de technologie au reste de l’industrie.

Le second groupe stratégique rassemble les producteurs de la deuxième vague, tels qu’Alumax et Noranda (Etats – Unis), VAW (Allemagne), Austria Metal (Autriche), Granges (Suède), Alumix (Italie), Inespal (Espagne) etc. Les entreprises formant ce groupe stratégique proviennent surtout du secteur privé, même si quelques-unes d’entre elles proviennent du secteur gouvernemental. Malgré cette différence, elles partagent des caractéristiques

communes telles l'intégration en aval de leurs opérations et, en général, leur production d'aluminium est inférieure à leurs besoins. Malgré les différences notées entre ces deux premiers groupes stratégiques, ils demeurent relativement homogènes comparés au troisième groupe, celui des producteurs indépendants d'aluminium.

Ce troisième groupe stratégique couvre des sociétés telles que CVG (Venezuela), Comalco (Australie), Egyptalum, Aluminium Bahrein, Hydro – Aluminium (Norvège),), CVRD (Brésil), Dubaï Aluminium. Ces producteurs indépendants d'aluminium s’avèrent en général peu ou pas intégrés en aval, et s’affirment comme des acheteurs nets d'alumine, bénéficiant presque tous d'un avantage marqué au niveau des coûts de production de l'aluminium et enfin la plupart d'entre eux font partie du secteur gouvernemental. L'ensemble de ces caractéristiques fait en sorte que les sociétés membres de ce troisième groupe stratégique partagent des intérêts communs qui diffèrent de ceux des autres groupes. Il n'est donc pas surprenant de constater l'adoption de stratégies différentes au niveau des politiques de prix, de production ou de recherche et développement. Selon PORTER (1982), plus on trouve de groupes stratégiques à l'intérieur d’une l'industrie, plus la distance stratégique entre eux risque d'être grande, plus leur coordination pose des problèmes et plus le degré de concurrence observable dans cette industrie sera important.

b – La situation aujourd’hui

La FIGURE II-2 (ANNEXE 29) montre que les 6 sociétés Majeures des années 60 ont

toutes pratiquement disparu à l’exception près de la société Alcoa. Ces puissantes sociétés ont soit perdu leur importance à cause de problèmes de gestion, soit été absorbées par d’autres dans les divers mouvements de concentration. De nouvelles entités de premier plan se sont créées telles que UC Rusal ou encore Rio Tinto – Alcan

On peut observer que la part de production des 3 plus grandes entreprises du secteur de l’aluminium est passée de 33% en 1980 à quasiment 40% aujourd’hui9. Ceci dénote plutôt une augmentation du degré de concentration dans le secteur. Si l’on se réfère à la part des 6 sociétés Majeures, celle ci est passée de 52% de la production totale d’aluminium en 1980 à 53% de cette production en 2006. Le degré de concentration est donc resté élevé ; mais on peut aussi observer que la part des plus grandes entreprises du secteur a nettement augmenté

9 Il faut noter qu’en 1980, UC Rusal n’existait pas sous sa forme actuelle du moins.

par le jeu des récentes fusions – absorptions. Toutefois, il existe aujourd’hui beaucoup plus de sociétés dans l’industrie de l’aluminium que dans les années 60. Beaucoup de ces dernières sont plutôt de taille modeste, en effet, comme le montre la FIGURE II-2 (ANNEXE 29), la part des « Autres » entreprises est en effet passée de 22% en 1980 à 40% aujourd’hui. Cette situation contribue à augmenter la concurrence dans le secteur de l’aluminium.

Nous proposons les cartes stratégiques suivantes à partir des critères d’intégration verticale et de nature de la propriété du capital. Il apparaît que les trois groupes stratégiques nées dans les années 70-80 (voir FIGURE II-1 ANNEXE 28 et FIGURE II-3 ANNEXE 30) se sont maintenus, même si la composition du groupe des sociétés majeures complètement intégrées a très largement changé. Comme nous le verrons plus loin, Pechiney et Alusuisse ont été rachetées par Alcan, et Reynolds par Alcoa ; quant à Kaiser, sa part de marché est devenue si peu significative que cette société a quasiment disparu dans les années 80.

Aujourd’hui comme déjà à la fin des années 80, il est impossible à un quelconque groupe de conduire valablement des actions de coordination de la production en vue d’influencer les prix de l’aluminium compte tenu de la distance stratégique entre les différents groupes. Les prix de l’aluminium rappelons le, sont déterminés depuis 1978 au LME.

C – L’impact concurrentiel du taux de croissance de la consommation

Dans le chapitre 1, nous avons signalé que le taux de croissance de la consommation d'aluminium primaire, après une période faste entre 1960 et 1973, où il atteignait les 9,7 % par an dans les pays de l'OCDE a brutalement chuté et est revenu à un niveau de 1,4 % par an entre 1974 et 1991. Pour certains pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, on a même enregistré un taux de croissance annuel négatif durant cette période. Aujourd'hui, grâce au dynamisme des pays émergents, et de la Chine en particulier, le taux de croissance de la consommation d'aluminium s'est sensiblement redressé, puisqu'il atteint pour les cinq dernières années un niveau de 7,7 % par an ; pour la Chine, le niveau de croissance de la consommation atteint même les 15 % par an.

Par hypothèse, un taux de croissance de la consommation faible dans un secteur est susceptible d'encourager la concurrence dans ce secteur.

Paragraphe 2 : L’impact de l’élasticité – prix de la demande d’aluminium sur le degré de concurrence

L’importance de la sensibilité de la demande d’aluminium aux variations de prix doit être présentée ; Cela permet de comprendre le rôle grandissant de l’aluminium secondaire et d’évaluer la menace que constituent les produits de substitution à l’aluminium pour les producteurs d’aluminium primaire.