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1.2 Applications considérées

1.2.1 Navire à supercondensateurs Ar Vag Tredan

La première application présentée dans ce chapitre est aussi celle avec laquelle nous avons démarré nos activités de modélisation et d’optimisation de systèmes. Elle concerne un ferry de type catamaran, dédié au transport de passagers et fabriqué par le chantier naval STX. Ce navire, baptiséAr Vag Tredan, a pour mission d’assurer la traversée régulière de la rade de Lorient (Morbihan, Bretagne), à raison de 28 à 35 rotations quotidiennes d’une demi-heure (voir Figure 1.1).

L L L

Profil de charge

aller retour recharge

Figure. 1.1 – Illustration de la chaîne de conversion et de stockage à supercondensateurs du navire Ar Vag Tredan.

La première problématique à s’être posée pour cette application concerne le choix de la source d’énergie et de l’architecture de la chaîne de conversion. En effet, lors des premiers développe- ments de ce navire (2008), plusieurs technologies concurrentes permettaient de répondre au cahier des charges techniques, que ce soit en terme de densité d’énergie, de puissance et d’en- combrement. De même, compte tenu du cycle court de cette navette, deux stratégies pouvaient être envisagées, à savoir une recharge de plusieurs heures par jour en embarquant l’énergie nécessaire pour l’ensemble des traversées, ou une recharge rapide par trajet. Visualisée sur un diagramme de Ragone (voir Figure 1.4), la contrainte du temps de recharge est donnée par

une droite dont la pente est égale au temps caractéristique considéré. Une technologie située sous cette droite peut être interprétée comme étant surdimensionnée en énergie et sous dimen- sionnée en puissance. Il faudra alors surdimensionner le système de stockage pour atteindre la contrainte en puissance. Inversement, une technologie située au-dessus de la droite répondra naturellement aux besoins en puissance et le dimensionnement se fera uniquement sur le besoin énergétique. La prise en compte d’une contrainte supplémentaire d’encombrement ou de poids implique l’ajout de deux droites, l’une verticale et indiquant la densité d’énergie minimale, l’autre horizontale et fournissant la densité puissance minimale. Ainsi, la stratégie consistant à

Densit´e d’´energie (Wh/kg) De n si t´e d e p u is sa n ce (W / kg ) S.C. Li-ion Volant Inertie Acide-Plomb Pile+R´eservoir

densit´e de puissance min. (200 kW - 10 t) de ns it ´e d’ ´ene rg ie m in. (1 4 k W h - 1 0 t) (45 kW - 10 t) (4 6 0 k W h - 1 0 t) recha rge=1 0 h recha rge=4 min 100 101 102 103 100 101 102 103 104

Figure. 1.2 – Diagramme de Ragone de différents systèmes de stockage et de production d’énergie électrique, en tenant compte des limites en recharge des technologies électrochimiques.

effectuer une recharge par jour peut être assurée par des batteries de forte densité d’énergie telles que les Li-ion, ou par une pile à combustible associée à un système de stockage haute pres- sion. Cette dernière solution est la plus intéressante techniquement, du fait de la forte densité d’énergie de l’hydrogène et du faible temps de recharge du réservoir. Par contre, le coût élevé et la durée de vie limitée de cette solution fait des batteries électrochimiques la meilleure solution technique pour cette stratégie de recharge. Dans le cadre d’une stratégie avec une recharge par rotation et en tenant compte de l’ensemble des contraintes techniques de puissance, d’énergie et de poids, les deux technologies envisageables sont le stockage mécanique par volant d’inertie et le stockage électrostatique par supercondensateur. Ces deux technologies sont assez similaires d’un point de vue technique, puisqu’elles permettent d’atteindre les mêmes gammes de densité d’énergie et de puissance (avec des degrés de libertés supplémentaires pour le volant d’inertie)

et présentent des durées de vies équivalentes, compatibles avec la durée d’exploitation du navire qui est estimée à une vingtaine d’années. Dans (Olivier et al.,2014), le dimensionnement d’un système de stockage à volant d’inertie a été proposé pour cette application. Cette étude a ainsi montré la pertinence technique de cette technologie à savoir un encombrement et un poids plus faible, pour un rendement équivalent. Néanmoins, le stockage inertiel est une solution encore trop peu développée et structurellement complexe. La combinaison de ces différents éléments aboutit à un système très coûteux et dont la maturité n’est pas suffisante.

En synthèse1, nous avons eu à arbitrer sur un choix entre deux solutions techniquement et économiquement viables, à savoir une stratégie de recharge journalière avec un stockage électrochimique de type Li-ion, et une stratégie de recharge par trajet, avec un stockage à supercondensateurs. Une analyse assez rapide de ces deux scénarios montre une différence significative quant à leur coût total annualisé. En effet, la durée de vie des supercondensateurs, sous certaines précautions d’usage, est telle qu’il peut être facilement envisagé de n’effectuer aucun remplacement de ces derniers sur toute la durée d’exploitation du navire. Au contraire, les batteries Li-ion ont une durée de vie limitée, qui est estimée pour cette application entre 5 et 7 ans. Cela implique de remplacer au moins deux fois la totalité du système de stockage. C’est finalement ce remplacement qui fait que la solution batterie est beaucoup plus coûteuse que la solution à supercondensateurs, en dépit de la moindre maturité technologique et du plus faible déploiement de cette dernière.

Notre travail, mené dans le cadre d’une collaboration avec le chantier naval STX, visait donc à proposer un outil de dimensionnement de la chaîne de conversion et de son système de stockage associé, en tenant compte des différentes contraintes techniques de l’application. L’objectif est alors de minimiser le coût de ce navire, en tenant compte des coûts cumulés d’acquisition, d’exploitation et de maintenance. Pour atteindre cet objectif, un certain nombre d’étapes ont été nécessaires. La première a consisté à faire un inventaire de l’ensemble des composants et sous systèmes à modéliser, ainsi que les différents domaines physiques qui leurs sont associés. L’étape suivante a été de mettre en œuvre ces modèles. Grâce à une littérature abondante et à une certaine maturité de la plupart des organes constituant la chaîne de conversion, une partie de cette tâche a pu être menée assez facilement et a essentiellement consisté en un travail de bibliographie et de synthèse. En revanche, la mise œuvre des modèles des supercondensateurs a nécessité un travail plus conséquent. Ces derniers constituent en effet à eux seuls près de 20 % du coût d’acquisition du navire2. De plus, la durée de vie de ces organes étant une donnée cruciale dans la phase d’optimisation, cette dernière doit pouvoir être estimée avec exactitude. Or, le vieillissement des supercondensateurs est très fortement corrélé à leur usage, et plus particulièrement à leur historique d’exposition en tension et température. Une modélisation multi-physique assez fine a donc dû être élaborée, avec la difficulté de devoir tenir compte d’échelles de temps très différentes, qui sont de l’ordre de la seconde pour le domaine électrique, de l’heure pour la thermique, et de plusieurs années pour le vieillissement. De plus, notre objectif

1. En introduction de (Trieste et al.,2015), une rapide analyse des stratégies de recharge et des technologies potentielles est présentée.

2. Le coût total de ce navire est de 3.2 Me avec un coût estimé de 600 ke pour les supercondensateurs, voir (Torregrossa,2013) pour plus de détails.

principal étant l’optimisation du dimensionnement, le temps de simulation du problèmedirect doit être ramené à une valeur raisonnable. Un travail conséquent a ainsi été mené dans le but de rechercher pour les modèles les plus importants le bon équilibre entre complexité et fidélité. En conclusion, cette application très innovante de par son architecture, son cycle d’usage et la technologie de stockage retenue, nous a amené à lever un certain nombre de verrous concernant la mise en œuvre et l’intégration de modèles multi-physiques et technico-économiques pour les différents sous-systèmes de la chaîne de propulsion de ce navire. C’est donc naturellement que nous nous appuierons sur cette application lors de la synthèse de nos travaux autour de la modélisation et de l’optimisation des chaînes de conversion d’énergie.