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La neuropsychologie du timbre

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CHAPITRE 1 : L’AUDITION, LES SONS ET LA VOIX

2.2 Timbre

2.2.4 La neuropsychologie du timbre

Tant les caractéristiques physiques pour définir le timbre sont nombreuses, tant on peut comprendre que les structures impliquées pour le percevoir peuvent être multiples. De ce fait, peu d'études ont abordé frontalement la question des bases cérébrales de la perception du timbre. En réalité, cette question recouvre un ensemble de sous-questions comme de savoir quelles sont les structures cérébrales mises en jeu dans la perception des différentes dimensions du timbre, ou encore comment le système auditif sépare-t-il et/ou combine-t-il l'information relative aux différentes dimensions du timbre.

Une revue de la littérature de 2003 recense les diverses études traitant du traitement cortical du timbre, et essentiellement de la latéralisation de ce traitement (S. Samson, 2003). Les premières études s’intéressant au traitement cortical du timbre étaient des études de lésions. En 1962, Milner avait comparé des patients épileptiques ayant subi une lobectomie droite à des patients ayant subi une lobectomie gauche dans une tâche de discrimination d’information spectrale dans des sons

harmoniques. Les patients ayant une lobectomie à droite, contrairement aux autres patients, montraient un déficit significatif pour cette tâche, suggérant ainsi que le traitement des informations spectrales impliquées dans le traitement du timbre reposait sur l’intégrité du lobe temporal supérieur droit (Milner, 1962).

Par la suite, Zatorre et ses collaborateurs se sont intéressés à la discrimination des enveloppes spectrales et temporelles du timbre (S. Samson & Zatorre, 1994). Les auteurs ont testés des patients avec une lésion du lobe temporal dans une tâche de discrimination de timbre. Le timbre pouvait varier selon une dimension spectrale, c'est-à-dire ayant un nombre d’harmoniques variable, allant de 3 à 5, ou selon une dimension temporelle avec une durée d’attaque variable, de 1, 50 ou 190 ms. La tâche du sujet était de dire s’il percevait une différence de timbre ou non entre les différentes paires de stimuli présentées. Les résultats ont montré que seuls les patients ayant une lobectomie droite avaient des déficits dans la discrimination de timbres que ce soit sur le plan spectral ou temporel, suggérant ainsi que le lobe temporal droit était essentiel pour le traitement de l’information spectrale et temporelle impliqué dans le timbre. Les auteurs remarquent que ceci remet en question le rôle prédominant de l’hémisphère droit pour le traitement temporel. Cependant, dans sa revue de 2003, Samson, note également que les délais temporels manipulés dans leur étude sont des changements temporel « lent », de l’ordre de la centaine de millisecondes, à l’échelle de ce qu’est capable de traiter l’hémisphère gauche, de l’ordre de la dizaine de milliseconde (S. Samson, 2003). Dans une étude de 2002, Samson et al. ont modifier un peu le paradigme de l’étude précédente. Ils ont fait varier la durée de l’attaque, 1, 100 ou 190 ms, et le nombre d’harmoniques, 1, 4 ou 8 harmoniques, créant ainsi 9 timbres différents (S. Samson, Zatorre, & Ramsay, 2002). Ces 9 timbres ont permis de synthétiser 9 sons et 9 mélodies de 8 notes. Les résultats de l’étude ont confirmé que la lésion du lobe temporal droit perturbait la perception des deux dimensions du timbre, temporelle et spectrale. Toutefois, dans cette étude, les auteurs ont aussi montré que la lobectomie du lobe temporal gauche affectait des aspects subtils de la perception du timbre dans la condition mélodique, suggérant que leur représentation du timbre pouvait être moins « stable » que chez des sujets sains. Les auteurs concluent donc que la perception du timbre dépend principalement de l’intégrité du lobe temporal droit, et que le lobe temporal gauche semble aussi contribuer à cette perception.

Des études de neuroimagerie vont aussi dans le sens d’une spécialisation du traitement du timbre par l’hémisphère droit. Dans une étude utilisant la TEP, Platel et al. ont montré que l'attention sélective à des changements de timbres de séquences de notes engendrait des activités spécifiques dans des régions frontales de l'hémisphère droit (autour de l'aire 6 de Brodmann), par comparaison à des tâches d'attention sélective à la hauteur ou au rythme (Platel et al., 1997). Egalement, une étude d'IRMf (Halpern, Zatorre, Bouffard, & Johnson, 2004) a permis de caractériser le réseau cérébral mis en jeu lors de jugements de dissemblance sur des paires de timbres présentées auditivement (condition de perception) ou imaginées par le sujet (condition d’imagination). En condition de perception, plusieurs aires du gyrus temporal antéropostéral étaient activées, dont le gyrus de Heschl, le planum temporale, et gyrus temporal supérieur, avec une asymétrie en faveur de l’hémisphère droit. Quand le jugement de dissemblance portait sur les timbres imaginés, des aires temporales

postérieures étaient activé, avec également une légère asymétrie du côté droit. Une étude d’IRMf n’a toutefois pas montré de supériorité hémisphérique droite mais une asymétrie d’activation des deux hémisphères pour le traitement du timbre (Menon et al., 2002). En situation d'écoute passive, un timbre X avec une attaque lente, un centre de gravité spectral aigu et dont le spectre variait dans le temps (flux spectral) engendrait plus d'activations dans des régions des lobes temporaux qu'un timbre Y avec une attaque rapide, un centre de gravité spectral plus grave et sans flux spectral. Les régions impliquées dans le traitement du timbre étaient le gyrus de Heschl postérieur et le sillon temporal supérieur jusqu’au sillon cingulaire insulaire. Si aucune région n'était significativement plus activée à l'écoute du timbre X qu'à l'écoute du timbre Y, les patterns d’activation étaient significativement plus postérieurs dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit. Ces résultats suggéraient que les deux lobes temporaux sont impliqués dans la perception du timbre, mais que leurs rôles respectifs et le poids des différentes dimensions du timbre dans ces activations restaient à déterminer.

Nous conclurons en disant que l’étude aussi bien que le traitement cortical du timbre est un phénomène complexe. Il semblerait qu’il y ait une préférence de l’hémisphère droit pour le traitement de cet aspect, en raison du poids des composantes spectrales dans la perception du timbre. Toutefois, une contribution de l’hémisphère gauche semble exister sans que ce dernier soit indispensable. Dans une étude de potentiels évoqués, Meyer et al. ont mis en évidence que le traitement du timbre, impliquait différentes structures au cours de ce traitement (Meyer, Baumann, & Jancke, 2006). Il est donc raisonnable de penser que le traitement cérébral du timbre implique un réseau neuronal complexe tant les dimensions participants à la perception de timbre le sont.

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