• Aucun résultat trouvé

Niveaux hiérarchiques de l’interaction herbe-animal et organisation spatiale de l’hétérogénéité

Discussion générale

2. Niveaux hiérarchiques de l’interaction herbe-animal et organisation spatiale de l’hétérogénéité

Les résultats de l’essai I mettent en évidence des adaptations du comportement alimentaire aux différentes échelles spatiales utilisées pour exploiter le couvert végétal. Nous mettrons ces adaptations aux différentes échelles (Laca et Ortega, 1995 ; Bailey et al., 1996) en relation avec la stratégie globale de maximisation de la qualité du régime alimentaire, puis nous déterminerons s’il existe des échelles spécifiques de modulation qui influencent l’organisation spatiale de l’hétérogénéité du couvert.

2.1. Complémentarité des adaptations du comportement à différents niveaux

d’échelle pour maximiser la qualité du régime

Les adaptations du comportement des animaux aux différentes échelles spatiales considérées sont résumées dans le Tableau 2. A l’échelle de la bouchée, l’allongement du temps par bouchée sur la parcelle LSR tout au long de la saison de pâturage traduit principalement une augmentation de l’effort de tri, car le poids des bouchées n’augmente pas significativement. La diminution de la digestibilité du matériel prélevé peut aussi entraîner, dans une certaine mesure, un allongement du temps par bouchée du fait d’une plus longue mastication. A l’échelle de la station alimentaire les brebis ont réalisé des stations de plus en plus marquées au cours de la saison de pâturage au fur et à mesure de l’accumulation de biomasse sur LSR (augmentation du temps par station et du nombre de bouchées par station).

L’analyse des trajets des animaux renseigne sur l’échelle des patches alimentaires. Les analyses spatiales mises en œuvre, (cohérence à un modèle de trajet aléatoire, dimension fractale), ont mis en évidence une modulation des déplacements par les animaux pour

Disccussion générale

répondre aux variations de structure du couvert végétal qu’ils exploitent. Lorsque le couvert est encore homogène, les animaux ont adopté un type de déplacement aléatoire, puis ils ont modifié leur comportement pour répondre à l’hétérogénéité du couvert. L’analyse des variations de la dimension fractale selon l’échelle spatiale montre que, dans nos conditions expérimentales, l’échelle 5 mètres constitue une échelle charnière qui pourrait être une caractéristique propre au format de l’animal (Nams et Bourgeois, 2002), avec une dimension fractale minimale de 1,2 quelles que soient la structure et la biomasse du couvert (Figure 4). Pour définir les échelles supérieures à la station alimentaire, nous avons donc interprété les échelles entre 1 et 5 mètres comme celles des séquences de pâturage «tête basse ». L’échelle charnière de 5 mètres correspondrait à celle des changements de direction lors des déplacements « tête haute » pour se diriger vers des patches préférés.

Aux échelles les plus fines (1-5 m), plus l’échelle spatiale est petite et plus la dimension fractale augmente ou tend à augmenter, ce qui révèle une intensification du comportement de recherche aux petites échelles. Dans le domaine d’échelle supérieur (5-12 mètres), les animaux ont fortement modulé leur comportement au cours de la saison de pâturage. A ce niveau d’échelle, l’animal module ses changements de direction entre différentes séquences en fonction à la fois de la biomasse (résultats de HSR principalement) et de la structure horizontale du couvert. La comparaison de la dimension fractale dans le domaine 5-12 mètres entre la P3 et la P4 sur LSR révèle que la perception que les animaux ont du contraste entre les zones influence la modulation de leurs déplacements. Lorsque le couvert est globalement très haut et qu’il est plus difficile de discriminer les zones (en P3), les animaux adoptent un mode de déplacement tortueux pour maximiser les chances de rencontre avec les zones préférées. Lorsque le couvert est caractérisé par une repousse verte basse et des chaumes hauts (en P4), les trajets relativement linéaires effectués à l’échelle 5-12 mètres suggèrent que l’animal a mieux discriminé ces différentes zones et se déplace de l’une à l’autre directement.

2.2. Echelles de modulation du comportement et organisation spatiale de

l’hétérogénéité du couvert végétal

L’application d’un chargement faible sur la parcelle LSR tout au long de la saison de pâturage conduit à une variabilité importante du couvert végétal en termes de hauteur et de composition morphologique. Dans le chapitre 3, nous avons caractérisé l’organisation spatiale de cette hétérogénéité. Les cartes de densité de premier ordre nous ont permis de mettre en

Disccussion générale

évidence l’existence d’une macro-hétérogénéité, avec une grande zone globalement basse autour de la zone de couchage et une zone globalement haute à l’opposé. Ce développement d’une macro-hétérogénéité est en accord avec les résultats de Owens et al.(1991), qui ont mis en évidence les effets des points d’attraction sur l’exploitation globale de la parcelle. Les résultats suggèrent également l’existence d’une micro-hétérogénéité, particulièrement développée en automne après la repousse. Nous avons montré une tendance à l’agrégation des zones riches en feuilles vertes (courbes monotypes), sans avoir identifié une échelle spatiale d’organisation. En particulier, l’échelle de 5 mètres qui structure les déplacements des animaux au niveau des patches n’a pas pu être mise en relation avec la structure du couvert végétal contrairement aux études de la bibliographie (Nams et Bourgeois, 2002 ; Fortin, 2003). Ceci pourrait s’expliquer par la dimension relativement faible de notre parcelle expérimentale.

Cette structure complexe est le résultat du comportement des animaux aux différents niveaux d’échelles identifiés dans le paragraphe précédent. Les adaptations mises en évidence permettent de proposer un schéma synthétique du mode d’exploitation des animaux sur un couvert homogène et sur un couvert fortement hétérogène. Sur un couvert homogène (Figure 5 A), le mode de déplacement aléatoire des animaux ainsi que le faible nombre de bouchées par station conduisent à une structure complexe que l’on peut qualifier de «chaotique », ce mode d’exploitation étant appliqué par plusieurs animaux simultanément. Sur un couvert dont l’hétérogénéité est bien établie (Figure 5 B), le comportement des animaux indique une exploitation intense du couvert à l’échelle de la station, ces stations pouvant progressivement s’agréger en zones basses, formant des patches de végétation que les animaux perçoivent. A travers leur comportement, ils favorisent ainsi le développement d’une micro-hétérogénéité.

3. Confrontation des modes de défoliation observés à des modèles