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Neutrophil Extracellular Traps

Alors que les PN jouent un rôle essentiel dans la réponse anti-infectieuse et la résolution de l’inflammation, les médiateurs qu’ils libèrent sont également toxiques pour l’environnement local [233]. La formation de réseaux extracellulaires par les neutrophiles principalement, mais aussi par les

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mastocytes et les éosinophiles, constitue un mécanisme récemment découvert de l’immunité innée [234-237]. Au cours de ce phénomène appelé nétose, qui dépend de l’explosion oxydative, les PN libèrent des filaments d’ADN extracellulaires (Neutrophil Extracellular Traps ou NETs) dont la première propriété rapportée est de piéger les microorganismes. Ces filaments de chromatine sont parsemés de protéines issues des différents compartiments cellulaires (noyau, cytoplasme, granulations…). La citrullination des histones est la signature biologique de la nétose et est indispensable au désenroulement de la chromatine [238, 239]. La translocation nucléaire de myéloperoxydase (MPO) et d’élastase provenant des granulations est également essentielle, afin de permettre les modifications enzymatiques à l’origine de l’extrusion d’ADN hors de la cellule [240]. Récemment, des observations dynamiques in vivo ont suggéré que les PN porteurs de NETs conserveraient leurs capacités migratoires en étant donc délétères à distance [241, 242]. A ce jour, la fonction physiologique la mieux connue des NETs semble être leur capacité à piéger et détruire les microorganismes grâce à la forte concentration locale de composants antimicrobiens, en particulier des protéases [243, 244]. Ils peuvent également présenter un rôle pathologique, en étant impliqués dans la genèse et l’entretien de maladies auto-immunes comme les vascularites ou le lupus systémique [245-248], mais aussi avec une toxicité cellulaire et tissulaire dans le sepsis ou les hépatopathies aiguës [249-251]. L’un des organes les plus exposés aux NETs semble être le poumon, comme dans le syndrome de détresse respiratoire aigu ou le TRALI (« Transfusion Related Acute Lung Injury », qui est une détresse respiratoire aiguë causée par des transfusions sanguines) [252-255].

Figure 26 : Mesure de la libération de NETs chez les patients de l’étude NASA en fonction du stade de gravité de la RHA.

Chez la souris, l’engagement des FcγR exprimés à la surface des PN par des complexes immuns IgG/antigène induit la formation de NETs [256]. Chez des patients de l’étude NASA, une libération de NETs a été mise en évidence, avec une corrélation entre l’intensité de la libération, quel que soit le marqueur utilisé (élastase, MPO, ou mesure d’ADN extracellulaires), et la sévérité de la RHA (

Figure 26), apportant un argument supplémentaire quant à l’activation des PN dans les RHA. Sur le plan clinique, la présence de NETs était uniquement associée à la survenue d’un arrêt cardiaque, c’est à dire à la survenue d’un grade 4. Dans l’étude NASA, l’incidence du bronchospasme était de 32%,

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soit 28 patients, en accord avec la littérature. Au cours d’un modèle expérimental de choc anaphylactique, une infiltration pulmonaire de neutrophiles a été observée [257]. Comme évoqué précédemment, la survenue d’un bronchospasme au cours d’une RHA ne semble pas reposer sur les mêmes mécanismes physiopathologiques que la pathologie asthmatique. Le poumon étant l’une des cibles des NETs, il pourrait être intéressant d’étudier dans un modèle animal si la présence de NETs au niveau pulmonaire pourrait expliquer l’incidence du bronchospasme, notamment à cause d’une toxicité cellulaire et tissulaire locale.

Grâce à des expériences réalisées par Luc de Chaisemartin, à la Faculté de Pharmacie de Chatenay Malabry, nous avons pu analyser la libération de NETs par des PN humains purifiés en réponse au stimulus représenté par des complexes immuns Anticorps anti-rocuronium purifiés / HSA-rocuronium (Figure 27). Celle-ci était présente avec une différence significative par rapport au bruit de fond (résultats basés sur 4 expériences, à partir d’un même lot de purification d’anticorps). D’autres analyses sont prévues, avec la mesure de médiateurs comme l’élastase ou de réactifs de l’oxygène, ainsi que la vérification de la reproductibilité de ces résultats à partir d’autres anticorps purifiés. Les NETs générés par les complexes immuns produits à partir des anticorps anti-rocuronium purifiés sont inférieurs à ceux induits en réponse au stimulus représenté par les complexes immuns IgG anti-ovalbumine / anti-ovalbumine. Cependant, ces derniers sont des anticorps monoclonaux, hautement spécifiques, de haute affinité, produits dans le laboratoire de Luc de Chaisemartin rendant les comparaisons difficiles. Comme évoqué précédemment, les PN peuvent être activés indirectement. Ces résultats sont des arguments en faveur de l’hypothèse que les IgG identifiées sont capables d’activer directement les PN, et donc de façon plus élargie dans l’implication potentielle des PN via les IgG spécifiques dans les manifestations cliniques des RHA médicamenteuses sévères.

L’activation directe des PN par les complexes immuns anticorps anti-rocuronium purifiés / HSA-rocuronium est en cours de mise au point dans notre unité, pour évaluer l’expression, en réponse à ce stimulus, de certains marqueurs de surface, comme le CD11b et le CD62L, ainsi que la production de ROS. Dans le cadre de la caractérisation des anticorps purifiés, il est prévu d’évaluer la répartition en

Figure 27 : Evaluation de la libération de NETs par des PN humains en réponse au stimulus représenté par des complexes immuns Anticorps anti-rocuronium purifiés / HSA-Rocuronium. Le medium correspond à la stimulation par la solution de dilution seule, l’HSA-Rocuronium au signal non spécifique de l’antigène seul sur les PN humains, la 3ème mesure correspond à nos complexes immuns d’intérêt, et la 4ème au contrôle positif de complexes immuns IgG anti-ovalbumine / ovalbumine.

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sous-classes, [258]. Les analyses de sous-classes étant techniquement difficiles, nos résultats seront à pondérer par un biais possible induit par notre système de purification d’anticorps ou à cause des anticorps secondaires anti-sous-classes, dont la spécificité est souvent insuffisante (nous en avons à ce jour déjà testé trois sans succès). Chez la souris, l’induction de PSA par les différentes sous-classes d’IgG est sous la dépendance de types cellulaires et de médiateurs différents [259]. Les résultats très préliminaires de l’étude NASA/IPAAQ semblent indiquer une proportion importante d’IgG3 (environ 1/3), le reste semblant constituer d’IgG1. Ces expériences doivent être optimisées et validées très prochainement afin de permettre d’évaluer, en fonction des sous-classes majoritaires, les différents types cellulaires chez l’homme qui pourraient être impliqués dans les RHA impliquant des IgG.