• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE IV : M ÉTHODOLOGIE , PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

Groupe 1 Groupe 2 Canada Québec

Europe Eur. de l'Est États-Unis Eur. minoritaire Non occidentaux (n = 43) (n =160)

Groupe 1 Groupe 2 Canada Québec Europe Eur. de l'Est États-Unis Eur. minoritaire

Non occidentaux (n = 43) (n =160) État établi (défense, maintien, célébration) 7,0 11,9 31,6 8,6 État établi (Opposition au gouvernement) - 3,1 - 6,5 État établi (Art, littérature, sport) 27,9 1,3 - - État établi (Camp dans guerre civile) 2,3 6,3 5,3 - Protectionnisme économique 48,8 5,6 15,8 6,1 Affirmation nationale minoritaire 2,3 60,0 5,3 70,6 Opposition au colonialisme ou à une

occupation étrangère - 6.3 - 1,2 Autres 11,6 5.6 42,1 6,9 Ces objectifs des nationalistes sont identifiés dans 58 % des mentions dans les journaux canadiens et, plus régulièrement, dans 73,1 % des cas dans le corpus québécois. Le nationalisme visant le maintien, la défense ou la célébration de la nation au sein d'un État

établi est plus souvent reconnu dans les États d'Occident dans les textes québécois (31,6 %). Les articles canadiens l'identifient davantage dans les États non occidentaux (11,9 %).

Cependant, les corpus à l'étude contiennent plusieurs mentions du nationalisme qui ne font pas partie de ces précédentes catégories. Ainsi, l'étiquette du nationalisme sert parfois à

décrire ce qui relève davantage du domaine économique que du domaine politique. Il s'apparente souvent à du protectionnisme économique, surtout dans les médias canadiens. Cela s'avère principalement dans les États occidentaux pour le corpus canadien (48,8 %) et dans une moindre mesure dans les journaux québécois (15,8 %). Les journaux canadiens restreignent aussi le nationalisme au Canada et en Occident à des manifestations artistiques ou sportives. En effet, le corpus canadien est le seul à contenir des signalements du nationalisme dans les manifestations sportives ou artistiques. Il les reconnaît surtout dans les États occidentaux (27,9 %) et ces signalements renvoient principalement au soutien à l'équipe ou aux joueurs nationaux lors de tournois de soccer en Europe (GM_0608), de hockey (NP_0905) ou de golf au Canada (NP_0706) et, plus vaguement, à la littérature nationaliste canadienne (GM_0607) ou encore à un projet de poésie nationaliste par un artiste canadien (GM_1108).

Au Québec comme au Canada, l'appellation « nationaliste » est également utilisée pour qualifier l'opposition politique à un gouvernement d'un État établi. Cependant, les journalistes se contentent dans la plupart des cas de nommer ce nationalisme sans offrir d'explication aux lecteurs en quoi ces partis, individus ou groupes sont, justement, nationalistes. Par conséquent, il est souvent impossible de saisir quels aspects de leur plateforme ou quelles revendications leur méritent cette étiquette. Les groupes d'opposition sont tantôt pro-occidentaux (Ukraine), tantôt anti-occidentaux (Iran, Afghanistan), de droite (Japon, Ukraine, Grèce) ou de gauche (Chine). Ils sont parfois associés à des coalitions contre le pouvoir en place qui réclament, aux côtés d'autres groupes aux objectifs disparates plus de démocratie ou qui dénoncent les dérives dictatoriales du régime (Syrie, Égypte, Russie), tandis que d'autres sont les porte-étendards de valeurs illibérales (France, Inde, Russie, etc.).

Difficile en effet de comprendre ce qui les rend plus « nationalistes » que leurs adversaires, et ce, tant pour le corpus canadien que pour son équivalent québécois. Après tout, ces nationalistes, loin de contester les frontières ou la légitimité de la nation, évoluent dans la même arène politique nationale. Ces « nationalistes » des États établis sont un peu plus fréquemment présents dans le corpus québécois (6,5 % contre 3,1 %) et se retrouvent

96

uniquement en Europe de l'Est et parmi les États non occidentaux.

Plusieurs attributions du nationalisme ont ainsi peu en commun avec l'idéologie à laquelle réfère le terme, ou même avec la vie politique ou économique. Ces mentions se trouvent jointes à d'autres causes ou idéologies dont l'acceptabilité fait peu de doute pour les Occidentaux auxquels s'adressent les articles. Le nationalisme devient simplement un qualificatif justifié par la xénophobie (anti-Roms, anti-Japonais, anti-immigrants), l'antisémitisme, l'idée de suprématie religieuse (Hindou, orthodoxe) ou raciale (white

nationalists), l'europhobie, l'homophobie et l'islamophobie. De telles mentions sont

présentes à la fois dans le corpus canadien (6,8 %) et le corpus québécois (9,1 %). Elles se retrouvent surtout en Inde, en Europe de l'Est, et, dans une moindre mesure, dans les pays d'Europe de l'Ouest (France, Royaume-Uni, Norvège et Pays-Bas). Aucune n'est cependant identifiées au Québec ou au Canada.

Enfin, l'utilisation du terme « nationaliste » est aussi parfois plus descriptive, alors qu'elle réfère au nom propre de différents groupes impliqués au sein d'une guerre civile, nommément les nationalistes de Tchang Kaï-chek en Chine lors de la guerre civile chinoise et les fascistes espagnols et leurs alliés lors de la guerre civile d'Espagne. Dans le premier cas, l'origine de l'étiquette nationaliste semble provenir de la volonté initiale d'unifier le Nord et le Sud de la Chine. Les nationalistes sont républicains et s'opposent aux rebelles communistes. Dans le second cas, les nationalistes sont les rebelles qui s'opposent au gouvernement républicain espagnol et aux socialistes. Ainsi, bien que dans ces cas il s'agisse d'une étiquette devenue le nom propre des groupes qu'elle désigne et que les journalistes ne font que la relayer, il est tout de même intéressant de noter que le label nationaliste ne qualifie pas de façon cohérente l'idéologie : le point commun entre ces groupes et qui semble faire d'eux des nationalistes est leur opposition aux Communistes ou aux Socialistes, soutenus par les Soviets. Ces mentions de nature descriptive n'apportent pas plus de clarification sur ce que l'étiquette nationaliste représente.

Bref, si la majorité des étiquettes nationalistes dans les deux corpus étudiés correspondent assez bien à la définition du nationalisme, d’autres sont aussi attribuées plus vaguement.

Elles désignent parfois des nationalistes aux objectifs divers. Ces attributions négatives de l’étiquette « nationaliste » semblent relever plus souvent de la volonté de transmettre une impression négative du groupe ou des individus en question que de décrire fidèlement l'idéologie politique que les « nationalistes » défendent. Elles appartiennent alors davantage au domaine de la stratégie discursive.

Les stratégies de dissociation

À l'aide des indications de Wodak et de ses collègues, nous avons donc identifié les stratégies observables dans les différents articles mentionnant un ou des nationaliste (s). Il serait laborieux de présenter ici les quelque 150 exemples identifiés. C'est pourquoi nous les avons regroupés en stratégies similaires, pour lesquelles nous offrirons quelques exemples en guise d'illustration.

L'objectif premier des stratégies de dissociation consiste à distinguer un groupe « eux » par rapport à un groupe « nous » qui s'en trouve consolidé. À cette fin, certaines stratégies consistent à identifier le nationalisme dans des situations conflictuelles, voire violentes, et à en établir l'origine chez les nationalistes. Dans d'autres cas, des verbes ou des expressions à connotation négative sont employés et attribués aux nationalistes. D'autres stratégies, sans ouvertement associer le nationalisme à la violence ou sans utiliser des mots particulièrement négatifs, construisent plus implicitement ce contraste et cette opposition entre le « nous » et le « eux ».

À l'examen des articles, nous remarquons d'abord que le corpus canadien compte plus d'utilisations de stratégies que le corpus québécois : 41 % des occurrences chez le premier comportent une stratégie de dissociation, contre seulement 27 % des mentions dans le corpus québécois. Les journaux canadiens associent également plus souvent le nationalisme à des contextes conflictuels ou violents, ce qui est moins fréquent chez leurs homologues québécois. Outre cela, les deux corpus font usage de stratégies en utilisant des verbes ou des expressions négatives ou encore en créant des distinctions entre un « eux » nationalistes et un « nous ». Il convient d'entrer plus en profondeur dans le texte afin de vérifier si ces

98

stratégies relèvent bel et bien du nationalisme banal et si leur utilisation dans le discours médiatique canadien et québécois sert les mêmes objectifs.

Le nationalisme canadien dans les journaux canadiens

Parce que les mentions du nationalisme au Canada dans le corpus du Globe and Mail et du

National Post sont inattendues, nous verrons d'abord les stratégies qui sont apposées à ces

mentions locales du nationalisme. Servent-elles à se dissocier du nationalisme même s'il se retrouve dans le pays ?

Nous avons vu dans la section précédente que pour les États occidentaux, le nationalisme identifié dans le corpus canadien est plus souvent qu'autrement (76,7 %) du protectionnisme économique ou associé aux sports ou aux arts, mais n'est pas à proprement dit politique. Si nous isolons seulement les mentions du nationalisme au Canada, nous nous apercevons que lorsque les journaux canadiens reconnaissent le nationalisme localement, ils le situent de façon encore plus prononcée parmi ces deux dernières catégories (93,1 %). En effet, les nationalistes sont plutôt des gens ou des groupes prônant des mesures de protectionnisme économique (69 %). Sinon, le phénomène caractérise une certaine poésie et littérature canadiennes ou encore se rattache à l'appui offert aux athlètes canadiens (24,1 %). Spécifions aussi qu'environ le tiers (31 %) des occurrences canadiennes du nationalisme dans le Globe and Mail et le National Post réfèrent à des individus ou à des moments qui ne sont pas contemporains. Le nationalisme canadien n'y est donc pas seulement peu reconnu (14,1 % des lieux du nationalisme) et souvent singularisé à un ou quelques individus (41,4 %), mais il évoque régulièrement quelque chose du passé, qui est aujourd'hui inexistant si ce n'est de quelques gens qui défendent des politiques de protectionnisme économique. Cette doctrine économique est d'ailleurs souvent présentée comme indésirable.

mais aussi dans le Globe and Mail, comme des « éléphants nationalistes » (NP_0914_2)14 dans un univers circassien, des « collectivistes qui se lamentent » (NP_0808) « qui injurient et chicanent » (NP_0922). Leurs arguments sont « a flimsy nationalist gibberish » (NP_1122) ou encore du « nationalist baloney » (NP_0904_3) et qui servent un « nationalist scheme » (NP_0926_2). Ce sont des gens « who usually puke when you drop a nationalist card » (GM_0901_2), mais qui ont des « poussées d'hypocrisie nationaliste » (NP_0904_2) « donnant la chair de poule » (NP_0725).

L’impression livrée au lecteur est donc excessivement négative. Le protectionnisme économique des acteurs dépeints n’étant de toute évidence pas partagé par ces journalistes, il se retrouve ainsi associé à du nationalisme. Bien que le nationalisme soit quelques fois reconnu en territoire canadien, il n'existe pas de mentions d'un nationalisme canadien de nature proprement politique et voué au maintien, à la défense ou encore à la célébration de la nation au sein du corpus canadien étudié.

Le nationalisme hors Canada dans le corpus canadien

Les articles canadiens analysés projettent plutôt le nationalisme sur les « autres », à commencer par le Québec, comme nous l'avons vu. Sans grande surprise, nous retrouvons des stratégies de dissociation pour environ 18 % des mentions du Québec. Plusieurs font intervenir des verbes à connotation négative. Par exemple, les nationalistes québécois « bottom-feed for votes » (NP_0823), « continually squeeze the non-French to try to force them out » (NP_1117). Au Québec, où il existe un « dogme nationaliste » (NP_0901), les politiciens québécois doivent « apaiser les foules nationalistes » (GM_0717) et les « nationalistes francophones dominent la vie culturelle et politique » (GM_0702). D'autres expressions contribuent à créer le même effet. Les nationalistes québécois ayant le malheur de favoriser des mesures de protectionnisme économique ne trouvent pas grâce aux yeux des chroniqueurs et des journalistes canadiens : « The provincial government's attitude

14

Le code attribué à chaque article est formé de l’acronyme du journal et du mois et jour de parution. Les références complètes des articles cités dans cette section se trouvent dans l’Annexe 1 à la fin de ce document.

100

smacked of nationalist protectionism of the worst kind » (GM_0807). Tout comme le Nouveau Parti Démocratique du Canada qui, ayant fait élire de nombreux députés au Québec à la dernière élection fédérale, est devenu « a buzzing hornet's nest of nationalists » (NP_1121). Leur chef, Thomas Mulcair, doit choisir s'il « s'incline devant ses nationalistes » (GM_0831_2). Ces derniers formulent des « demands » – mot qui suggère un ordre, quelque chose d'impératif –, alors que ses membres hors Québec formulent « des préférences » (GM_0831_2).

Les nationalistes québécois ne sont pas rationnels non plus, à en croire les articles canadiens. Dans le cas du Parti québécois, son agenda nationaliste traduit une « quasi-obsession » sur les enjeux identitaires (GM_0809_2) et ses représentants sont « insécures » (NP_0831). Plus largement, les nationalistes québécois, motivés par la peur, « act from a volatile combination of fear and gamecock confidence » (NP_1117) et sont « instinctivement nationalistes » (NP_0818_2). De plus, les nationalistes sont « shrill » (NP_0906) et « peppy » (NP_1006), ce sont des « guerriers de la langue » (NP_0814), des « xénophobes » (GM_0822_3), des « nationalistes ethniques » (NP_0908_2) qui sont connus pour leur « vicious anglophobia » (GM_0912). Leurs élites politiques adoptent une attitude intolérante et accueillent la critique avec « horreur et vexation » (NP_0905_2). L'absence de rationalité du nationalisme s'articule aussi par des contrastes comme celui-ci : une décision du Parti québécois « n'est pas seulement nationaliste, mais elle a aussi du sens pour l'économie du pays » (GM_0807). On suggère ailleurs qu'un homicide d'une femme par son conjoint n'a pas suffisamment défrayé les manchettes au Québec parce que le couple était caucasien, tandis que s'il avait été de couleur, les médias et les politiciens auraient pris plaisir à formuler un discours teinté de xénophobie (NP_0831).

D'autres articles établissent des contrastes plus implicites entre un « nous » et un « eux » en opposant nationalistes Québécois aux Canadiens. Ainsi, les nationalistes québécois injurient leurs concitoyens qui sont favorables au Canada (GM_0702 ; NP_1006). Les pressions nationalistes au Québec auraient ainsi poussé 500 000 anglophones à s'exiler à Toronto (NP_1006). Ailleurs, une famille de diplomate canadien en poste en République tchèque s'est vue espionnée par le gouvernement, allié des nationalistes québécois (GM_0811_2).

Dans d'autres cas, les symboles canadiens entrent en jeu. Par exemple, un article mentionne que la chef du Parti québécois, Pauline Marois, est convaincue que la Charte canadienne des droits et libertés est une nuisance et qu'elle l'empêche de poursuivre, selon les mots du journal, « son agenda raciste et nationaliste » (NP_0825).

Ces stratégies sont aussi à l'œuvre hors du Québec. Cela se traduit parfois par le choix des mots : un journal nationaliste chinois n'écrit pas, n'affirme pas, mais « tonne » (GM_0818), les nationalistes séculaires de Gaza y sont perçus par Israël comme une « menace » plus grande que les Frères musulmans (GM_1129). De même, l'achat de parts majoritaires d'une compagnie d'énergie d'Islande par une entreprise canadienne « soulève le courroux » de nationalistes islandais (GM_0630). Le lecteur a souvent peu d'indices pour comprendre pourquoi les politiciens ou les partis politiques se voient décerner le qualificatif de nationalistes. Les prises de positions des « nationalistes » sont souvent étrangères à l'idéologie du nationalisme : un parti politique « nationaliste » s'oppose à un gouvernement favorable aux entreprises en Ukraine (GM_1029), un politicien russe « nationaliste » a grossièrement injurié la chanteuse américaine Madonna sur le réseau social Twitter parce que cette dernière s'était portée à la défense des militantes du groupe Pussy Riots (NP_0811). Toujours en Russie, un politicien est dépeint comme un nationaliste pour avoir suggéré qu'il serait bon que les médias prennent des « vacances » d'un mois, et pour avoir proposé un projet de loi visant à limiter la couverture médiatique dite négative à 20 % de l'ensemble des nouvelles (GM_0629). Dans tous ces cas, il semble que ce soit l'opposition de ces individus ou groupes aux valeurs occidentales (liberté d'entreprise, liberté d'expression, liberté de la presse, etc.) qui leur vaut l'étiquette de nationalistes. Ces mentions créent un contraste entre un « eux » et un « nous », départagés par ces valeurs.

Le Québec dans les journaux québécois

Des 27 % d'occurrences du nationalisme dans le corpus québécois qui comportent une stratégie discursive de dissociation, quelques-unes situent les nationalistes au Québec. Le tiers est formé de citations tirées de la revue hebdomadaire que Le Devoir fait des journaux canadiens ou encore de citations provenant d'entrevues. En guise d'exemple, Le Devoir

102

relate que des politologues québécois sonnent l'alarme contre « les nationalistes conservateurs [qui] agissent irrationnellement, contre la liberté, l'égalité, la solidarité » (DV_0901_4). Dans d’autres cas, un groupe de musique anglophone montréalais affirme que « nous vivons dans une ville multiculturelle qui défie les tendances nationalistes du Québec » (PR_0816), opposant ainsi multiculturalisme et nationalisme.

Parmi les quelques mentions issues de la plume des journalistes, dans les articles réguliers, certaines opposent nationalisme et rationalité (10 cas). L'un écrit « qu'importent les faits, c'est le symbole nationaliste qui compte » (PR_0816) ou déplore que l'on « semble beaucoup vouloir jouer sur des sentiments nationalistes plutôt que de s'en tenir aux faits » (PR_0917). Les nationalistes québécois sont parfois, mais rarement, indignés (PR_1116) ou outragés (DV_0724). Des éléments nationalistes sont aussi perçus avec désapprobation. Par exemple, une « frange radicale du mouvement nationaliste » conspue ses concitoyens qui chantent en anglais le jour de la Fête nationale du Québec (PR_0616). Ailleurs, on mentionne que la société québécoise comporte quelques « tisons de fanatisme » auxquels les réseaux sociaux donnent une tribune, notamment les « nationalistes xénophobes » (PR_0906). Ces nationalistes restent toutefois bien identifiés à la marge. Il arrive cependant que ce soit des groupes plus institués qui fassent les frais de stratégies discursives. Déplorer le « radicalisme pressé du Parti québécois » discrédite le parti souverainiste des autres nationalistes, d'autant plus que ce même article fait état de l'existence d'une « alternative nationaliste modérée et pragmatique » (PR_0823_2).

Lorsque les mentions du nationalisme québécois s'inscrivent dans une stratégie de langage, elles le sont principalement dans le journal La Presse. Mais c'est aussi dans ce journal que se trouve une des seules mentions véritablement positives du nationalisme alors qu'un chroniqueur écrit que « l'indépendance énergétique est un beau projet vert et nationaliste, ce qui explique l'étonnante unanimité des partis à ce sujet » (PR_0828_2). Ainsi, les articles québécois reconnaissent le nationalisme au Québec, parfois même de façon positive plutôt que simplement descriptive. Il arrive cependant que des journalistes québécois utilisent des stratégies discursives qui situent le nationalisme à la marge lorsqu'il revêt une forme inacceptable et intolérante, ou parfois lorsqu'il s'incarne chez les nationalistes

souverainistes.

Les stratégies hors Québec dans le corpus québécois

Les nationalistes du Québec sont, pour la plupart, assez favorablement dépeints à l'exception de quelques individus ou groupes plus marginaux. Hors Québec toutefois, les nationalistes s'en tirent un peu moins bien et contrairement à nos attentes, les stratégies du nationalisme banal y sont à l'œuvre. En Inde, la droite nationaliste entretient et attise chez la population des sentiments islamophobes envers sa minorité musulmane (DV_0626 ; DV_0709_2). Au Pays basque, les nationalistes sont parfois liés à des événements violents (DV_1020). En Corse, on les associe au crime organisé (DV_1108_2 ; PR_1018), tandis qu'en Europe de l'Est, ils nient l'existence du génocide de Srebrenica (DV_0602_2). Le nationalisme semble être quelque chose de nauséabond alors qu'un conflit en Asie a de « forts relents nationalistes » (PR_0919). En Flandres, « le parti nationaliste radical flamand [est] hostile aux francophones wallons » (DV_1023). Chez les Britanniques, les eurosceptiques réveillent « l'hydre nationaliste » (DV_0718), ce serpent monstrueux de la mythologie grecque dont les têtes repoussent si elles sont coupées.

Ailleurs en Europe de l'Ouest, quelques mentions du nationalisme se rapportent à un seul individu, par exemple un terroriste norvégien à l'idéologie « nationaliste et islamophobe » (PR_0824_3) ou encore un éditeur français des pamphlets antisémites de Céline qui défend « une pensée ultra nationaliste et corrosive » (DV_0928). Les nationalistes sont tantôt associés à l'intolérance, à la violence ou tout simplement à quelque chose de négatif, ce qui témoigne d'un nationalisme banal certain, sans toutefois que le nationalisme soit projeté géographiquement hors des frontières nationales québécoises.

D'autres mentions du corpus québécois établissent aussi un contraste entre un « eux » et un « nous » occidental. Les nationalistes mongols opposés à l'implantation de compagnies minières étrangères sont présentés comme une entrave au cheminement du pays vers la démocratie (DV_0628). En Asie, où un conflit territorial oppose le Japon et la Chine,

104

« l'inflexion nationaliste et musclée » semble venir unilatéralement de la Chine et agace l'État nippon, allié des États-Unis (DV_1024). En Russie, on salue l'action d'un militant « avocat et blogueur, pourfendeur de la corruption et orateur charismatique, mais aussi proche des milieux nationalistes » (DV_0801). D'autres nationalistes de ce pays « accusant le président Vladimir Poutine de ne pas protéger le peuple russe face aux immigrés du Caucase et d'Asie centrale » comptent dans leurs rangs « la présence de skinheads et de militants néo-nazis » (PR_1105). En Serbie, le chef d'un parti ultranationaliste est actuellement jugé pour crime contre l'humanité à La Haye (DV_0727). Dans l'Ouest, les nationalistes sont réfractaires à l'Europe et à ses valeurs, par exemple lorsqu'il est dit que l'électorat des Pays-Bas « a massivement voté pour deux partis europhiles et fait mordre la poussière à la droite nationaliste » (DV_0915).

Documents relatifs