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a- Saison de pierres

B- les procédés d’écriture :

I- 2-4 Le caractère italique :

Inventé par l’Italien Alde Manuce, le caractère italique est légèrement penché vers l’adroite.

L’italique marque toujours un relief et indique les mots d’un texte que l’on veut distinguer. Il est d’usage dans les bibliographies de mettre en caractères italiques le titre de l’ouvrage.1

On distingue aujourd’hui l’italique d’usage (pour les titres d’ouvrages notamment) et l’italique de soulignement, de mise en relief,dont l’emploi rejoint d’ailleurs souvent celui des guillemets.

Créé au XVI ème siècle par Alde Manuce, à l’imitation de l’écriture « cursive », l’italique distinguait sur une même page le texte ancien et son commentaire critique, et il a pu servir ,au XVII ème siècle ,avant la génération des guillemets ,à caractériser les répliques de l’interlocuteur,par opposition au narrateur.

De fait, la fonction d’insistance de l’italique se comprend par opposition au romain, sur lequel il se détache.1

L’insistance de l’italique est celle du changement de registre,lié au changement de caractère : changement de registre sémantique,de registre énonciatif.

L’italique s’emploie de manière préférentielle pour les mots étrangers et pour

insister sur certaines unités. Nous venons précisément de mettre en italique mots étrangers et insister pour les souligner.

On utilise l’italique à la fois pour insister et pour détacher un fragment en langue étrangère.2

Voyons quels usages font Djemai et Quignard du caractère italique dans « Saison de pierres » et « Terrasse à Rome ».

1Larousse, « Les petits pratiques du français,Vocabulaire,du commentaire de texte,400 mots clés pour l’étude du style ».Larousse,1992.p121.

Première partie Les procédés scripturaux et procédés d’écriture

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a- Saison de pierres

Djemai emploie le caractère italique à la fois pour insister, pour souligner et pour détacher un fragment en langue arabe transcrit en français «Wechms »qui renvoie en français au « tatouage » :

Exemple1:

« […] La froide résolution des Wechms, la brûlante fièvre de Sandjas établissaient un précaire statu quo […] » PS 55

Exemple2:

Il est d’usage de mettre en caractères italiques le titre d’ouvrage :

« […] Il était dans la lune, transi, le soleil confisqué par de prometteurs marchands de tapis volants, promoteurs des Mille et Une Nuits, dont Assia serait Shéhérazade et le Sachem tatoué Ibn Caca. […] » PS 79

-L’Insertion d’une écriture en italique a pour fonction de montrer qu’un texte n’est

qu’un collage de mots, voici un exemple:

« […] Il était dans la lune, transi, le soleil confisqué par de prometteur marchands de tapis, volant, promoteurs des Mille et Une Nuits, dont Assia serait Sheherazade et le Sachem tatoué Ibn Caca » SP 79

-Parfois l’inscription en italique renvoie à des ouvrages ou à des citations, voici deux

exemples :( Retenons aussi l’exemple cité précédemment) :

Exemple1:

«[…]" La sourate des Abeilles est les plus belle du Coran. Dieu est aussi miséricorde pour les araignées, mais toi Il ne te pardonnera pas tes péchés!"[…]» SP78

Employer le caractère italique pour « mercédes » et « leitmotive »est loin d’être innocent chez Djemai car il désire mettre en relief en premier lieu le l’enrichissement du Sachem Tatoué en profitant et en arnaquant les gens lors de la Guerre de Libération : possession d’une mercédes et en second lieu dévoiler ses paroles mensongères devenues des cliché de langue qui servent ses intérêts personnels.

Mettre en italique le « Coran » a pour objectif de dénoncer l’incompréhension de ce texte sacré : en voulant divulguer l’hypocrisie de certaines personnes dont le Sachem Tatoué qui se présente comme un fervent pratiquant de l’Islam dans un but dissimulateur.

Exemple:

« Sachem Tatoué se répétait, les guerriers, morts les armes à la mains, furent enterrés avec leurs paysage. […] il s’affiche, roulant mercédes, guérite pompeuse, la main pendant sur la portière, le buste avantageux. Il l’entend se plaindre, vitupérer, s’attendrir, éructer, tragique dans son éternel leit-motive : "La révolution je lui ai tout doué, à son tour maintenant de me récompenser!…". Cette ville n’aime-t-elle que le mélo, les artistes style Sachem tatoué, jouant sur tous les registres, entre autres, du militant sur la brèche, du citoyen modèle et polygame selon le Coran et ses aises ? Il régnait, satrape, sur la place de cette ville qui reniait Sandjas». SP 76.

Le caractère italique peut être considéré comme un collage car le but est de mettre en relief le travail sur les mots et leurs dispositions dans la page. Djemaï s’inspire des peintres puisqu’il donne l’importance à l’impression visuelle.(Ce point fera l’objet de notre analyse ultérieurement).

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b- Terrasse à Rome

Reportons-nous à un extrait de la page 158 du chapitre XLV . Le caractère italique renvoie à un passage cité dans un autre ouvrage.

« Les Inventaires du Sieur Meaumus, Citoyens Romains et sculpteurs en Eau

Forte porte deux pages in folio et sont curieusement datés du siècle suivant

(1702) »

Parfois l'écriture en italique renvoie à une langue étrangère, Citons l’exemple de la page 37 :

«[…] On entendit monter de la ruelle encore fraîche le chant Pueri

Hebraeorum vestimenta prosternebant in via[…]»

L’écriture en italique renvoie aussi à des versets bibliques : Citons l’exemple de la page 161 :

«[…] Abraham Bosse avait choisi ce nom en raison de l'avertissement de Dieu

à Job dans la Bible : Et ubicumque cadaver fuerit, statim adest aquila. » A côté Quignard y ajoute la traduction :

« Là où est le cadavre, l'aigle se trouve » (Job, XXXIX, 30)[…] »

L’écriture en italique est souvent suivie d’une traduction : citons l’exemple de la page 100 :

«[…] L’Eternel a dit “à moi la vengeance”. Jadis kholé ne signifiait pas ira

mais noirceur.[…] »

L’usage de l'écriture en italique sert à mettre des mots en exergue : citons l’exemple de la page 100:

«[…] Il ne faut pas dire ; entre naissance et mort. Il faut dire de façon

Et l’exemple de la page 115 :

«[…] “Toute la lumière, dont on ne voit pas la source, est portée sur le ventre

et les parties naturelles en violant turgor”[…] »

Elle renvoie à des titres d'ouvrages, de débats…Citons un exemple de la page114 :

« Au cours de la réunion annuelle des sociétés des beaux-arts. Des

départements, en1882, monsieur Gaston le Breton fit une communication sur

Une belle manière noire attribuée à Meaumus représentant une scène obscène[…] ».

Citons aussi l'exemple de la page116 :

« Les deux graveurs les plus célèbres qui ont été conservées de Meaume le

graveur, qui en nombreux exemplaires et dans un très grand nombre de tirages sont de Saint Jean dans l’île de Pathmos et le Héro et Léandre. »

Voici un autre exemple : p141 :

«[…] Il avait promis à Anne Thérèse de Marguenat pour son Recueil sur la

politesse, la volupté, les meurtres et les sentiments agréables[…].

Illustrons aussi par cet exemple :

« Les Inventaires du Sieur Meaumus, Citoyens Romains et sculpteur en

Eau-Forte porte deux pages in folio et sont curieusement dates du siècle suivant

(1702) »

Le caractère italique sert de référence à des personnages de la mythologie ,voici un exemple de la page 117 : « Héro et Léandre est une manière noire[…]»

Quignard cherche peut être par l’évocation de ces deux héros de la mythologie à créer une similitude entre Héro et Léandre victime de l’amour comme l’étaient Meaume et Nanni.

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L’écriture italique renvoie à un propos de personnage. L’insistance de l’italique est lié au changement de registre énonciatif (….) , voici un exemple de la page120 :

« Elle figure aussi au nombre des Huit extases de Meaume le Graveur selon

Poily ».

Le caractère italique renvoie à des références concernant la sculpture,citons un extrait de la page 102 :

«[…] La signature Geoffroy Meaume est très lisible, sous le grand H mêlé au

grand W orne des marchants d’estampes[…] » Citons un autre exemple de la page 79:

«[…]Pour son goût c'étaient toujours des paysans de plus en plus vides, des

ruines de plus en plus nocturnes, des mers avec un minuscule bateau au loin, le plus loin possible, comme la barque de la mort. En bas, à gauche, Meaumus

sculpsit.[…] »

Parfois le caractère italique renvoie à une langue étrangère suivie de la traduction, illustrons par un exemple de la page 108 :

«[…] On appelait à Rome Gérard Van Honthorst Gherardo delle Notti ce qui

veut dire Gerard des Nuits[…] »

Le caractère italique chez Pascal Quignard s’associe souvent avec le caractère latin qui marque peut être la préférence de l’auteur pour la langue et la culture latine.

L’invention dans un corps du texte de signes et de caractères qui rompent son homogénéité typographique produit un certain « effet de réel » pour employer l’expression de Barthes1. Ce procédé permet au texte de se désigner comme un objet qu’est à la fois matériel et esthétique. De sorte que l’effet de réel qu’on vient de mentionner n’exclut pas un effet proprement poétique.

Car le langage qui se « dévoile » et « se met à nu »1, c’est déjà un langage ludique.

De sorte que même quand ces graphèmes se trouvent dans les mots apparemment banals, leur forme importe autant que le « sens ». La désignation de la matérialité du langage est une façon pour l’écrit de se rendre perceptible, parfois audible, mais surtout visible.

Or, il est clair que Quignard et Djemaï ne sont pas les premiers écrivains à se servir de ces procédés : ils se placent dans la lignée d’Apollinaire et de Mallarmé, ligne qui remonte à Rabelais et plus loin encore, jusqu’aux scribes médiévaux.

Pascal Quignard et Abdelkader Djemaï désirent rendre le langage visible est une technique proprement picturale : cherchant à rendre avec des signes, mots, lettres, en les transcrivant dans leurs textes pour qu’il ne se donne pas seulement à « lire », mais aussi à « voir ».

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I-3 Les Activités créatrices :

L’intérêt des auteurs pour une écriture qui imite le réel est très ancien. Abdelkader Djemaï et Pascal Quignard ont essayé de valoriser l’aspect visuel de l’écriture en mettant en valeur les mots en invitant à porter sur eux un regard neuf.