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Strouthos

Strouthos, en grec « Moineau », apparaît sur des étiquettes de momies gréco-démotiques de Haute-Égypte. Il y désigne un indigène qui vécut dans le courant du iie ou du iiie siècle après J.-C.

Voici la traduction française des différents témoins de son emploi : SB I, 4196 = CEMG 349

Haryôthès, fils d’Haryothès et de Tromtriphis, dit (legomenos) Moineau, barbier SB I, 5441 = CEMG 1730

Senhatrès, fille d’Haryôthès Moineau1 et de Thaèsis, originaire de Bompaé2 SB I, 5468 = CEMG 466

Hatrès, fils d’Haryôthès et de Senhatrès fille du3 Moineau, petit-fils de Kollouthès / -os SB I, 5999 = CEMG 1904

Thaèsis, fille de Psentoreus et de Sensisoïs, originaire du hameau d’Hèron, femme de Moineau, barbier, originaire de Bompaé. Elle a vécu 58 ans.

Derda 187-188 a été frappé par la substitution du surnom au nom sur les deux derniers documents.

Je constate que l’appellation la plus développée ne figure que sur une seule éti-quette, précisément celle qui a accompagné le corps du barbier Haryôthès. L’addi-tion des deux dénominaL’addi-tions et de sa définiL’addi-tion professionnelle montre à quel point le souci de précision a prévalu ici, indice supplémentaire de la fonction prioritai-rement identificatrice et postale des étiquettes. Sur les autres tablettes, le rappel du surnom suffisait peut-être. Je vois à cette substitution une première raison : dans une petite communauté villageoise, un surnom était un plus sûr moyen d’identifi-cation que le nom usuel, surtout quand le premier était grec dans un environne-ment onomastique entièreenvironne-ment indigène et le second archirépandu dans le terroir (Haryôthès et ses composés, doubles (Psenharyôthès, Senharyôthès) ou même triples (Psensenharyôthès, etc.), étaient omniprésents dans le nome Panopolite (ex. CRI-PEL5, 1979, index 296, 314, 328, 330)). Une deuxième raison m’est suggérée par Mme U. Horak, Tychè4, 1989, 106-107, selon qui la ligne de séparation entre surnom

1. Il faut corriger le texte de CEMG1730 en tenant compte des remarques de T. Derda, ZPE65, 1986, 187. 2. La famille d’Haryôtès Moineau semble avoir été tout entière localisée à Bompaé, petit village dont les morts achevaient leur destin dans la zone funéraire de Panopolis / Akhmîm, témoins les étiquettes 1669-1891 du CEMG.

3. Le texte grec porte l’article défini.

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Kentron, no 18, 1-2 – 2002

et nom semble avoir été assez floue dans la vallée du Nil. Elle le montre par des exemples empruntés (coïncidence à souligner) au monde animal : quand des déno-minations telles que Léon, Lykôn, Kalabôtès (« Lion, Loup, Lézard ») suivent un premier nom et lui sont ajoutées à l’aide d’un participe comme epikaloumenos, epilegomenos, on y voit des sobriquets, mais, quand une dénomination du même type, telle Alôpex sur SB 12, 10993-10996, apparaît seule, doit-on y voir encore un sobriquet ou déjà un nom propre4?

C’est la question qui se pose ici, me semble-t-il.

Le nom du moineau a produit beaucoup d’anthroponymes dérivés dans le monde hellénophone. Les dictionnaires généraux de la langue (ex. Bailly 1802) et les lexiques d’onomastique (ex. Pape-Benseler 1449) révèlent la variété de ces déri-vations5. Les dictionnaires spécialisés dans l’onomastique de l’Égypte gréco-romaine, Namenbuch397 de Preisigke, Onomasticon300 de Foraboschi, montrent un succès équivalent dans la vallée du Nil, de l’époque hellénistique aux périodes les plus tardives. Or, en Égypte comme ailleurs, certains témoins montrent l’une et l’autre de ces variantes employées comme de véritables noms propres. Les quatre étiquettes évoquées au début de cet article paraissent donc témoigner de cette facilité.

Sur une expression rare de l’âge

Des mentions d’âges exceptionnellement précises en années + mois et, mieux encore, parfois en années + mois + jours font l’une des originalités de l’épigraphie funéraire grecque d’Égypte. Je les ai déjà évoquées (en 4 lignes !) dans ZPE21, 1976, 225, mais, depuis un quart de siècle, la documentation d’un des sites analysés alors, Kom Abou Billou, a quasiment doublé de volume (Kentron15/1, 1999, 78). Je ne crois donc pas inutile de rouvrir le dossier.

En 1976, les cinq sites les plus productifs d’Égypte en épitaphes étaient, par ordre décroissant, Kom Abou Billou, Tehneh, Akhmîm, Alexandrie et Tell el-Yahoudijeh.

En 1999, les mêmes sont toujours les plus productifs, mais l’accroissement des témoignages de Kom Abou Billou et la quasi-stagnation des effectifs des autres sites ont créé une situation sans équivalent ailleurs : un petit village du Delta, Kom Abou Billou, fournit autant d’indications utilisables que quatre autres aggloméra-tions réunies parmi lesquelles la capitale !

Or, malgré ces modifications arithmétiques, les indications de tendances de 1976 paraissent confirmées en 1999.

En 1976, Alexandrie produisait le plus de témoignages de ces précisions extrêmes (10 exemples sur 63 âges utilisables, soit près de 16 %, dans ZPE21, 238). Les autres

4. «Der Schritt ist hier wohl nicht mehr weit, dass aus dem Spitznamen ein selbständiger Name wird».

Cette remarque générale d’U. Horak vaut pour beaucoup d’autres «ursprüngliche Spitznamen».

5. Strouthas / -thès / -thios / -this / -thion / -thon / -theus.

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NOTESÉGYPTIENNES

sites contrastaient alors par leur pauvreté en parallèles (1 à Akhmîm, 1 à Kom Abou Billou) ou par l’absence de ceux-ci (à Tehneh et Tell el-Yahoudijeh), comme il res-sort des tableaux de ZPE21, 219, 221, 239-240.

En 1999, rien n’a changé à Tehneh et à Tell el-Yahoudijeh (E. Bernand, IGL d’Akôris, 1988, et W. Horbury-D. Noy, Jewish inscriptions of Graeco-Roman Egypt, 1992). À Kom Abou Billou, le quasi-doublement de la documentation apporte 5 témoignages nouveaux (AO48, 1980, 351 no18; E. Bernand, IGENML, 1992, 110 no59; ZPE114, 1996, 131, 132, 134 nos 76, 79 et 89), mais une demi-douzaine d’exemples sur plusieurs centaines d’âges restent un pourcentage dérisoire.

Le tour ans + mois + jours et ses variantes sont donc, encore aujourd’hui, plus attestés en zone alexandrine qu’ailleurs en Égypte.

Çà et là, on découvre aussi des témoignages issus d’autres nécropoles. Ils sont isolés, comme celui d’Abydos qui figure dans les IGENML 143-144 no 92, ou se pré-sentent en petits groupes (exemples SB 8366-8370, de Gournah, déjà évoqués dans Kentron 15/1, 1999, 83), qui ne sont pas assez importants pour être statistiquement significatifs. En dehors du dossier alexandrin, je ne connais que celui des étiquettes de momies qui fournisse un nombre appréciable de ces formulaires : en 1976 (ZPE 18, 1975, 66), j’en avais dénombré 13 attestations, mais le tableau précité des p. 63-66 (table 1) groupe 532 étiquettes ; c’est dire si le pourcentage de ces témoignages est faible. Panopolis, d’où provient la grande majorité de ces tablettes, n’a donc certainement pas concurrencé Alexandrie dans cet usage6.

Presbyteros-Néôteros sur deux épitaphes grecques

Les adjectifs presbyteros et néôteros accompagnent beaucoup de noms propres, notamment dans les textes grecs d’Égypte. En français, on les traduit par « (l’) aîné » et « (le) cadet ». Ils servaient à distinguer des homonymes d’ascendance identique, classés dans l’ordre chronologique de leur naissance. Si des enfants de naissance ultérieure étaient pourvus du même nom, on perpétuait le souci de distinction en leur adjoignant des adjectifs numéraux (F. Preisigke, Wörterbuch s. v. tritos, tétartos).

Un exemple de cette continuité dans la pratique onomastique nous est fourni par des étiquettes de momies qui ont enregistré les décès de trois filles homonymes, ainsi répertoriées :

SB 1489 = CEMG 156

Senharyôtis l’aînée fille de Péténentèris et de Tapsaïs

6. Comme sur les épitaphes (Kentron 15/1, 82-83), les formulaires ans + mois + jours des étiquettes s’échelonnent sur tous les âges de la vie. Voici les quantièmes auxquels on les trouve : 1, 2, 4, 6, 8, 11, 18, 30, 52, 61. Les témoins des dernières décennies sont moins nombreux que ceux des trois premières, parce qu’à partir de 40 ans, les effectifs par tranches d’âges diminuent rapidement, mais leur pré-sence suffit à prouver que les précisions de ce type n’étaient pas réservées aux seuls âges juvéniles.

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CEML 880 (CRIPEL 4, 1976, 223) = CEMG 1281

Senharyôtis la cadette, également appelée Tkolkôlis, fille de Péténentèris et de Tapsaï(s) CEML 528 (CRIPEL 3, 1975, 221) = CEMG 955

Senharyôtis la troisième (tritè) fille de Péténentèris et de Tapsaïs.

Le silence des tablettes sur les dates et causes de leurs décès nous interdit toute investigation supplémentaire.

Quand deux homonymes respectivement presbyteros et néôteros sont rassem-blés sur la même épitaphe, cas qui n’est pas rare, on peut juste ajouter à ce qui pré-cède qu’ils sont décédés à peu d’intervalle, quelle qu’ait été la cause de leur mort, ou que la famille a ajouté le cadet plus tard pour unir les deux défunts dans le même hommage. Comme dans le cas des étiquettes, on ne peut pas pousser l’enquête plus loin.

Il arrive cependant que des éditeurs poussent la curiosité au-delà du possible.

Voici deux exemples d’investigations risquées.

Dans les Graeco-Roman funerary stelae from Upper Egypt, 1992, d’Aly Abdalla, je note une tendance à glisser de l’homonymie à l’hypothèse de gémellité.

L’épitaphe enregistrée sous le no Cat. 26 (pl. 12a) concerne « Apoïs l’aîné (fils de) Pkorkis (et) Apoîs le cadet (fils de) Pkorkis ». La scène figurée qui surmonte l’inscription grecque a inspiré ce commentaire : «Since the two deceased are repre-sented of the same size, it is possible that we have here reprerepre-sented twins, given the same name […]. » La même remarque apparaît sur la stèle no Cat. 51 (pl. 21a), bien que les deux enfants homonymes de Pékysis soient de taille différente sur le pan-neau figuré au-dessus de l’inscription (« (stèle) de Pékysis (fils d’) Haryôtès et de Pachoumis (son) frère et de Tbèkis l’aînée et de Tbèkis la cadette »7) : «If they are siblings with identical names, it is possible that they are twins, the scale of the repre-sentation suggesting that one died before the other. »

Les trois tablettes citées au début de la note montrent combien il serait impru-dent de fonder une hypothèse de gémellité sur l’homonymie ou la taille des reliefs représentant les défunts. De plus, il resterait toujours à comprendre pourquoi, sur ces deux stèles, les jumeaux supposés auraient été distingués à l’aide de qualifica-tifs qui impliquent antériorité (presbyteros) et postériorité (néotéros). Des enfants homonymes mais successifs, telle est l’interprétation la plus probable. Le reste est surinterrogation de textes.

7. Des deux Tbèkis, Aly Abdalla écrit : «They are presumably the sons of the principal figure, […], Pekysis the first named in the text. » Le nom de leur père paraît assuré, mais les enfants sont des filles. Tbèkis est un nom féminin, le parallèle masculin serait Pbèkis.

L’utilisation des épithètes funéraires à Kom Abou Billou et Tell el-Yahoudijeh Si risquée que soit l’entreprise, vu la pauvreté de la documentation, on arrive à dresser un tableau général des épithètes funéraires utilisées dans l’Égypte gréco-romaine (ZPE 23, 1976, 225-230). Sur les cinq sites les plus productifs de la région en informations de cette nature, seul Kom Abou Billou a connu, en un quart de siècle, des accroissements assez importants pour justifier qu’on lui consacrât un nouveau tableau (CdE 67, 1992, 329-331). Mais, pour cerner plus précisément (si c’est possible) les habitudes locales en ce domaine, il ne suffit pas d’établir globale-ment que telle épithète était typique de tel site. Il faudrait pouvoir affiner les ana-lyses au point de déterminer à quels âges et à quel sexe était affectée de préférence chacune de ces épithètes. Malheureusement, une telle investigation n’est possible que là où on dispose de beaucoup d’âges ou de nombreuses épithètes et, dans l’Égypte gréco-romaine, deux nécropoles seulement satisfont cette exigence, celle de Kom Abou Billou pour les âges, celle de Tell el-Yahoudijeh pour les épithètes8. On sait ainsi d’avance que les conclusions à tirer n’auront qu’une valeur limitée.

Les morts commémorés à Kom Abou Billou étaient, presque tous certainement, des indigènes égyptiens et ceux de Tell el-Yahoudijeh des juifs, en quasi-totalité aussi. Seule la langue de leurs épitaphes est grecque, leurs usages ne l’étaient pas, et pourtant, on constate que, comme les Grecs de pure souche, leurs survivants ont privilégié l’emploi d’épithètes laudatives, exaltant les qualités morales de ceux qui n’étaient plus. Devenus hellénophones, ces Égyptiens et Juifs de la campagne nilo-tique ont aligné leur phraséologie funéraire sur la tradition grecque qu’a si bien définie M.N. Tod, ABSA 46, 1951, 182-190. Autre constat qui s’impose à la première lecture de ces documents : Juifs et Égyptiens ont usé du même matériel lexical pour exalter les vertus de leurs morts et ce sont les mêmes qualificatifs qu’on retrouve dans les deux séries de stèles. Dans les deux bourgades vivaient des populations surtout vouées aux travaux agricoles, dont les modes de production et d’organisa-tion ont suscité un système commun de valeurs morales, qui privilégiait les vertus de sociabilité et de solidarité intrafamiliale et intravillageoise. Le plus frappant, ici, est certainement l’absence de particularités juives dans la phraséologie de Tell el-Yahoudijeh où, seules, l’onomastique des défunts et la connaissance du lieu de trou-vaille des stèles permettent d’affirmer le judaïsme des auteurs des textes (Kentron 13/1-2, 1997, 75-76). Troisième et dernier constat qui vaut pour les deux nécropoles : dans la définition des morts, les épithètes utilisées supplantent massivement les

8. Les stèles de Tell el Yahoudijeh sont maintenant groupées dans les Jewish inscriptions of Graeco-Roman Egypt de W. Horbury et D. Noy, 1992, où elles occupent les nos 29-104. Je n’analyse ici que les stèles en prose (41-104), pour que le parallélisme soit parfait avec celles de Kom Abou Billou. Les stèles métri-ques (29-40) utilisent une phraséologie inspirée de la tradition poétique grecque, surtout homérique, et soumise aux exigences de la prosodie. Elle est donc très différente.

coordonnées signalétiques. Les survivants cherchaient à louer, non pas à informer.

Sur 60 stèles utilisables à Tell el-Yahoudijeh (36 hommes, 24 femmes), on dénombre seulement 12 patronymes et 2 mentions de conjoints (20 % du total) ; sur 163 stèles de Kom Abou Billou9, 35 patronymes et 1 conjoint (21,5 %). Ce constat contredit donc les remarques de J. Bingen, CdE 63, 1988, 172, reproduites par E. Bernand IGENML, 1992, 125, selon qui les 5 filiations patri- et matrilinéaires de l’épigraphie funéraire d’Akôris prouveraient un désir d’identification précise et l’influence des documents d’état civil :

En Égypte, le nom de la mère est un élément très répandu dans les données d’état civil, tant sur le plan privé que dans les documents publics, et dans les milieux de culture grecque prédominante que dans ceux de tradition autochtone. La fréquence des remariages et l’existence d’unions de statuts divers plus ou moins certains ont pu favoriser cette pratique […], mais il est d’autres paramètres qui ont joué, tels, par exemple, le souci de fixer l’identité avec un maximum de précision ou la néces-sité de fonder des droits concrets sur des liens ou sur un statut en fonction de la mère, etc. Et la pratique d’état civil a fini par déteindre sur le formulaire des stèles funéraires, particulièrement à Akôris.

Si les stèles, réunies ici, de Tell el-Yahoudijeh et Kom Abou Billou n’ont donné aucun matronyme et ont révélé un aussi rare usage du patronyme, c’est que les soucis de droit, d’état civil et de statut féminin ne jouaient aucun rôle dans la rédaction des épitaphes, dans ces deux bourgades au moins. En revanche, malgré l’exiguïté des effectifs, on peut noter une particularité dans la répartition des patronymes par sexes et âges. À Tell el-Yahoudijeh, 11 d’entre eux concernent des hommes, 1 une femme ; à Kom Abou Billou, on en compte 17 pour 88 hommes, 18 pour 75 femmes. Cette répartition sexuelle confirme ce qui avait été déjà constaté dans la représentation des sexes (ZPE 21, 1976, 223) : l’épigraphie juive d’Égypte est plus riche en informations sur les hommes, celle de Kom Abou Billou accorde aux deux sexes un intérêt plus équilibré. La répartition des patronymes par âges mon-tre qu’ils ont surtout servi à la définition des adultes : à Tell el-Yahoudijeh, 7 fois sur 9 à partir de 25 ans, à Kom Abou Billou, 10 fois sur 11 chez les hommes, 11 fois sur 15 chez les femmes, à partir de 19 et 25 ans.

Voyons maintenant si on peut lier l’emploi des qualificatifs moraux aux sexes et aux âges.

Une épithète souligne avec force l’importance des liens intrafamiliaux, c’est philoteknos qui indique que le défunt « aimait ses enfants ». À Kom Abou Billou 30 hommes et 24 femmes sont qualifiés ainsi. Mais cette qualité a été attribuée à des

9. À la bibliographie de 1976 (ZPE 21, 218), j’ai ajouté les publications originales contenues dans BIFAO 78, 1978, 235-258, AO 48, 1980, 330-355, SFKAB 1985, ZPE 101, 1994, 113-119, et 114, 1996, 115-140.

défunts adultes et séniles prioritairement. Parmi les hommes, 29 sur 30 ont 30 ans et plus, un seul, un isolé, était philoteknos à 16 ans ! Le même phénomène apparaît parmi les femmes : 23 sur 24 ont 18 ans et plus, une seule était philoteknos dès l’âge, déclaré au décès, de 12 ans. L’intéressant, dans ces chiffres qu’on doit accueillir avec réserve, c’est qu’ils épousent assez exactement le profil des âges supposés au mariage dans l’Égypte gréco-romaine (Kentron 12/2, 62-63). Les filles y étaient mariées plus jeunes que les garçons, la première jeune femme philoteknos apparaît à 12 ans, le premier homme ainsi qualifié à 16 seulement, le groupe des femmes commence à 18 ans, celui des hommes à 30 ans. Malgré la pauvreté des effectifs utilisables, les indications de tendances correspondent à ce que suppose l’opinion commune des spécialistes d’aujourd’hui. Frappante aussi, la répartition de l’épi-thète à travers les âges adultes et séniles révèle que 23 % des hommes étaient philo-teknoi avant 40 ans, mais plus de 58 % des femmes avant la même limite. La force du lien affectif avec les plus jeunes semble donc avoir été louée chez les femmes jeunes de préférence, chez les hommes adultes et surtout âgés. Ainsi 12 hommes sur les 30 philoteknoi ont 60 ans et plus (40 %). Philoteknos est souvent combiné à d’autres composés qui insistent aussi sur la qualité des relations communautaires, dans le cadre étroit de la famille ou, plus large, de la bourgade : philadelphos, phi-leunos (1 fois) philophilos (3 fois) pour les hommes, et, pour les femmes, également philadelphos et philophilos (4 fois), mais aussi philandros, philanthrôpos et philodes (potos) (5 fois).

On a toutes les raisons d’imaginer la même sollicitude des habitants de Tell el-Yahoudijeh pour leurs enfants, mais on ne trouve qu’un seul philoteknos dans Horbury-Noy, le no 47 déclaré mort à 102 ans !

Si philoteknos est une épithète très répandue à Kom Abou Billou, pasiphilos est considéré depuis longtemps comme caractéristique de Tell el-Yahoudijeh, où sa fréquence avait frappé les premiers éditeurs d’épitaphes originaires de sa nécropole.

Par son sens, qui évoque la qualité des relations intra- et intercommunautaires, pasiphilos était voué à qualifier des adultes. Sur 26 témoins utilisables, 22 se rap-portent à des défunts de 18 ans et plus. Ce sont surtout des hommes (deux fois plus nombreux que les femmes) mais on ne peut rien conclure de cette différence, parce qu’on a plus volontiers commémoré le sexe masculin à Tell el-Yahoudijeh (ZPE 21, 223). La superlativité incluse dans l’épithète (pasi-) est fréquemment ren-forcée par sa juxtaposition à alypos, entendu au sens actif (« qui n’a causé aucune peine ») : 7 exemples dans Horbury Noy (57, 59, 70, 74, 78, 84, 89)10.

10. La même association apparaît sur une autre épitaphe, certainement de Tell el-Yahoudijeh, le no 632 de la collection Moen (CdE 65, 1990, 122-123 et Kentron 8/3, 1992, 125-130). À Kom Abou Billou, la juxtaposition de pasiphilos à alypos n’apparaît qu’une fois (SB 619), mais le procédé qui consiste à

Chrestos, qui implique serviabilité et capacité à se rendre utile aux autres (on trouve même chrestos chrèsimos sur une épitaphe de Kom Abou Billou11), est égale-ment, par son sens, une épitaphe d’adulte. Sauf six surprenantes applications à de jeunes enfants (1 à 5 ans), trois à Kom Abou Billou autant à Tell el-Yahoudijeh, ses autres emplois (41 sur 53 utilisables, soit plus de 77 %) vont aux âges ultérieurs, de 13 ans à la vieillesse. L’exiguïté des effectifs ne permet pas d’en dire plus.

Les épithètes sont le plus souvent groupées en chaînes. Mais la longueur de ces chaînes, caractéristique de Tell el-Yahoudijeh12 et qui, parfois, permet de lui attri-buer une épitaphe aussi sûrement que l’aspect de la pierre ou son onomastique, n’a pas d’équivalent à Kom Abou Billou. Dans la première nécropole, 12 épitaphes seulement sur 53 portent un qualificatif, 33 (plus de 62 %) en juxtaposent 2 ou 3.

Une minorité (8) en groupe 4, voire 5! À Kom Abou Billou au contraire, plus de 77 % d’épitaphes ont une seule épithète (117 sur 151). Les stèles à qualificatifs nom-breux sont peu abondantes et, au-delà de 3 adjectifs, rarissimes. Curieusement, c’est ce milieu égyptien qui a perpétué la vieille tendance grecque à la sobriété.

Pauvreté des sources, précarité des indices, originalité des comportements locaux, ces trois constats sur l’usage des épithètes funéraires répètent ceux que nous

Pauvreté des sources, précarité des indices, originalité des comportements locaux, ces trois constats sur l’usage des épithètes funéraires répètent ceux que nous