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Sur les moyens pris du caractère inexact des affirmations de l’Autorité quant

Dans le document Décision 17-D-25 du 20 décembre 2017 (Page 44-47)

A. Sur la contestation du caractère anticoncurrentiel de l’intervention de la

4. Sur les moyens pris du caractère inexact des affirmations de l’Autorité quant

Janssen-Cilag

286.Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson soutiennent, en premier lieu, qu’en considérant, au paragraphe 451 de la décision attaquée, que la société Janssen-Cilag était elle-même convaincue du caractère juridiquement infondé de son intervention, l’Autorité a dénaturé les propos et l’intention de cette société.

287.D’abord, selon les requérantes, rien dans le dossier ne permet d’affirmer que cette société avait connaissance du fait que l’AFSSAPS était tenue de se conformer à la réglementation européenne.

288.Ensuite, elles affirment que le fait que la société Janssen-Cilag ait su qu’en 2006, l’AFSSAPS était en faveur d’un statut de générique substituable, est sans pertinence aux fins d’apprécier le caractère juridiquement fondé ou non de son intervention.

289.Enfin, elles font valoir qu’il résulte du compte rendu de la séance de la commission d’AMM du 25 septembre 2008 (cotes 44481 à 44488) et de l’audition du chef du pôle juridique à la direction juridique et réglementaire de l’ANSM du 29 octobre 2014 (cote 37439) que l’AFSSAPS ne considérait avoir perdu la marge de manœuvre dont elle disposait en matière d’inscription au répertoire des groupes génériques que du fait de la transposition de la directive 2004/27 par le décret du 6 mai 2008. Dans ces conditions, la société Janssen-Cilag ne pouvait avoir dès mars 2008 conscience que l’AFSSAPS n’était pas compétente et que son intervention auprès d’elle était non fondée.

290.En second lieu, les requérantes contestent l’affirmation de l’Autorité, aux paragraphes 427 et suivants de la décision attaquée, selon laquelle l’intervention de la société Janssen-Cilag aurait été incluse dans une stratégie de plus grande ampleur.

291.Elles répètent qu’aucun élément du dossier n’établit que cette société aurait eu conscience que l’AFSSAPS pourrait ne pas être compétente.

292.Elles ajoutent que le fait que la société Janssen-Cilag ait, lors de nombreuses réunions visant à préparer l’entrée sur le marché des génériques de Durogesic, envisagé un report de cette entrée et étudié l’impact d’un tel report sur son chiffre d’affaires annuel et évoqué l’utilisation de « leviers réglementaires », signifie seulement qu’elle a évalué l’impact des génériques sur ses activités, mais ne démontre pas l’élaboration par avance d’un plan d’éviction de la concurrence par des moyens illégaux. Rien ne permettrait d’affirmer, comme le fait l’Autorité, que le contenu de ces réunions préfigurait l’intervention de la société Janssen-Cilag devant l’AFSSAP et encore moins sa participation à un plan anticoncurrentiel.

293.L’Autorité répond, d’une part, que le cadre réglementaire applicable à l’époque de la pratique incriminée ne présentait pas la complexité que lui prêtent les requérantes, et que le contexte juridique n’était pas aussi incertain qu’elles le prétendent, de sorte qu’il n’existait aucun doute quant à l’absence de marge de manœuvre de l’AFSSAPS pour reconnaître le statut de générique aux spécialités Ratiopharm. Elle explique fonder son affirmation quant à la conscience qu’avait de cette situation la société Janssen-Cilag notamment sur un document de stratégie interne de cette société, intitulé « Durogesic defence strategy », daté du 18 août 2006.

294.D’autre part, l’Autorité considère qu’il résulte de nombreuses pièces du dossier que le comportement de la société Janssen-Cilag s’est inscrit dans le cadre d’une stratégie d’éviction des génériques de Durogesic. Selon elle, l’analyse de ces pièces aux paragraphes 427 à 431 de la décision attaquée démontre que cette société avait envisagé, en amont de la mise en œuvre des pratiques, d’intervenir auprès de l’AFSSAPS afin de reporter la date d’AMM des génériques.

295.Elle souligne qu’elle était fondée à prendre en considération le fait que l’intervention de la société Janssen-Cilag se soit inscrite dans un plan destiné à retarder l’entrée sur le marché des spécialités génériques de Durogesic, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence des juridictions de l’Union (TUE, arrêt AstraZeneca/Commission, précité, point 359), le caractère délibéré du comportement est susceptible d’être pris en considération afin de conforter les conclusions auxquelles l’autorité de concurrence aboutit.

296.Le ministre chargé de l’économie fait également valoir que la société Jannsen-Cilag, qui avait connaissance, avant la mise en œuvre des pratiques incriminées, du fait que l’AFSSAPS était tenue de se conformer à la réglementation européenne, a trompé délibérément l’AFSSAPS sur l’étendue de sa propre compétence.

297.Le ministère public conclut au rejet de l’ensemble des moyens des requérantes.

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298.À titre liminaire, la cour considère que, à la lumière des constatations qui précèdent, et sous réserve de l’éventuel bien-fondé du moyen pris de la légitimité de l’intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l’AFSSAPS, qui sera examiné ci-après, la preuve est rapportée du caractère anticoncurrentiel de cette intervention en tant que ladite société a contesté devant l’AFSSAPS la qualité de générique de Durogesic des spécialités Ratiopharm.

299.En effet, de façon générale, il résulte du caractère objectif de la notion d’abus que la démonstration du caractère délibéré du comportement et de la mauvaise foi de l’entreprise en position dominante n’est pas requise aux fins de l’identification d’un abus de position dominante. De façon plus spécifique, la cour souligne que, ainsi que l’a jugé le Tribunal de l’Union, au point 359 de son arrêt AstraZeneca/Commission, précité, la démonstration du caractère délibéré du comportement de nature à tromper les autorités publiques n’est pas nécessaire aux fins de l’identification d’un abus de position dominante.

300.Il s’ensuit que le degré de conscience qu’avait la société Janssen-Cilag du caractère anticoncurrentiel de son intervention auprès de l’AFSSAPS, au moment où celle-ci a eu lieu est, à ce stade de l’analyse, inopérant.

301.Aussi, en tout état de cause, les moyens des requérantes ne sont pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a constaté que l’ouverture par la société Janssen-Cilag d’un débat juridiquement infondé sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm devant l’AFSSAPS est constitutive d’un abus de position dominante.

302.Quant au bien-fondé de ces moyens, examinés dans la perspective d’une éventuelle réformation de la décision attaquée, les requérantes font justement valoir que rien ne peut être déduit du fait que la société Janssen-Cilag a suivi très tôt, dès 2005, l’évolution des demandes d’AMM pour des génériques de Durogesic. Il est en effet naturel que le laboratoire qui produit et commercialise un médicament princeps se préoccupe de la date à partir de laquelle des génériques vont venir concurrencer son produit.

303.En revanche, c’est à juste titre qu’au paragraphe 430 de la décision attaquée, l’Autorité a souligné que le document intitulé « Plan produit pour 2007 » (cotes 3192 à 3213), en date du 12 juin 2006, comportait l’indication suivante : « L’équipe française pense que … Durogesic bénéficie encore d’un fort potentiel de croissance. Pour cela nous avons besoin

… que les affaires médicales et réglementaires de JC EMEA [Janssen Cilag Europe, Middle East & Africa] soutiennent les initiatives de l’équipe française d’intervenir et de reporter le lancement des génériques » (cote 3212, traduction libre de l’Autorité).

304.Il convient de relever, d’une part, que les auteurs de ce document, qui craignent l’arrivée sur le marché de génériques de Durogesic dès mars 2007 (cote 3213), ne doutent pas que, tôt ou tard, des spécialités concurrentes se verront délivrer des AMM à titre de générique et qu’une intervention est seulement susceptible de retarder, mais en aucun cas d’empêcher, une telle délivrance, d’autre part, que le projet d’obtenir le report du lancement des génériques de Durogesic est formalisé dans un document de stratégie commerciale qui ne fait mention d’aucun argument de nature scientifique susceptible de justifier un tel report.

305.Il doit en être déduit que le choix d’intervenir pour reporter le lancement des génériques de Durogesic est le fruit d’une approche commerciale déconnectée de toute considération de santé publique. Cette conclusion s’impose d’autant plus que le document « Plan produit pour 2007 » ne vise pas spécifiquement les spécialités Ratiopharm (la société Ratiopharm n’ayant d’ailleurs lancé la procédure de reconnaissance mutuelle de ses AMM allemandes qu’en juillet 2006), mais tout générique de Durogesic, quelles qu’en soient les spécificités.

306.La cour souligne que seule une intervention après de l’AFSSAPS était de nature à obtenir le report souhaité. Elle constate en outre que le document « Plan produit pour 2007 », daté de juin 2006, est antérieur de moins de deux ans seulement à l’intervention incriminée, laquelle a commencé en mars 2008 et que, dans l’intervalle de temps qui sépare ces deux dates, de nombreux documents internes de la société Janssen-Cilag démontrent qu’elle continuait de souhaiter un report du lancement des génériques de Durogesic, envisageant différentes hypothèses selon la date, plus ou moins proche, de ce lancement.

307.Par ailleurs, il convient de rappeler que la société Ratiopharm a fait le choix de recourir à la procédure de reconnaissance mutuelle de ses AMM allemandes, délivrées le 4 avril 2006.

308.Or, tout d’abord, la société Janssen-Cilag était au fait de ce que ces AMM avaient été délivrées aux spécialités Ratiopharm sur la base d’une procédure abrégée, au cours de laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été reconnue par les autorités allemandes. Elle savait également que les autorités allemandes avaient autorisé la substitution des spécialités Ratiopharm aux spécialités correspondantes de Durogesic, avec un encadrement similaire à celui résultant de la mise en garde finalement adoptée par l’AFSSAPS : cette information figurait en effet dans le dossier transmis par son pharmacien responsable à l’AFSSAPS par courrier du 23 mai 2008 (cotes 389 à 423, spécialement cote 405).

309.Ensuite, ayant suivi la procédure de reconnaissance mutuelle, la société Janssen-Cilag ne pouvait ignorer que la décision de la Commission, qui imposait notamment aux autorités françaises de reconnaître les AMM allemandes, avait à son tour reconnu la qualité de générique de Durogesic des spécialités Ratiopharm.

310.Enfin, le simple constat que les notions de médicament générique en droit de l’Union et de spécialité générique en droit français étaient définies de la même façon, suffisait pour qu’elle comprenne le caractère injustifié de la remise en cause, devant l’AFSSAPS, de la qualité de générique des spécialités Ratiopharm.

311.Examinées à la lumière du « Plan produit pour 2007 », ces circonstances permettent à la cour, sans qu’il soit besoin d’analyser d’autres pièces du dossier, de conclure que la société Janssen-Cilag avait conscience du caractère injustifié du débat soulevé devant l’AFSSAPS concernant la contestation de la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, et que son intervention constitue la mise en œuvre du volet de ce plan relatif au report du lancement des génériques de Durogesic.

5. Sur le moyen pris de la légitimité de l’intervention de la société Janssen-Cilag

Dans le document Décision 17-D-25 du 20 décembre 2017 (Page 44-47)