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La nature de l’action du service du Développement des publics dans le cadre des

Naissance et développement

Il apparaît intéressant de faire un point sur l’évolution de ce service, en théorie indissociable de toute entreprise de montage d’exposition, et qui va être à l’origine de plusieurs initiatives d’accompagnement du public. C’est à l’origine l’accroissement du nombre de visiteurs et l’augmentation des demandes de visites, libres ou guidées, formulées par les écoles qui ont incités la création d’un nouveau service. Le Bureau d’Action Culturelle du MAN naît en 1973410. Antenne de celui du musée Louvre, il travaille en liaison avec le Bureau d’Action Culturelle de la DMF. Sa mission est ainsi définie : « coordonner les demandes de visites scolaires afin d’éviter une trop grande affluence aux mêmes heures dans les mêmes salles, il assure également aux enseignants, pour la visite des différents départements, le concours de personnes compétentes », c’est-à-dire des conférencières de la RMN et des chargés de mission du MAN411.

L’émergence du service est donc inscrite par la nécessité de fournir une assistance au jeune public. Il organise par ailleurs un colloque sur le thème « Le Musée et l’École », destiné à souligner l’importance de la fréquentation des musées par les enfants et son impact sur leur intelligence et leur développement intellectuel412. Cette initiative est prolongée par la tenue

410 L’article de la revue Antiquité nationales faisant état de cette création date de 1973, mais la fondation effective

est peut-être légèrement antérieure.

411 Antiquités nationales, n°5, 1973, 72 p. 412 Ibid.

141 d’une exposition abordant le même sujet. Elle présente les travaux d’enfants réalisés à la suite de visites au MAN. L’expérience a permis de constater l’impact des œuvres exposées sur l’esprit et l’imagination des enfants413. Sous l’impulsion de René Joffroy, la vie du MAN s’est

considérablement transformée et renouvelée. Le secteur de « l’action culturelle », essentiellement en direction du public scolaire, a été défini comme prioritaire414.

Aujourd’hui, à l’échelle de l’exposition permanente du musée, l’offre s’est encore diversifiée ; outre les traditionnelles visites-conférences, forme la plus ancienne et la plus répandue, plusieurs ateliers sont proposés à des publics jeunes, parfois accompagnés de leurs parents. Reste à savoir à partir de quand ce service, s’activant pour assurer la médiation au sein du musée, s’est-il également engagé dans le processus de construction des expositions du MAN ? S’il existe depuis maintenant une cinquantaine d’années, comment appréhender la nature de son action et des relations établies avec le reste des équipes ? L’étude des expositions autorise en la matière une approche décalée.

Rapports avec les autres services du musée

Les liens construits en ce service et le « pôle scientifique » du MAN, l’organe bâtisseur des expositions conçues ou adaptées par le musée, doivent être considérés. Existe en théorie la nécessité d’un décloisonnement, d’une perméabilité, pour que s’instaure un dialogue entre les deux instances. C’est la confrontation et la complémentarité des compétences spécialisées : celles œuvrant à la constitution du savoir scientifique et celles agissant pour sa transmission. Toute exposition est affaire de partenariats, intellectuels et matériels. Il est souvent acquis qu’échanger avec l’extérieur – des compétences, des savoirs, des objets, du mobilier muséographique, etc. –, fait partie des incontournables sans lesquels l’exposition peut difficilement voir le jour et trouver toute sa pertinence. En revanche le jeu des échanges que nécessite à l’intérieur de l’institution cette organisation est une affaire moins débattue. Si le problème se pose moins pour les petites structures – où, pour des raisons facilement compréhensibles, sont favorisés, encouragés les interactions et le travail en commun –, pour les structures de taille moyenne comme le MAN, suffisamment développée pour que se superposent plusieurs services, et autant de savoir-faire spécialisés différents, la conciliation se trouve parfois plus délicat.

Il faut sans doute rappeler que « Pendant longtemps, le musée n’a pas ressenti le besoin

413 Antiquités nationales, n°6, 1974, p. 8-9.

142 de s’adjoindre des services de médiation culturelle clairement identifiés en son sein, justement parce que la médiation était assumée par le concepteur de l’exposition lui-même. En faisant le choix de sélectionner telle œuvre, de la placer de telle manière en la juxtaposant à telle autre, et en dessinant tel ou tel parcours dans l’espace que le visiteur est censé suivre, s’opère déjà des mises en discours, des accompagnements et une transmission. Ce sont ces orientations, ces découpages, par exemple en zones thématiques, en écoles artistiques, en aires géographiques qui ont durant longtemps suffit à faire médiation415 ». L’exposition moderne, parce qu’elle implique pour sa réalisation un brassage des compétences et l’intervention de plusieurs experts, est aussi un bon indicateur du degré de communication interne à l’institution. Elle se conçoit plus comme l’affaire du seul commissaire. Pour prendre un exemple parmi bien d’autres, au musée national d’ethnologie de Leyde, le schéma suivant est adopté : afin de concevoir le programme de l’exposition, est fait appel à un scientifique, l’ethnologue qui apporte les informations, un « éducateur » qui retranscrit en langage clair les données de terrain, et enfin un architecte qui transcrit les idées en forme. L’ethnologue n’est plus le seul à décider, il est une voix dans une équipe416. Comme le souligne également Jean-Bernard Roy, il y a une « incompatibilité dans la pratique entre la finalité culturelle du musée et la finalité scientifique et individuelle de son personnel ! Il n’est plus toujours possible à la même personne d’être à la fois chercheur professionnel, gestionnaire d’institution muséale, médiateur œuvrant au service des publics, face à la diversité de leur demande »417.

Avouons sans langue de bois qu’il existe toujours une certaine défiance vis-à-vis des professionnels de la médiation. Le MAN ne coupe pas à la règle. Elle est certainement due à la l’effet conjugué d’une méconnaissance des travaux et des recherches menées dans ce domaine, de ses apports, ainsi que d’un manque de confiance allié à conception archaïque du métier de conservateur voire de la mission dévolue aux musées. Ainsi, dans le cadre des expositions temporaires, se dévoile parfois le sentiment d’une médiation perçue comme un complément, un accessoire : « Loin d’être placé au cœur de l’institution, lui donnant son sens même, elle demeure un service auquel on consent et pourvoit si les moyens en sont donnés. Elle permet de justifier de l’utilité publique de la structure mais elle n’intéresse guère »418. Au MAN,

l’existence de ce désintérêt est attestée au travers deux cas de figure. Il est arrivé encore

415 Chaumier, Serge, Mairesse, François, La médiation culturelle, Paris, Armand Colin, 2013, p. 42.

416 Peltier, Philippe, « Les musées: art ou ethnographie ? », Du musée colonial au musée des cultures du monde,

Actes du colloque organisé par le musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie et le centre Georges Pompidou, 3-6 juin 1998, textes réunis par Dominique Taffin, Maisonneuve et Larose, 2000, p. 210-211.

417 Roy, Jean-Bernard, op. cit., p. 43.

143 récemment que le service du Développement des publics réalise des activités connexes à l’exposition, sous forme d’atelier, sans que ce soit instauré de réel dialogue avec le commissaire. Dans une autre configuration, les concepteurs peuvent également solliciter le service mais en dernier recourt, sans qu’il n’ait pris part au processus au lent et débattu processus de composition de l’exposition.