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L’ouvrage de Michael Billig paru en 1995, Banal Nationalism, s’inscrit résolument dans les nouvelles approches postclassiques de la théorie du nationalisme que nous avons abordées dans le précédent chapitre (Özkirimli, 2010 ; Day et Thompson, 2004). Le nationalisme banal de Billig réfère « aux habitudes idéologiques qui permettent aux nations établies de l’Occident de se perpétuer » (Billig, 1995 : 6). L’adjectif « banal » n’y est pas entendu au sens de bénin, mais fait plutôt référence à l’aspect routinier, quotidien, voire inconscient de cette forme de nationalisme.

Le caractère postclassique du nationalisme banal est d'abord observable dans le fait que l'auteur porte son attention sur le nationalisme des États occidentaux, et particulièrement sur celui des États-Unis, ce qui, à l’époque de sa publication, fait office de nouveauté (Özkirimli, 2010 : 171). Il s'écarte du débat classique entre modernistes, primordialistes et ethnosymbolistes pour s'intéresser plutôt à la reproduction et au maintien des nations dans le temps. Billig ne cherche pas à comprendre quand ou comment la nation s'est construite : « Constatant la permanence du modèle national, il préfère interroger les fondements de sa primauté idéologique à l'époque contemporaine » (Martigny, 2010a : 8). Pour Özkirimli, Michael Billig peut d'ailleurs être considéré comme le premier à offrir une analyse systématique de la perpétuation et de la reproduction du nationalisme (Özkirimli, 2010 : 171), et ce, au quotidien plutôt que dans une perspective de longue durée (Skey, 2009 : 334). L'approche de Billig s'inscrit également dans une perspective postclassique en ce qu'il étudie le nationalisme en tant que construction discursive.

Ce chapitre présentera l'essentiel du concept de nationalisme banal qu'introduit Michael Billig dans l'ouvrage du même nom, sans toutefois en faire un résumé exhaustif. Nous survolerons ensuite la littérature secondaire que le concept de nationalisme banal a engendrée et les critiques qui ont été formulées à son endroit.

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Une définition problématique

Une première contribution importante de l'ouvrage Banal Nationalism a été de rendre visible une importante lacune dans la théorie du nationalisme (Day et Thompson, 2004 : 5). D'entrée de jeu, le chercheur critique la définition du nationalisme qui est en usage dans le milieu académique, qu’il juge trop restreinte. Si les chercheurs occidentaux rendent compte abondamment du nationalisme comme un phénomène conflictuel qui déstabilise l'organisation des sociétés, Billig soutient qu'ils ignorent toutefois le nationalisme de leur propre État. Il souligne que le nationalisme doit être compris non seulement comme l’idéologie qui conduit les nations minoritaires à résister à l’État, mais aussi celle que met en œuvre l’État une fois constitué afin de maintenir l’unité et se perpétuer (Billig, 1995 : 15). L’étiquette du nationalisme devrait être pensée comme « l’idéologie qui crée et permet de maintenir les États » (Billig, 1995 : 19), plutôt que d’être apposée principalement sur les mouvements qui revendiquent l'autodétermination.

Les auteurs des travaux classiques portant sur le nationalisme et qui négligent le nationalisme des États constitués souffrent, aux yeux de Billig, de ce que d'autres ont nommé « nationalisme méthodologique » (Wimmer et Glick Schiller, 2002 : 327), c’est-à-dire « the assumption that the nation/the state/the society is the natural social and political organization of the modern world » (Wimmer et Glick Schiller, 2002 : 302). Le fait de limiter la définition du nationalisme pour qu'elle s'applique uniquement aux « autres » permet de renforcer l'impression de normalité des États constitués. La théorisation du nationalisme dans les travaux classiques rend donc invisible le nationalisme des États constitués de deux manières : par la naturalisation et la projection du nationalisme. Il s'agit de deux dynamiques qui serviront à circonscrire le concept de nationalisme banal.

La naturalisation de la nation

Dans sa proposition de définition élargie du nationalisme, Billig expose le phénomène comme une idéologie, c'est-à-dire comme des « patterns of belief and practice, which make existing social arrangements appear « natural » or inevitable » (Eagleton cité dans Billig,

1995 : 17). Le nationalisme cherche à faire de la nation quelque chose de naturel et d’intemporel, auquel les membres sont liés dans le temps et l’espace. Cette entreprise de construction nationale est également une bataille pour l’hégémonie, puisqu’elle fait triompher une façon d’imaginer la nation sur les autres possibles. Billig montre par exemple que dans cette entreprise hégémonique le concept même de langue a joué un rôle très important.

En effet, le dialecte associé à la vision qui l'emporte sur les autres lors de la création ou de la consolidation de l'État devient langue nationale, tandis que les autres demeurent des dialectes appelés à disparaître (Billig, 1995 : 32). La narration de l'histoire nationale est également sujette à des tensions entre des visions concurrentes quant aux mythes fondateurs et à l'interprétation des événements historiques (Billig, 1995 : 70). Une de ces visions sera appelée à devenir la version officielle enseignée dans le système national d'éducation, jusqu'à ce qu'une autre réussisse à s'imposer dans le temps.

La vision d’une partie de la communauté nationale en vient par conséquent à représenter l’ensemble (Billig, 1995 : 27). À partir du moment où cette vision est liée à un État constitué, elle n'est plus seulement imaginée, mais relève aussi du vécu. L'identité nationale n'est plus uniquement d'ordre psychologique, mais devient « (a) form of life which is daily lived in a world of nation-states » (Billig, 1995 : 68). Dès lors, l'absence de cette nation devient soudain inimaginable (Billig, 1995 : 77). Pourtant :

[…] the assumptions, beliefs and shared representations, which depict the world of nations as our natural world, are historical creations : they are not the "natural", common-sense of all humans. At other times, people did not hold the notions of language and dialect, let alone those of territory and sovereignty, which are so commonplace today and which seem so materially real to "us". So strongly are such notions embedded in contemporary common sense that it is easy to forget that they are invented permanencies (Billig, 1995 : 36).

De la même façon, dans les travaux classiques, l’organisation des populations en un système international n’est pas située dans son contexte historique et est elle aussi présentée comme naturelle. De plus, la loyauté à cet État est associée à un besoin psychologique

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(besoin d’identité ou de liens primordiaux) endémique à l’humain : le nationalisme de ces États cesse non seulement d’être perçu comme du nationalisme, mais cesse également d’être un objet digne d’investigation. Billig déplore par exemple que la sociologie s'intéresse aux « sociétés », sans toutefois reconnaître que ces sociétés sont le produit même du nationalisme (1995 : 38). La théorie « naturalisante » permet donc de dépeindre l’État-nation comme naturel, voire intemporel, plutôt que comme le produit d’une époque particulière et d’une idéologie.

La naturalisation met en lien de façon paradoxale l'oubli et le rappel de la nation. En effet, le nationalisme banal suppose un rappel quotidien de la nation et permet à chacun de ne pas oublier de quelle nation il vient et dans quelle nation il vit. Billig souligne que ce rappel s'effectue inconsciemment et est oublié. La nation ainsi signalée à l'esprit des populations laisse en plan les versions concurrentes de l'histoire nationale, ou encore le monde qui préexistait aux États-nations. Ernest Renan avait mis en lumière le fait que les historiens oublient des éléments dans la construction de l'histoire nationale. Billig soutient qu'en parallèle, les chercheurs en sciences sociales oublient le nationalisme contemporain des nations occidentales tout en le projetant sur les autres (1995 : 38).

La projection du nationalisme

Une fois le nationalisme des États rendu invisible, ces derniers étant dépeints comme « naturels » et « permanents », il devient aisé d’adopter une définition très restreinte du nationalisme et de le limiter aux mouvements qui luttent pour créer des nouveaux États. Ce nationalisme est qualifié d'émotionnel, d'irrationnel et d'extrême, et l'attachement à la « société » ou la nation n'est plus associé à un besoin primordial d'identité comme il l'est pour les « sociétés » établies. Il est dépeint comme un phénomène problématique, qui est excédentaire au bon ordre international et qui se situe en périphérie des États constitués de l'Occident (Billig, 1995 : 38) : « Nationalism, thus, is typically seen as the force which creates nation-states or which threatens the stability of existing states. […] nationalism takes the guise of separatist movements or extreme fascistic ones » (Billig, 1995 : 43).

S'appuyant sur les travaux classiques de la théorie du nationalisme, Billig montre bien que des chercheurs comme Karl Deutsch, Anthony Giddens ou Miroslav Hroch cessent d'investiguer le phénomène lorsque l'État réclamé est constitué ou le circonscrivent à ses manifestions exceptionnelles et émotionnelles. Hroch définit par exemple trois étapes au nationalisme. Premièrement, l'éveil de l'idée nationale auprès de l'élite intellectuelle ; deuxièmement, sa diffusion dans les autres couches de la population ; et finalement, l'émergence d'un mouvement de masse qui réclame un État-nation. Or, Billig constate qu'il n'existe pour Hroch aucun stade ultérieur du nationalisme, ces étapes prennent fin avec la formation d'un État (Billig, 1995 : 44).

Dans les plus rares travaux qui reconnaissent le nationalisme chez les États constitués, Billig explique qu'il est alors présenté comme un épisode passager lors d’un conflit, appelé à disparaître une fois ce dernier réglé. Citant les travaux d'Anthony Giddens, Billig montre que le nationalisme y surgit dans un cadre extraordinaire, lorsqu'il y a dérangement au mode de vie quotidien. Chez Giddens, le phénomène est essentiellement temporaire et représente l'exception plutôt que la règle (Billig, 1995 : 44). Ainsi, lorsque le « virus passager » du nationalisme s'estompe, les drapeaux qui étaient agités sont pliés et rangés, et le nationalisme de ces États devient invisible dans la littérature (Billig, 1995 : 5).

C'est dans cet esprit, poursuit Billig, que plusieurs chercheurs, par exemple Walter Connor, ont tenté de créer une distinction entre le patriotisme, décrit comme un sentiment désirable, voire nécessaire, et le nationalisme, présenté comme extrême, émotionnel et irrationnel (Billig, 1995 : 55). Pourtant, ces deux étiquettes distinctes représentent un même sentiment d'attachement à l'égard de la nation. Patriotes et nationalistes sont tous deux essentiellement motivés par l'amour qu'ils portent à leur nation (Billig, 1995 : 57). Une autre dichotomie observable dans la littérature et qui témoigne également de la projection du nationalisme est celle dont nous avons fait état dans le chapitre précédent qui distingue le nationalisme ethnique et le nationalisme civique. Le premier appartiendrait essentiellement aux mouvements minoritaires ou aux États non occidentaux tandis que le second serait l’apanage des États constitués de l’Occident. Un exemple type de cette dichotomie que fournit Billig se trouve dans l'ouvrage Blood and Belonging du Canadien Michael Ignatieff

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(Billig, 1995 : 45).

L'auteur canadien y dépeint le nationalisme comme étant dangereux et irrationnel, en le limitant aux mouvements minoritaires. L'impression qui se dégage de l'ouvrage est celle d'un nationalisme minoritaire bigot, intolérant, non libéral et basé sur les liens du sang. En contrepartie, il décrit un nationalisme majoritaire civique, libéral, inspiré des Lumières et basé sur la citoyenneté (Billig, 1995 : 46). Il n'est nulle part question de la formation de ces nations occidentales, construites par leurs propres luttes, avec leurs propres mythes, langue et culture. Il omet de mentionner le nationalisme derrière des conflits comme la Guerre des Malouines ou encore la Guerre du Golfe. Le terme «nationalisme », sans qualificatif, est entendu comme foncièrement mauvais et illibéral tandis que le nationalisme des États occidentaux est affublé de l'adjectif « civique ». Billig confirme aussi cette association par défaut du nationalisme à ses formes extrêmes par un survol des journaux britanniques (1995 : 47).

Il offre donc des exemples de cette projection qui sont tirés de la littérature bien connue du nationalisme. Alors que le nationalisme des États occidentaux est largement ignoré, ou réduit à un événement exceptionnel, la théorie classique restreint le phénomène en l'associant aux autres ou à quelques-unes de ses expressions : « By being semantically restricted to small sizes and exotic colours, "nationalism" becomes identified as a problem : it occurs "there" on the periphery, not "here" at the center. The separatists, the fascists and the guerrillas are the problem of nationalism » (Billig, 1995 : 6). Michael Billig introduit donc le concept de nationalisme banal afin de pallier ces lacunes théoriques.

La projection rhétorique du nationalisme sur les « autres », couplée à une théorisation qui naturalise les nations constituées, occulte le fait que les États se servent du nationalisme pour se perpétuer et se maintenir. Pour Billig, une fois l’indépendance obtenue, le nationalisme ne devient pas superflu. Au contraire, il permet à l'État de cultiver l'identité nationale de ses membres, nécessaire à la légitimation de ses actions, à son maintien dans le temps et à l'implication et l'esprit de sacrifice requis en temps de conflit ou de menace. Le

nationalisme doit être conceptualisé comme une condition endémique aux nations constituées plutôt qu'un état temporaire qui réapparaît uniquement en temps de crise ou de menace extérieure (Billig, 1995 : 6). Billig s'intéresse donc à la façon dont les États se maintiennent dans le temps et introduit à cet égard le concept de nationalisme banal, qui, rappelons-le, réfère « aux habitudes idéologiques qui permettent aux nations établies de l’Occident de se perpétuer » (Billig, 1995 : 6). Ces habitudes idéologiques sont observables dans la théorisation courante du nationalisme, comme nous l'avons vu auparavant, mais sont également présentes chez les populations nationales.

Le nationalisme banal suppose un signalement quotidien de la nation, inscrite au sein du système « naturel » international. Il s'effectue par le biais des symboles nationaux, mais aussi, et souvent plus discrètement, par le discours. L’expression de ce nationalisme banal passe notamment par la production et la reproduction de symboles nationaux qui rappellent la nation au quotidien, souvent inconsciemment : « the metonymic image of banal nationalism is not a flag which is being consciously waved with fervent passion ; it is the flag which is being unnoticed on the public building » (Billig, 1995 : 8).

Les symboles nationaux

Il existe selon Billig, un code universel des symboles nationaux, qui sont, eux, particuliers à chaque nation, par exemple les drapeaux, les hymnes nationaux ou encore une étiquette nationale, qui permet de faire une adéquation entre la nation et le territoire. Les gens qui habitent le Pérou deviennent Péruviens, ceux qui habitent la Belgique sont Belges. Cette symétrie grammaticale rend le destin de la nation et de ses habitants inextricable, de telle sorte que s'il n'y a que des Wallons et des Flamands, la Belgique cesse d'exister (Billig, 1995 : 78). De plus, l'identité nationale prend un caractère particulier, non interchangeable. En guise d’illustration, Billig explique : « One can eat Chinese tomorrow and Turkish the day after ; one can even dress Chinese or Turkish styles. But being Chinese and Turkish are not commercially available options » (1995 : 139).

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Ainsi, chaque nation constituée adopte sa propre définition de l'identité nationale, composée notamment des variantes nationales de ces symboles reconnus par la communauté des nations. Ces symboles qui participent à la construction de l’identité nationale mélangent l’universel et le particulier. Puisque le nationalisme est une idéologie, l'État-nation est légitimé sur la base de principes universels (chaque nation devrait avoir son État, etc.). Cependant, afin de créer une identité nationale prégnante, il importe pour les États de se distinguer les uns des autres en créant des symboles particuliers à la nation, ainsi qu'en distinguant le « nous » national du « eux », les non nationaux (Billig, 1995 : 73).

Les théories des constructions de l'identité ont démontré qu'il n'y a pas de communauté imaginée (de « nous ») sans « eux » (Billig, 1995 : 78). Comme le « nous » de la nation est délimité aux frontières nationales, le groupe « eux » comprend les autres nations, également imaginées, et les stéréotypes constituent souvent une façon efficace de distinguer différents types d'étrangers, mais aussi de mettre en valeur le caractère unique de « notre » nation. Billig met cependant en garde du risque de confondre le nationalisme à l'origine de cette construction stéréotypée des groupes non nationaux avec l'ethnocentrisme. Il distingue l’ethnocentrisme du nationalisme en ce que le premier implique la négation des autres. Le nationalisme au contraire, a besoin des autres et de cette reconnaissance de la communauté internationale d'États : «Thus, foreigners are not simple "others", [...] they are also like "us" part of the imagined universal code of nationhood. Because nationalism involves this universal perspective, it differs crucially from the secluded ethnocentric mentality » (Billig, 1995 : 83).

Outre les symboles nationaux et les stéréotypes, d'autres moyens servent à construire l'identité nationale. Les représentations de la nation peuvent être diffusées par l'État auprès de la population par le biais des célébrations et commémorations nationales, des productions culturelles, des sports et de l'enseignement de l'histoire. Toutefois, au-delà de ces symboles nationaux reconnus qui occupent l'espace public de façon tantôt discrète, tantôt événementielle, ce sont les habitudes langagières qui, aux yeux de Billig, jouent le rôle le plus essentiel dans la construction des habitudes de pensée qui permettent le maintien de la nation.

La construction discursive de la nation

Plus encore que des symboles nationaux, l'identité nationale est construite et diffusée par les discours médiatiques et politiques. Billig met en lumière dans son ouvrage le rôle important du langage dans la formation de l’identité. Issu du milieu de la psychologie sociale, il accorde une grande importance au langage dans la formation des identités (Billig, 1995 : 18). L'identité nationale ne fait pas exception et il s'applique dans son ouvrage à démontrer le rôle de la langue dans la reproduction des États constitués, à l'instar des travaux de Calhoun ou Wodak précédemment mentionnés.

Billig explique que les habitudes du langage agissent quotidiennement comme un rappel de la nationalité, du territoire national habité et deviennent des platitudes rhétoriques, qui sont éventuellement oubliées et prises pour acquis. Le discours permet de créer dans l'imaginaire collectif de la population les mêmes représentations du nationalisme que Billig s'est appliqué à dénoncer au sein de la théorie du nationalisme. Le nationalisme banal contribue à présenter « notre » nation constituée comme naturelle et normale et à limiter le nationalisme à sa forme conflictuelle et périphérique aux États constitués. Le discours joue donc un rôle très important dans la naturalisation de la nation et sa projection sur les « autres ». Le discours des politiciens et le discours des médias agissent comme principaux vecteurs de ce type de distinction.

Les politiciens et les médias jouent un rôle important dans le rappel de la nation et dans la formation discursive de l’identité nationale car ils se situent au cœur de la nation, explique Billig (1995 : 98). Les politiciens, bien qu'ils ne puissent prétendre en cette ère de cynisme représenter l'ensemble des opinions des membres de la nation, n'en sont pas moins des figures médiatiques prévalentes dont les propos sont rapportés quotidiennement à l'ensemble de la population (Billig, 1995 : 95-96). De plus, ils incarnent la nation hors des frontières nationales.

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l'auditoire national. Ils rapportent l'actualité nationale et internationale et contribuent à forger une vision du monde qui positionne la nation au cœur du système international. En réitérant qui « nous » sommes et où « nous » sommes, les politiciens et les médias font de « notre » nation, parfois aussi présentée plus subtilement comme « notre » société, le contexte objectif. Ainsi, le nationalisme banal dans le discours ne peut pas se mesurer uniquement grâce à la fréquence d'élocution du nom de la nation. Le rappel de la nation par le discours s'accomplit beaucoup plus subtilement, dans la structure même des représentations (Billig, 1995 : 118). Il s'agit de ce que Billig appelle la « déixis » de la nation.

La déixis de la nation

La déixis réfère au lien entre certains référents et leur contexte d’élocution. Un élément déictique peut être un pronom ou un mot dont l’interprétation sera susceptible de varier selon le contexte. La déixis de la nation permet de situer la nation dans le contexte, par

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