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B - UNE NECESSAIRE ET SAGE EXTENSION DES ACTEURS

MEDIATION PENALE ET POLITIQUE CRIMINELLE*

B - UNE NECESSAIRE ET SAGE EXTENSION DES ACTEURS

L'idée première de l'expression « politique criminelle participative » 28, était de signifier l'impérieuse nécessité de relais autre que le pouvoir policier ou le pouvoir judiciaire pour rendre crédible un projet de politique criminelle. Aujourd'hui avec la médiation pénale et bien d'autres innovations, le concept s'est enrichi. La politique criminelle est devenue à large participation sociétale sans omettre d'inclure dans cette participation sociétale distinguée de la participation de l'Etat, la participation des collectivités territoriales. A propos de la médiation pénale, le danger pourrait être l'apparent brouillage des compétences (a) et l'apparente privatisation partielle du système de justice pénale (b).

a - L'apparent brouillage des compétences est dénoncé aussi bien en ce qui concerne une confusion des fonctions entre magistrats du siège et du parquet qu'en ce qui concerne une confusion des rôles entre magistrat et médiateur laïque.

Assez nombreux sont ceux, parmi les magistrats du siège, qui dénoncent un déviationnisme judiciaire ou une dérive et dit-on « par quel artifice, le parquet peut-il se substituer au tribunal et au service de l'application des peines ? » 29 Est pointée également la pente dangereuse du contrat d'adhésion. Lorsque la médiation est judiciaire, le classement sans suite sous condition qui en résulte, fait suite à un accord entre des parties pour le moins inégales. Lorsque, ajoute-t-on, les conditions du classement sans suite sous condition consistent en une peine sans peine, du type du don à une association caritative, n'y a-t-il pas là le prononcé d'une sanction avant même le déclenchement des poursuites ?

Ces difficultés réelles sont celles relevées par le Conseil constitutionnel dans sa décision condamnant l'injonction pénale. Elles pourraient être largement atténuées par une bonne information du justiciable sur le type de procédure dans lequel il est engagé, avec son accord et l'assistance possible d'un avocat.

A court terme, la question de la prise en charge par l'aide juridictionnelle ou l'aide juridique de l'assistance d'un avocat avant le déclenchement des poursuites devra être résolue.

Dans le cas d'une médiation-négociation sous contrôle judiciaire, la qualité de citoyen-médiateur, non magistrat en exercice ou honoraire, évite ce risque de brouillage et de confusion. C'est d'ailleurs cette médiation là et celle-là seulement que retient la circulaire du 19 mars 1996.

zs Christine LAZERGES, « La politique criminelle », Que sais-je ?, n° 2356, p. 103.

29Sophie CARLIER, « Quand le parquet se fait juge », Dossier La Commande Sociale, Service droit des jeunes (Lille).

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Une clarification des procédures de médiation devrait conduire à substituer à la médiation pénale judiciaire un classement sans suite sous condition encadré législativement et à réserver l'expression de médiation pénale à la médiation-négociation exercée par un ou deux médiateurs laïques, habilités, et placée sous contrôle judiciaire a priori et a posteriori. Il est nécessaire pour cela de lever l'ambiguïté de l'article 41 alinéa 6, qui, par son flou, autorise aussi bien la médiation pénale judiciaire que sociétale sous contrôle judiciaire, quoiqu'en dise la circulaire du 19 mars 1996.

Mais en proposant de développer ce dernier type de médiation, ne s'engage-t-on pas en même temps dans la voie d'une privatisation du système de justice pénale ?

b - L'apparente privatisation partielle du système de iustice pénale, pour l'heure, ne semblait critiquable qu'à propos des établissements pénitentiaires à gestion mixte.

Personne ne conteste que les comités de probation puissent faire appel à des travailleurs sociaux bénévoles ou que les assesseurs du président du Tribunal pour enfants soient des laïques habilités en raison de leur probable compétence dans le domaine de l'enfance et de l'adolescence.

Pour les établissements pénitentiaires à gestion mixte, une étude conduite actuellement par l'ERPC (Université de Montpellier I), l'EPRED (Université de Poitiers) et le CDPC (Université de Paris X Nanterre) montre que la direction de chaque établissement de ce type, loin d'être bicéphale, reste publique, le secteur privé exerçant ses compétences sur le mode d'un sous-traitant. Il n'y aurait pas à proprement parler de privatisation 30

Peut-on dire de la médiation-négociation sous contrôle judiciaire, qu'elle est dans la position d'un sous-traitant du service public de la Justice ? Oui, s'il s'agit de signifier qu'un encadrement judiciaire existe, non s'il s'agit d'entendre que la médiation pénale est un succédané bâtard de la justice pénale.

A la vérité, la médiation pénale constituera bien une forme de déjudiciarisation, une alternative à part entière à la réponse pénale, si pleinement volet de la politique de la ville, prise en compte et cadrée par les contrats de ville, elle exprime une autre Justice cherchant non pas à trancher mais à dénouer, à apprendre aux parties en présence à se reconnaître mutuellement.

Nous plaidons à la fois pour plus d'autonomie de la médiation pénale et plus de vigilance à l'égard de la médiation pénale, vigilance exercée en particulier par les acteurs de chaque contrat de ville, dont font partie au premier rang les représentants du service public de la Justice.

Laissons le mot de la fin à Paul Ricoeur dont le message exprime toute l'ambition de la médiation pénale : « Trancher..., c'est séparer, tirer une ligne entre le « tien » et le « mien ». La finalité de la paix sociale fait apparaître en filigrane quelque chose de plus profond qui touche à la reconnaissance mutuelle ; ne disons pas réconciliation ; parlons encore moins d'amour et de pardon, qui ne sont plus des grandeurs juridiques, parlons plutôt de reconnaissance » 31

30 Cf. « Les établissements pénitentiaires à gestion mixte », Rapport de recherche intérimaire, Archives de Politique Criminelle, n° 19, Pédone, avril 1997.

31 Paul RICOEUR, Le Juriste, p. 190, Editions Esprit 1995.

3-LA MEDIATION PENALE : SON EMERGENCE, SES CARACTERISTIQUES, ET