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Chapitre 1. Etude bibliographique

2. Evolution générale de la qualité du jambon cuit

2.1. Le muscle strié squelettique

2.1.1. Structure et composition du muscle strié squelettique

Le tissu musculaire comporte trois grands types de muscles qui ont des organisations structurales différentes : le tissu musculaire lisse, qui assure les mouvements incontrôlés des organes et des vaisseaux, le tissu musculaire cardiaque et le tissu musculaire strié. Seul ce dernier sera décrit ici car c’est lui qui est transformé en viande. Il constitue l’essentiel de la musculature, soit 40 à 45% du poids vif de l’animal.

Le muscle squelettique est structuré en plusieurs niveaux. La fibre musculaire, qui est la cellule musculaire, est une cellule géante (10 à 100 μm) polynucléée et très différenciée. Chaque fibre est entourée de tissu conjonctif : l’endomysium. Les fibres musculaires sont regroupées en faisceaux musculaires, eux-mêmes bordés de tissu conjonctif : le périmysium. Entre ces différents faisceaux se trouvent des vaisseaux sanguins, nerfs et cellules adipeuses, le tout forme le muscle qui est entouré de l’épimysium (Figure 5). La fibre musculaire est, comme toute cellule, constituée d’une membrane – le sarcolemme – et d’un cytoplasme – le sarcoplasme. Elle renferme également des myofibrilles, ce sont les éléments contractiles et sont disposés parallèlement à l’axe longitudinal de la fibre. Elles sont de la même longueur que la cellule et ont un diamètre moyen de 0,1 μm. L’unité contractile de base est le sarcomère composé de myofilaments épais et de myofilaments fins constitués principalement de myosine et d’actine respectivement (Figure 5).

Un muscle est composé d’environ 75% d’eau, 20% de protéines, 1% de glucides, 1% de lipides et 3% de substances solubles non protéiques (minéraux, vitamines et métabolites divers) (Pearson & Young, 1989). Cette composition varie en fonction du type de muscle et de l’animal (race, nourriture, effort physique, etc.). Trois groupes de protéines ont été définies selon leur solubilité (Pearson & Young, 1989) :

Figure 6 : Représentation schématique de la molécule de myosine (snv.jussieu.fr).

Figure 7 : Représentation schématique du filament fin d’actine (snv.jussieu.fr).

Figure 8 : Structure du collagène et du tropocollagène (triple hélice de collagène). Tiré de Thapon & Guérin (2007).

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- les protéines myofibrillaires (~60% des protéines totales). Elles ne sont solubles

qu’en solution saline à haute force ionique (0,6 M KCl, Pearson & Young (1989)) et sont divisées en trois sous-classes : les protéines contractiles (actine et myosine majoritairement), les protéines régulatrices (tropomyosine, α-actinine, protéine C, etc.) et les protéines du cytosquelette (titine, desmine, etc.). La myosine est constituée d’une « queue » formée par deux chaînes polypeptidiques et d’une « tête » composée des deux chaînes précédentes enroulées au hasard (chaînes lourdes) auxquelles sont associées deux chaînes polypeptidiques plus courtes (chaînes légères) (Thapon & Guérin, 2007) (Figure 6). Trois isoformes des chaînes lourdes de myosine existent dans les muscles et sont caractéristiques du type de fibre. Le polymorphisme existe aussi pour les chaînes légères de myosine. En considérant les isoformes des chaînes lourdes et celles des chaînes légères, plus de soixante isomyosines coexistent dans les muscles squelettiques des mammifères (Boyer, 1995). L’actine existe sous deux formes : monomère (actine G) ou polymérisée (actine F) (Figure 7). Une seule isoforme d’actine est présente dans le muscle (Boyer, 1995). Dans la viande, la myosine et l’actine peuvent être combinées : elles forment alors l’actomyosine.

- les protéines sarcoplasmiques (~30%). Elles sont solubles dans l’eau ou en solution

saline diluée (< 50 mM), elles comprennent plus de 100 protéines localisées dans le sarcoplasme. Parmi les protéines sarcoplasmiques se trouvent de nombreuses enzymes du métabolisme cellulaire et la myoglobine, pigment responsable de la couleur de la viande.

les protéines conjonctives (~10%) : collagène, réticuline et élastine. Ce sont des

protéines fibreuses insolubles situées dans l’épimysium, le périmysium et l’endomysium. Le collagène est la protéine majoritaire du tissu conjonctif, c’est une protéine fibreuse hélicoïdale (hélice α). La chaîne protéique est composée par la glycine tous les trois acides aminés (Figure 8). Trois chaînes de collagène forment une triple hélice de tropocollagène (Figure 8). Suivant la composition en acides aminés, jusqu’à 16 types différents de collagène peuvent être distingués (Thapon & Guérin, 2007).

Dans le muscle, il existe plusieurs types de fibres en proportions variables d’un type de muscle à l’autre. Ces fibres diffèrent en fonction de leurs propriétés structurales, contractiles, métaboliques et physiologiques (Lefaucheur, 2010). Le type contractile est déterminé par la sensibilité au pH de l’activité ATPasique des chaînes lourdes de la myosine. Quatre types de

Figure 9 : Caractérisation du type de fibres par histochimie du muscle longissimus dorsi de porc. L’activité ATPasique de l’actomysoine a été caractérisée après pre-incubation acide à pH 4,45. Tiré de Promeyrat, Daudin, Astruc et al. (2013).

Tableau 7 : Caractérisation des quatre types de fibres musculaires, d’après Lefaucheur (2010).

I IIa IIx IIb

Vitesse de contraction + +++ ++++ +++++ ATPase myofibrillaire + +++ ++++ +++++ Métabolisme oxydatif +++++ ++++, +++++ +, ++ + Métabolisme glycolytique + ++++ ++++ +++++ Vascularisation +++++ +++ +, ++ + Myoglobine +++++ ++++ ++ +

Diamètre des fibres ++ +, ++ ++++ +++++

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37 fibres ont ainsi été différenciées : les fibres I, IIa, IIx et IIb (Figure 9). La vitesse de contraction augmente dans l’ordre I < IIa < IIx < IIb (Tableau 7). Chez l’animal vivant, deux voies métaboliques existent pour régénérer l’ATP nécessaire à la contraction musculaire : une voie aérobique ou oxydative et une voie anaérobique ou glycolytique. Les fibres de type I sont majoritairement oxydatives, celles de type IIb et IIx sont majoritairement glycolytiques et les fibres de type IIa sont oxydo-glycolytiques (Tableau 7). Dans la littérature, on retrouve communément les termes de fibres lentes oxydatives pour les fibres de type I, rapides oxydo-glycolytiques pour le type IIa et rapides oxydo-glycolytiques pour les IIx et IIb (Lee, Joo & Ryu, 2010). Les types de fibres ont aussi des vascularisations, teneurs en myoglobine, quantité de mitochondries, teneur en lipides et diamètres différents (Tableau 7). Même si tous les types de fibres sont représentés dans la majorité des muscles, la composition relative des fibres détermine la prédominance des propriétés métaboliques du muscle (Lee et al., 2010). La composition relative en fibres varie également en fonction de la sélection génétique, du sexe et de l’âge de l’animal, de son activité physique et de son alimentation (Lee et al., 2010 ; Lefaucheur, 2010)

2.1.2. Transformation du muscle en viande

L’évolution biochimique du muscle après l’abattage conduit progressivement à la transformation du muscle en viande qui se déroule en trois étapes : l’état pantelant, la rigor mortis et la maturation.

Dans les heures qui suivent l'abattage, les fibres musculaires sont capables de se contracter de façon spontanée, il s'agit de l'état pantelant aussi appelé pre-rigor. Les carcasses sont alors animées de contractions plus ou moins violentes dont l'intensité et la fréquence diminuent avec le temps. La durée de cette étape dépend de la température et de l'espèce animale, elle est généralement de 20 à 30 min. mais peut aller jusqu'à 3 h chez les bovins (Thapon & Guérin, 2007).

La rigor mortis s'installe progressivement. Les muscles deviennent durs et inextensibles. Lorsque l’animal est vivant, le glycogène est hydrolysé en glucose par la glycogène-phosphorylase (Pearson & Young, 1989) puis ce glucose est transformé en pyruvate par la voie de la glycolyse, permettant la formation d’ATP. L'ATP permet la dissociation de la liaison actine-myosine et donc le relâchement des muscles après leur contraction. Le pyruvate est ensuite dégradé dans la mitochondrie générant des précurseurs du cycle de Krebs. Après la mort de l’animal, cette réaction mitochondriale se bloque car l’arrêt de la circulation sanguine

Figure 10 : Dégradation du glycogène en acide lactique après la mort de l’animal.

Figure 11 : Evolution de la dureté de la viande après abattage. Tiré de Ouali (1991).

Figure 12 : Transformation de la myoglobine en présence de nitrite et formation du pigment responsable de la couleur rosée du jambon cuit.

Glycogène Pyruvate (2) Acide lactique (2) glycolyse ATP Glucose (1) O2 O2 O2

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38 supprime l’apport d’oxygène. Le pyruvate est alors dégradé en acide lactique (Figure 10). La glycogénolyse anaérobique est une voie peu rentable : une molécule de glucose donne 2 molécules d'ATP. La diminution des réserves d'ATP ne permet plus la relaxation des muscles, d'où l’augmentation de la dureté de la viande (Figure 11). L’accumulation de protons par hydrolyse de l’ATP (Renou, Canioni, Gatellier, Valin & Cozzone, 1986) et de l’acide lactique dans les muscles (Pearson & Young, 1989) sont responsables de la diminution du pH post-mortem. Le pH ultime (pHu) est atteint quand la glycolyse cesse, par disparition de l’AMP ou du glycogène (Monin, 1988). Chez le porc, le pHu est mesuré 24 h après l’abattage de l’animal.

La maturation permet d'acquérir la tendreté de la viande (Figure 11). Des enzymes

protéolytiques, principalement les cathepsines et calpaïnes (Ouali, 1991), dégradent les protéines myofibrillaires. Ces réactions sont dépendantes de la température et du pH. Les durées de maturations sont variables selon les espèces et la température : à 4°C, la maturation dure environ 2 jours pour les volailles et les lapins, 4 à 6 jours pour les porcs et 10 à 21 jours pour les bovins.