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Déplacements des animaux et utilisation spatiale de la parcelle

the grazing season

Chapitre 2 Déplacements des animaux et utilisation spatiale de la parcelle

Introduction

Les modalités de l’exploitation spatiale de la ressource herbagère d’une parcelle prairiale par les herbivores affectent fortement la structure de la végétation. La façon dont les herbivores exploitent spatialement la ressource disponible sur la prairie est susceptible d’affecter la structure de la végétation (Bailey et al., 1996), en jouant sur la distribution verticale et horizontale de cette structure (Marriott et Carrère, 1998). Sur des couverts hétérogènes, en termes de hauteur, de structure morphologique ou de composition botanique, les herbivores sont amenés à appliquer une pression de pâturage variable en différent points de l’espace, en réponse à la variabilité de structure qu’ils perçoivent (Garcia et al., 2002a), afin de couvrir leurs besoins nutritionnels. Cette recherche des meilleures zones alimentaires amène les animaux à développer un pâturage sélectif qui les conduits à revenir pâturer régulièrement certaines zones qui offrent le meilleur compromis qualité/quantité (Garcia et al., 2002b, chapitre 1). Cela est d’autant plus vrai, dans des prairies gérées avec un chargement animal faible pour lesquelles l’offre est nettement supérieure à la demande. Cette stratégie est un des mécanismes conduisant à la spatialisation de l’hétérogénéité du couvert.

Pour exploiter au mieux une ressource alimentaire répartie non uniformément, les herbivores peuvent utiliser leur mémoire spatiale pour revenir dans des zones qu’ils ont déjà pâturées (Dumont et Petit, 1998). Ils peuvent également visualiser des repères qui leur donnent des indications sur la qualité et la quantité de nourriture disponible dans différentes zones (Edwards et al., 1997 ; Howery et al., 2000). Pour optimiser leur efficacité d’exploitation, les herbivores peuvent moduler les caractéristiques de leurs déplacements, c’est à dire la vitesse (Shipley et al., 1996) et les angles de rotation à chaque pas (Gross et al., 1995 ; Dumont et al., 2000). Ainsi, dans un milieu hétérogène où les items alimentaires sont agrégés, les animaux mettent en place un mécanisme de recherche, caractérisé par des déplacements très sinueux à 63

Etude expérimentale : Chapitre 2

faible vitesse, qui leur permet de concentrer leur activité de recherche sur les zones préférées (Ward et Saltz, 1994 ; Fortin, 2003).Ce mode d’exploration peut conduire les animaux à structurer spatialement l’hétérogénéité du couvert qu’ils exploitent en créant et/ou en pérennisant des zones relativement homogènes, dans lesquelles la pression de pâturage exercée serait relativement uniforme (Adler et al., 2001).

Si l’on part d’un couvert végétal de structure initialement homogène, et géré avec un chargement animal faible, une hétérogénéité en termes de hauteur, biomasse, de qualité, de composition morphologique, va se développer au cours de la saison de pâturage (Garcia et al., 2002b). Selon le motif d’organisation spatiale de cette hétérogénéité (gradient, zones, agrégation de zones) sa pérennisation sera assurée ou non en l’absence d’action mécanique de l’homme. Les déplacements des animaux en activité de pâturage sur ce type de couvert sont importants pour comprendre la structuration spatiale de l’hétérogénéité, car ils constituent à la fois une stratégie de réponse à une hétérogénéité du couvert, et sont un facteur de maintien ou d’évolution de cette structuration. Cependant, dans ce contexte, les moteurs de ces déplacements sont assez mal connus. En particulier, on ne sait pas comment les herbivores modulent leur utilisation spatiale de la parcelle au cours de la saison de pâturage dans des systèmes prairiaux pâturés fermés (parcelle clôturée), dans lesquels la ressource alimentaire, constituée par le couvert végétal, est continue. Du fait de la dynamique saisonnière de la végétation, qui entraîne une modification de la ressource en quantité et en qualité au cours du temps, on peut se questionner sur les modifications de stratégies de pâturage que de telles modifications de la ressource induisent chez les herbivores. En début de saison, le couvert végétal est composé d’une biomasse de bonne qualité, relativement réduite et distribuée de façon homogène, une exploitation aléatoire de cette ressource doit donc permettre d’obtenir un ingéré de bonne qualité nutritive, tout en minimisant les coûts d’exploitation (Wallace et al., 1995 ; Zollner et Lima,, 1999). L’échelle à laquelle se réalise cette exploitation aléatoire est également à prendre en compte. En effet si le chargement est faible, l’offre étant supérieure à la demande, les animaux peuvent maximiser leurs gains en concentrant leur activité de pâturage sur un site alimentaire de taille inférieure à la surface de la parcelle. Cette exploitation variable, en association avec la croissance de la végétation va conduire à une divergence de structure entre les zones exploitées, et les zones non exploitées. Cette différence de structure, essentiellement déterminée par une distribution différente de la 64

Etude expérimentale : Chapitre 2

biomasse végétale, s’accompagnera d’une divergence de qualité, au fur et à mesure que la végétation réalisera son cycle reproducteur. Ainsi, avec la création puis la structuration de l’hétérogénéité, les animaux pourront être conduits à modifier leur stratégie d’exploitation en concentrant leur activité sur certaines zones, dont la taille et la distribution dépendent de l’échelle à laquelle l’animal perçoit l’hétérogénéité de son environnement. Il convient donc de considérer deux aspects, l’un visant à déterminer l’échelle à laquelle l’animal perçoit l’hétérogénéité du milieu sur lequel il pâture, et le second à identifier les stratégies mises en œuvre pour répondre à cette hétérogénéité. Pour répondre à ces différentes questions et discuter de leurs implications sur la dynamique de la végétation, et estimer les conséquences en terme de développement d’un motif d’organisation spatiale de l’hétérogénéité, nous avons suivi les déplacements de brebis au cours d’une saison de pâturage sur deux parcelles de dactyle initialement homogènes, l’une étant gérée avec un chargement fort (HSR), l’autre avec un chargement faible (LSR). Notre hypothèse principale est que sur un couvert qui devient hétérogène, les animaux exprimeront un comportement de recherche en surface concentrée. Pour tester cette hypothèse et déterminer comment les animaux répondent à leur environnement, nous avons analysé les propriétés de tortuosité des déplacements par une analyse fractale. Ce type d’approche a été utilisé dans plusieurs études consacrées à des milieux non gérés par l’homme et non clos, pour caractériser la façon dont l’animal perçoit l’hétérogénéité de son environnement et comment il y répond (Etzenhouser et al., 1998 ; Nams et Bourgeois, 2002).