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On-off : notion de bruit multiplicatif

Dynamos anélastiques Theorem:

4.1 On-off : notion de bruit multiplicatif

La plupart des phénomènes naturels ont nécessairement lieu dans un environ-nement en présence de bruit, que l’on qualifie de multiplicatif lorsque l’effet des fluctuations dépend de l’état du système. Dans l’instabilité dynamo, par exemple, l’effet des fluctuations turbulentes de l’écoulement est proportionnel à l’amplitude du champ magnétique. Une telle situation se retrouve aussi dans d’autres contextes, comme dans certaines réactions chimiques impliquant plusieurs espèces.

Proche du seuil d’instabilité, un système soumis à un bruit multiplicatif peut présenter un type particulier d’intermittence qui se manifeste sous la forme de bouffées. On distingue alors des périodes d’intense activité où l’amplitude du mode instable croît exponentiellement, et des phases de repos. Les séries temporelles présentent donc une alternance entre des phases d’amplitude très faible (phases

off ) et des phases de forte amplitude (phases on), d’où le nom d’intermittence on-off donné à ce phénomène par une équipe qui étudiait la dynamique de deux

systèmes chaotiques couplés (Platt et al. 1993).

4.1.1 Un modèle simple

L’exemple canonique (Aumaître et al. 2005) qui reproduit un tel comportement part de la forme normale d’une bifurcation fourche supercritique et est donné par

˙

X = [a + ζ(t)] X − X3, (4.1)

où a représente l’écart au seuil et oùζ est en général un bruit blanc gaussien, de

moyenne nulle et de corrélation 〈ζ(t)ζ(t0)〉 = 2Dδ(t − t0)1. Le taux de croissance instantané a + ζ(t) étant aléatoire, il peut prendre des valeurs négatives et faire décroître l’amplitude du mode instable avant qu’elle ne croisse à nouveau.

Lorsque le terme X est très petit, on peut négliger le terme non linéaire et écrire ˙ Y = a + ζ(t), avec Y = ln(X ), (4.2) soit ln(X (t )) = ln(X (0)) + at + Z t 0 ζ(t0) dt0. (4.3)

La variable ln(X ) suit donc une marche aléatoire durant les phases off , avec un biais a. En moyenne, 〈ln(X )〉 tend vers −∞ si a est négatif et croît si a est positif, jusqu’à ce que les non linéarités entrent en jeu et assurent la saturation. Le cas a = 0 correspond donc au seuil d’instabilité de la solution nulle en présence de bruit. Ces caractéristiques sont illustrés figure 4.1.

0 1000 2000 3000 4000 5000 10-26 10-24 10-22 10-20 10-18 10-16 10-14 10-12 10-10 10-8 10-6 10-4 1010-20 0 1000 2000 3000 4000 5000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6

Figure 4.1 – Série temporelle de X (t ) solution de l’équation (4.1). On identifie à gauche

que ln(X ) décrit une marche aléatoire avec un faible biais vers les valeurs positives et une saturation par les effets non linéaires pour des valeurs proches de l’unité. Les parties de la courbe situées au-dessous d’un seuil X0matérialisé par une ligne pointillée horizontale dans la figure en semilog apparaissent à droite comme quasiment nulles en représentation linéaire.

4.1.2 Propriétés caractéristiques

Densité de probabilité

Le calcul de la densité de probabilité (PDF) se fonde sur l’équation de Fokker-Planck associée à l’équation de Langevin (4.1), interprétée au sens de Stratonovitch. La difficulté provient du sens à donner à l’intégraleR c(x(t0))ζ(t0) dt0lorsque l’on considère l’équation de Langevin

˙

x = A(x) + c(x)ζ(t). (4.4)

Stratonovitch (1963) a établi l’équivalence avec l’équation de Fokker-Planck pour la PDF P (x, t ) ∂P(x,t) ∂t = − ∂x · A(x) +1 2c(x)c 0(x) ¸ P (x, t ) +1 2 2 ∂x2£c2(x)P (x, t )¤ . (4.5) L’interprétation de Stratonovitch revient à remplacer le cœfficient c(x) par sa moyenne sur un domaine d’intégration infinitésimal

x(t + d t) − x(t) = Z t +d t t A(x(t0)) dt0+ c µ x(t ) + x(t + d t) 2 ¶ Z t +d t t ζ(t0) dt0. (4.6) Elle est souvent utilisée en physique car elle permet de continuer à manipuler les équations avec les règles de calcul usuelles2.

Dans notre cas, on peut calculer la solution stationnaire de l’équation de Fokker-Planck qui, pour a positif, s’avère être de la forme (Schenzle & Brand 1979)

P (X ) ∝ X(2a/D)−1e−X2/D. (4.7)

Si 2a > D , les valeurs les plus probables sont Xp= ±pa − D/2. Loin du seuil, le

caractère intermittent disparaît et X fluctue autour de sa valeur déterministep

a .

En revanche, pour 2a ≤ D, la PDF diverge quand X → 0, ce qui témoigne de la prépondérance de longues phases off où la variable X prend des valeurs proches de zéro. Au seuil, 2a/D ¿ 1, on retiendra le comportement caractéristique de la PDF en loi puissance. La coupure exponentielle pour les grandes valeurs de X vient des non linéarités.

Distribution des phases off

Sur la figure 4.1, on constate qu’on peut définir une phase off comme une période durant laquelle X < X0, où X0est une valeur seuil arbitraire raisonnable-ment choisie. À partir de l’analogie avec la marche aléatoire (justeraisonnable-ment établie pour les phases off ), on en déduit que la durée Toffd’une phase off peut être vue comme un temps de retour d’un mouvement brownien biaisé. Ding & Yang (1995) creusent l’analogie entre marche aléatoire et intermittence on-off. On montre ainsi que la distribution des durées des phases off suit une loi puissance P (Toff) ∼ Toff−3/2 (Heagy et al. 1994). Cette caractéristique présente en outre une certaine universalité puisqu’elle reste valable pour d’autres types de bruit.

Linéarité des moments

Dans la limite où l’écart au seuil tend vers zéro, les statistiques des moments présentent une dépendance particulière en fonction de l’écart au seuil, 〈Xn〉 ∝ a. Ce résultat se déduit de l’expression de la PDF P (X ) ∼ X(2a/D)−1 en introduisant

une coupure Xmpour les grandes valeurs de X . Physiquement, on peut considérer

que les phases off ne contribuent pas aux moments et que seules les phases on vont être significatives. Soit Cnla valeur de moyenne de Xndurant une phase on, une estimation de 〈Xn〉 est alors donnée par

〈Xn〉 = 〈Ton〉Cn

〈Ton〉 + 〈Toff. (4.8)

Lorsque l’écart au seuil tend vers zéro, la durée des phases off diverge en 1/a, ce qui redonne la linéarité des moments. Proche du seuil, le système entre donc dans les phases on avec une fréquence proportionnelle à a, mais la durée et les valeurs atteintes pendant les bursts sont indépendantes de l’écart au seuil.

4.1.3 Influence du spectre du bruit

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, des simulations réalisées avec différents types de bruit (par exemple, bruit coloré, ou bien variable chaotique solution d’un système d’équations déterministe) ont montré que l’intermittence

on-off n’est pas contrôlée par l’amplitude du bruit, mais par sa composante à

fréquence nulle (Aumaître et al. 2006, Pétrélis 2011). L’équation (4.2) montre que l’intermittence on-off résulte de la compétition entre l’écart au seuil et le terme de bruit. Pour 0 < a ¿ 1, les phases de décroissance sont permises si l’inégalité

aT +

Z T

0 ζ(t)dt ≤ 0 (4.9)

est vérifiée sur d’assez longues périodes T . L’intégraleRT

0 ζ(t)dt/T est alors

domi-née par la composante du bruit à fréquence nulle. Ce résultat est en lien avec le théorème de Wiener-Khintchine qui établit un lien entre l’intégrale de la fonction d’autocorrélation du bruit et sa densité spectrale. Lorsque la valeur du bruit à fréquence nulle est trop petite devant l’écart au seuil, l’inégalité (4.9) est de moins en moins probable et l’intermittence on-off disparaît.

4.1.4 Bilan

Les propriétés caractéristiques de l’intermittence on-off sont donc surtout contrôlées par les phases où la variable est de petite amplitude, lesquelles pré-sentent une analogie intéressante avec une marche aléatoire légèrement biaisée. L’intermittence on-off permet ainsi d’étudier les taux de croissance et de décrois-sance près du seuil d’une instabilité en présence de bruit. Malgré sa simplicité, le modèle que nous avons présenté est susceptible de fournir des informations sur l’écart au seuil. En effet, la distribution en loi puissance de la PDF ou encore le scaling linéaire des moments (grandeurs qu’il est possible de déterminer à partir de signaux temporels) permettent, en théorie, de tirer une estimation directe de la distance par rapport au seuil. Il s’agit bien souvent d’une information cruciale, comme, par exemple, dans les expériences de dynamos (Sweet et al. 2001).