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2.3 Th´ eorie de l’activit´ e

2.3.2 Les niveaux d’une activit´ e

L’activit´e peut ˆetre divis´ee dans une structure hi´erarchique comprenant trois niveaux : l’activit´e, l’action, et l’op´eration. Cette structure, repr´esent´ee dans la Fi-gure 2.1, d´ecrit l’activit´e (niveau le plus haut) comme ´etant r´ealis´ee au travers de chaˆınes d’actions (niveau interm´ediaire) elles-mˆemes r´ealis´ees au travers d’op´erations (niveau le plus bas) - mˆeme si pour certains, d’un point de vue plus proche de la psychologie cognitive, les op´erations peuvent elles-mˆemes ˆetre divis´ees en blocs de fonctions [BM97]. Les diff´erents ´el´ements de la figure 2.1 seront explicit´es dans les sous-sections suivantes.

Fig.2.1: Les niveaux hi´erarchiques d’une activit´e

2.3.2.1 L’activit´e

Comme on vient de le voir, ce niveau d’activit´e est le plus haut hi´erarchiquement qui permet de d´ecrire le travail “r´eel” effectu´e pour r´ealiser une tˆache (une tˆache ´etant le travail que l’on doit faire). Donc cette activit´e de haut niveau est motiv´ee par un objectif (“motif”) lui aussi de plus haut niveau. Prenons comme exemple l’activit´e “proposition de solution” qui est motiv´ee par le besoin de r´epondre `a un cahier des charges pour concevoir un produit. Cette activit´e pourra ˆetre d´ecompos´ee en plusieurs actions, par exemple : cr´eation de croquis, partage de ces croquis avec les autres concepteurs, argumentation, explicitation et explication des dessins.

Cependant, comme le d´ecrit Kuutti [Kuu96] en se r´ef´erant `a Davidov et al. [DZT83], une action peut elle-mˆeme monter d’un niveau et devenir une activit´e. R´eciproquement, une activit´e peut correspondre `a une action dans une activit´e d’un niveau plus g´en´eral. Ainsi, dans l’AT, les limites entre les diff´erents niveaux de la

structure hi´erarchique d’une activit´e sont mouvantes et floues. Ceci est particuli` e-rement remarquable entre les niveaux activit´e et action car la classification d´epend totalement du point de vue adopt´e.

La dynamique action-op´eration et la possibilit´e de construire, au fil du temps, des actions de plus haut niveau `a partir d’actions op´erationnalis´ees constitue une propri´et´e fondamentale du d´eveloppement humain. Ces m´ecanismes nous paraissent importants car ils viennent contribuer `a la formation de l’exp´erience des sujets. Nous verrons plus loin que cette exp´erience joue un rˆole important dans le d´eveloppement de l’activit´e et la cr´eation des ´el´ements qui la composent.

Finalement, nous pouvons d`es `a pr´esent remarquer la manifestation d’un ph´ eno-m`ene r´eflexif au sein de l’activit´e. En effet, les op´erations d´ependent fortement du contexte, de la situation d’ex´ecution des actions auxquelles elles participent. Or les actions ont tendance `a transformer cette situation. Ainsi, l’activit´e apparaˆıt comme continuellement influenc´ee par une situation qu’elle ne cesse de modifier. Ce qui ex-plique dans notre cas que la conception d’un produit resterait impossible `a reproduire `

a l’identique, car l’activit´e de conception va influencer la situation diff´eremment `a chaque fois, mˆeme si on prenait les mˆemes concepteurs pour r´ealiser le mˆeme travail (concevoir le mˆeme produit), sachant que ces personnes auraient acquis une certaine exp´erience d’un cas `a un autre.

2.3.2.2 Les actions

Les actions peuvent ˆetre individuelles ou collectives mais sont toujours dirig´ees vers un but conscient (interm´ediaire par rapport `a ce qui motive l’activit´e). Il est difficile, voire impossible, de comprendre une action en la consid´erant en dehors de son contexte, c’est-`a-dire de son activit´e. Cependant, une action est souvent poly-motiv´ee, c’est-`a-dire qu’une seule et mˆeme action peut appartenir `a plusieurs activit´es. De ce fait, l’action effectu´ee peut ˆetre interpr´et´ee diff´eremment suivant l’activit´e dans laquelle on la consid`ere.

L’ex´ecution d’une action est planifi´ee, en utilisant un mod`ele, et au cours d’une phase appel´ee orientation. Sa r´ealisation peut donc ˆetre consid´er´ee comme une s´ e-quence orientation - ex´ecution. Plus le mod`ele mis en œuvre est fiable, plus l’action a des chances d’atteindre son but. Dans le cas contraire, le sujet entre dans une phase d’analyse et d’apprentissage au cours de laquelle il sera certainement amen´e `

a modifier le mod`ele d´efaillant et, ainsi, augmenter son exp´erience. Ceci r´ef`ere au concept de Plan Interne d’Action (Internal Plan of Action ou IPA) d´evelopp´e dans l’AT. L’IPA est proche des concepts cognitifs de m´emoire de travail et de mod`ele mental, `a la diff´erence pr`es qu’il ne renvoie pas `a des mod`eles sp´ecifiques, mais plutˆot `

capa-2.3. Th´eorie de l’activit´e

cit´e humaine d’ex´ecuter des manipulations sur des repr´esentations internes d’objets externes, avant d’ex´ecuter ces actions, sur ces objets, et dans la r´ealit´e [Bar97]. Autrement dit, la fonction de l’IPA est de pr´evoir les r´esultats futurs de possibles ´

ev´enements avant d’ex´ecuter les actions dans la r´ealit´e.

2.3.2.3 Les op´erations

Les op´erations sont ex´ecut´ees inconsciemment et sont orient´ees par une base d’orientation non consciente. Cette base d’orientation est ´etablie au travers de l’ex-p´erience apparue au contact des conditions mat´erielles concr`etes de l’op´eration [Bar97].

Les op´erations correspondent `a des actions dont le mod`ele s’est d´emontr´e r´ eel-lement fiable en fonction de certaines conditions. On peut consid´erer une op´eration comme une action qui est descendue d’un niveau dans la structure hi´erarchique de l’activit´e, du fait de la quasidisparition de sa phase d’orientation. Elle est alors ex´ e-cut´ee plus rapidement et r´epond, de fa¸con inconsciente, `a des conditions sp´ecifiques. Les actions op´erationnalis´ees sont aptes `a participer `a la cr´eation de nouvelles et plus amples actions. L’exemple le plus souvent cit´e est celui de l’utilisation d’une boite de vitesse qui, au d´epart, est difficile et lente car r´efl´echie et planifi´ee. Peu `a peu, celle-ci devient fluide et inconsciente, apte `a participer `a des actions de plus haut niveau. Les op´erations nous permettent d’agir sans penser consciemment `a chaque petit pas d’ex´ecution. D’ailleurs, et comme le notent Raeithel et Velichkovsky [RV96], la cause d’une erreur commise dans l’ex´ecution d’une action constitu´ee d’op´erations bien maˆıtris´ees est difficile `a capturer car ces op´erations sont r´ealis´ees de fa¸con in-consciente (ce qui entraˆıne par exemple des questions telles que : “Ai-je bien ferm´e la porte `a clef en partant ?”). Les op´erations ne sont pas accessibles `a l’auto-r´eflexion consciente de l’acteur.

Il arrive souvent, lorsque les conditions d’ex´ecution d’une op´eration changent, que l’op´eration retourne au niveau de l’action, demandant une r´e-analyse de la situation et une nouvelle phase d’orientation. Ceci arrive par exemple lorsque l’on descend un escalier dont les marches sont trop serr´ees, ce qui oblige l’op´eration de descente `a revenir au niveau d’une action consciente, demandant plus d’attention, et ex´ecut´ee plus lentement.

Dans la vie, il n’existe pas une correspondance un `a un entre un but `a atteindre et la mani`ere d’y arriver [Kap96b]. Ceci signifie qu’il n’y a pas unicit´e entre une action et l’ensemble des op´erations qui participent `a sa r´ealisation. Selon l’AT, le d´eclenchement des op´erations n’est pas uniquement guid´e par les conditions envi-ronnantes. Elles sont en fait d´etermin´ees par la structure g´en´erale de l’action dans laquelle elles ont ´et´e incorpor´ees. Ceci permet par exemple de repr´esenter comment

un sujet peut apprendre `a contrˆoler ses r´eactions imm´ediates face `a certaines situa-tions. Enfin, comme le souligne [Nar96], l’ex´ecution d’op´erations qui ne r´ealisent pas d’action orient´ee vers un but peut ˆetre compar´ee `a l’op´eration d’une machine qui aurait ´echapp´e au contrˆole de l’humain.