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CHAPITRE 5 : ÉTUDE DES FILMS SENSIBILISES

5.2. Étude par spectroscopie résolue en temps

5.3.3. Nature de la relaxation spectrale

5.3.3.1. Relaxation spectrale inhomogène

L’utilisation des TRFS pour l’analyse de l’inhibition de fluorescence nous permet de ne pas considérer les effets de la relaxation spectrale. Dans cette section, nous nous proposons de discuter de son origine au travers de nos résultats.

En solution, la relaxation spectrale est due à la stabilisation de l’état excité par des processus tels que la dynamique de solvatation et la relaxation conformationnelle, traitées dans le chapitre 3. Sur film, du fait d’un environnement inhomogène, il existe une

distribution de l’énergie de l’état excité. Comme la vitesse du processus d'injection dépend de cette énergie (discuté au chapitre 2), la constante de vitesse d’injection n’est pas la même pour tous les environnements.

Figure 5.15. Schéma de principe d’une relaxation spectrale due à une forte dépendance

en énergie de la relaxation de l’état excité. A un temps 𝑡 = 0, la distribution de population de l’état excité (W(E)) est uniforme. L’injection est plus rapide pour les énergies les plus hautes du fait de l’augmentation de la densité d’état accepteur (D(E)). De ce fait, la distribution à l’état excité évolue avec le temps résultant en une baisse de l’intensité de fluorescence et en un déplacement de Stokes dynamique.

Dès lors, le processus de l’injection pourrait générer une relaxation spectrale effective : les états excités de plus haute énergie injectent plus rapidement, entraînant un déplacement de la fluorescence vers le rouge. Ce mécanisme de relaxation spectrale inhomogène est schématisé dans la Figure 5.15. Il a été proposé dès 2001 par Tachibana et al.203 dans leur étude par FU de l’injection d’électron d’une porphyrine de zinc adsorbée

sur TiO2. Il fait écho à la description de la relaxation spectrale par Agmon où la solvatation

n’est pas due à la stabilisation de l’état excité mais à la dépendance de la constante radiative à l’énergie de l’état excité.204 Ce processus pourrait expliquer la relaxation

spectrale ininterrompue (n’atteignant pas une valeur asymptotique) pour les films de P1 sur NiO et RK1 sur TiO2.

Dans cette perspective, il devient possible d’interpréter la constante de vitesse d’injection en fonction de la longueur d’onde de fluorescence observée. Ainsi, Wang et coll. ont utilisé les déclins de fluorescence de cellules sensibilisées par deux colorants push- pull pour obtenir les durées de vie moyennes en fonction de la longueur d'onde.125 Le

temps moyen de l'injection et le rendement quantique de l'injection ont alors été calculés pour chaque longueur d'onde de fluorescence. Ces résultats sont présentés en Figure

5.16.

Figure 5.16. a) Temps moyen d'injection d'électron et b) rendement quantique

d'injection dans le TiO2 des colorants C239 et SC-4 en fonction de l'énergie de l'état excité

(correspondant à la longueur d'onde de fluorescence) d'après les figures 1 et 5 de la référence 125.

Effectivement, 𝑘𝑖𝑛𝑗 augmente avec l’énergie de l'état excité. Cependant, l'augmentation du rendement quantique d'injection avec la longueur d'onde de fluorescence est surprenante. Cela montre simplement que l’injection inhomogène ne peut pas expliquer l’ensemble des observations. L'injection est en concurrence avec des phénomènes de relaxation spectrale des états chauds ou d’inhibition de la fluorescence.

La dépendance du rendement quantique d’injection à la longueur d’onde implique donc une relaxation homogène telle que la solvatation, la relaxation vibrationnelle, etc. Dans ce cadre, nous estimons qu’il n’y a pas de raison de considérer une dépendance à la longueur d’onde.

Les résultats des films sensibilisés par RK1 ainsi que ceux de la littérature tendent à montrer qu’une forte relaxation spectrale intervient sur Al2O3 quand bien même

l’injection n’est pas permise.

5.3.3.2. Changement de structure électronique

Pour expliquer ce comportement, et compte-tenu de nos résultats en solution démontrant l’existence d’une relaxation électronique S1/FC → S1/CT (chapitre 3) et des

observations déjà réalisées dans ce chapitre, nous proposons un schéma impliquant une telle relaxation. La Figure 5.17 schématise l’influence d’une relaxation électronique pour le colorant adsorbé à la surface de l’oxyde métallique et ses TRFS. Si l’état S1/CT est moins

radiatif, la relaxation électronique est accompagnée d’une baisse partielle de l’intensité de fluorescence et d’un déplacement spectral dépendant de la stabilisation relative des états S1/FC et S1/CT dans le milieu.

Figure 5.17. Schéma de principe d’une relaxation spectrale due à un changement de

nature de l’état émissif.

La relaxation vers un état moins émissif doit alors être prise en compte dans la relaxation totale. Nous notons 𝑘𝑟é la constante de vitesse de la relaxation électronique. Celle-ci n'est pas directement ajoutable dans les équations (5.7) et (5.8) car elle ne représente pas une voie de relaxation de l'état excité vers l'état fondamental.

Si l'état S1/CT est le même sur Al2O3 et TiO2, et si la dynamique de relaxation

électronique est similaire, le rendement quantique d'injection défini par les équations (5.5) et (5.6) est toujours valable.

L’observation des déclins de fluorescence de RK1 sur Al2O3 et en particulier d’une

"montée" indique la présence d’une relaxation spectrale homogène. Celle-ci est associée dynamiquement à une inhibition partielle de la fluorescence. Pour ces deux raisons, nous estimons que RK1 subit une relaxation électronique depuis l’état S1/FC vers l’état S1/CT.

Pour RK1, nous faisons l’hypothèse que l’état S1/CT est le même sur les films étudiés.

Cette hypothèse est appuyée par les similitudes entre les spectres de fluorescence stationnaire sur TiO2 et Al2O3. Des mesures plus précises de rendements quantiques de

fluorescence auraient permis de remonter aux valeurs de 𝑘𝑟𝑎𝑑 afin de vérifier notre hypothèse. Pour les cellules scellées de TiO2 et d’Al2O3 co-sensibilisées par RK1, les

amplitudes associées au temps caractéristique le plus long dans l'ajustement multi- exponentiel sont très proches (0,32 et 0,29). Ceci indique une émissivité similaire pour l’état S1/CT sur les deux colorants.

Par ailleurs, si 𝑘𝑟é est beaucoup plus grand que 𝑘𝑛𝑟 et 𝑘𝑖𝑛𝑗, le rendement quantique

d'injection peut être obtenu, non pas avec les durées de vie moyennes, mais avec la durée de vie de l'espèce relaxée correspondant à la deuxième phase de l’inhibition de la fluorescence. En considérant donc uniquement l’injection depuis l’état S1/CT qui est lente

devant la relaxation électronique dans les cellules complètes, un rendement quantique d’injection de 0,85 s’obtient alors en utilisant les valeurs de 𝜏3, qui représentent l’inhibition de la fluorescence de l’état S1/CT, au lieu de la durée de vie moyenne. La

différence est faible (0,86 en utilisant 〈𝜏〉) sauf pour le temps caractéristique de l’injection qui passe de 51 à 97 ps. Ce calcul n’est pas possible quand la dynamique de relaxation spectrale de l’état excité est concurrencée par l’injection de charges, c’est-à-dire, lors de l’étude des films à l’air libre.

5.4. Bilan des dynamiques des chromophores