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1-3-4 La phrase en défaut : a- Saison de pierres

2/ Au niveau syntaxique

La profusion des parenthèses, des adjectifs qualificatifs, des paradigmes associatifs des mots, les répétitions, les reprises des fragments textuels … sont des effets d’une stylistique novatrice, ces exemples en attestent :

Exemple1 :

Prolifération de verbes synonymes contribue à mettre en évidence l’aspect dense du roman et insister sur le fait que même si tout se délie et se dénie mais se relie créant une cohérence à l’intérieur du texte.

Exemple2 :

«[…] La voix d’Assia qui danse sur le parquet, […]cette voix qui dénoue,délie,dénie,renie et le relie à lui-même[…] »SP29

« Présente, absente, elle les désarmera un à un. Les laissera nus, giflés, larmoyants et amnésiques. Elle marche vers eux, sur eux, ses pas résonnant dans leur crâne de chaussure trouée. Aimer, éteindre, haïr, magnifier. Elle, fleur acerbe, au parfum rude. Eux les chardons, l’ivraie tenace, jeunes et déjà si vieux, les yeux usés à saisir cette femme évanescente, drapée d’interdits. […] »

SP 38

« Aimer », « éteindre », « haïr » et « magnifier »composent une phrase. La phrase dans le roman de Djemaï peut se construire à partir de l’énumération de quatre verbes qui peuvent être synonymes ou antonymes. Djemaï joue volontairement avec la phrase conventionnelle.

La présence des antonymes les uns à côté des autres créent un effet poétique et esthétique pertinent.

« Présente »et « absente », « aimer » et « haïr », « jeunes »et « vieux »mettent peut être en évidence le conflit qui est au centre du roman.

Néanmoins, cette effet de paradoxe : il éveille la surprise, dérange les habitudes de lecture, déstabilise les clichés. L’oxymore est souvent le résultat d’un jeu verbal. D’ailleurs, il marque fortement la sensibilité et la mémoire du lecteur.1

A l’intérieur de cette grande fonction de découpage visuel, il est possible de distinguer un emploi spécifique de signes combinés qui ont pour fonction de découper l’espace non seulement textuel mais également temporel à l’intérieur de le récit. Il s’agit de la combinaison paradoxale de quelque signes (deux points, parenthèse fermente, guillemets….).Le paradoxe provient de l’association à priori contradictoire d’un signe ouvrant tel que les deux points, les guillemets et d’un signe fermant tel que la parenthèse fermante, signe fermant qui s’interpose ainsi entre les deux signes ouvrants que sont les deux points et les guillemets ; voici des exemples d’illustrations:

Exemple1 :

« […] Qu’était, le gravier grinçant dans l’escarcelle du séisme, la petite fille sur la photo (Savait-elle que grand-père prisait avant que la ville n’éternue, nuage

1 Larousse, « Les petits pratiques du français,Vocabulaire,du commentaire de texte,400 mots clés pour l’étude du style ».Larousse,1992.p150

Première partie Les procédés scripturaux et procédés d’écriture

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crevé. Qu’il cherchait sa tabatière dans le puits de sa djellaba, en jurant, au grand dam de grand-père, qu’on ne le prendrait plus au jeu de la prière : "C’est pas honteux à son âge, marmonnait-elle, ce vieillard continue de croire aux gitanes, à l’alcool et aux chevaux. Que Dieu lui pardonne son impiété, ses folies … ". Tous les philtres, les amulettes qu’elle fit concocter chez un taleb ne piégèrent pas le patriarche) […] » SP 77

Exemple2 :

« […] (Cesse de mentir : un prétendant tout court, pas un amant. Un prétendant d’accord, mais prêt à être intronisé) […] » SP 21

Combinant un mouvement de fermeture avec une ouverture ,le fragment même demande à être raccrochée à un fragment antérieur, ce signe complexe demande que soit réalisé un véritable collage de fragments textuels.

3/Au niveau lexical

L’argot est une langue parallèle utilisée à l’origine par les malfaiteurs, soucieux de communiquer entre eux sans être compris par des oreilles indiscrètes .Possédant son propre vocabulaire et ses propres tournures syntaxiques, l’argot correspond à un niveau de langue familier dont certains auteurs se plaisent à utiliser les ressources.

L’argot possède une forte puissance évocatrice qui peut produire des effets de réalisme dur ou savoureux et donner au texte une note pittoresque .Mélangé à un niveau de la langue soutenu, il répond à une intention esthétique de l’auteur : subtils contrastes, images singulières naissent de cette association inhabituelle.1

Abdelkader Djemaï mêle de façon surprenante les juxtaposions au langage familier à la langue arabe (transcrite en français) pour mettre en exergue l’aspect hétéroclite du roman.

1 Larousse, « Les petits pratiques du français,Vocabulaire,du commentaire de texte,400 mots clés pour l’étude du style ».Larousse,1992.p31-125.

« […] Ce fut le combat avec cette masse grise tangente qu’il défiait de sa canne virevoltante, insultant le fugitif caché dans sa panse de fer : "Sors de ce babor de misère, bâtard et pourtant de ma chair, ould el kelb, slougui, enfant de putain et pourtant ta mère est une femme honorable, dis que tu veux me tuer de chagrin, m’envoyer en enfer avant que je meure de vrai, comme ça tu nous mangeras tous la tête mais je chie sur toi morveux, engeance maudite, bien sûr ta mère t’a gâté et tu lui dis même pas au revoir, fils de merde qui va manger du halouf, du cochon chez França." Goguenards, les marins riaient de ses adjurations salaces, de son turban défait, de ses comiques gesticulations. […] » PS 42-43

La série de mots (ou de propositions) se succède pour donner une impression de foisonnement ou d’accablement. Par ce procédé Abdelkader Djemaï cherche à densifier son roman. Une prolifération qui serait peut être un infini de l’écriture: « Avant la fissure, le douar. Des chemins étroits, une haie de cactus,

des arbousiers ,des oliviers frigides, solitaires. Un âne qui bâille et tressaille sous le dard des mouches bleues .Des torchis,des claies,des courettes pour les animaux,le matériel aratoire ;des meules de paille propices au serpent,au scorpion. […] » SP15

Même lorsque les repères sont donnés, la prolifération d’éléments demande au lecteur un effort de débrouillage, de repérage et de mémorisation.

L’accumulation est une source de précision et de richesse quand elle traduit toutes les nuances de la réalité observée .Elle peut créer une impression de désordre, d’éparpillement, de luxuriance ou de lourdeur selon le sens du texte (Ici elle traduit le désordre créer par le séisme).