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Le « mouvement sympathique »

Dans le document Les sympathies dans l’œuvre de David Hume (Page 113-117)

3. Organisation du chapitre

2.3. Autres éléments sur la sympathie : la « sympathie avec »

3.3.2. Le « mouvement sympathique »

Hume utilise une expression fort curieuse dans la section 2.2.9, alors qu’il explique comment un individu arrive à ressentir certaines impressions par sympathie étendue. Il n’utilise cette expression qu’une seule fois dans tout le Traité de la nature humaine. Après avoir rappelé que « la sympathie n’était rien, sinon la conversion d’une idée en impression »4, Hume décrit ce qui se produit lors de la sympathie étendue et il indique alors que l’individu « ressent un mouvement sympathique dans sa poitrine » :

When the present misery of another has any strong influence upon me, the vivacity of the conception is not confin’d merely to its immediate object, but diffuses its influence over all the related ideas, and gives me a lively notion of all the circumstances of that person, whether past, present, or future; possible, probable, or certain. By means of this lively notion I am interested in them; take part with them; and feel a sympathetic motion in my breast, conformable to whatever I imagine in his.5

                                                                                                                1 THN, 2.2.9.11, pp. 247-248. Je souligne. 2 THN, 2.2.9.12, p. 248. Je souligne. 3 THN, 2.2.9.17, p. 249. Je souligne. 4 Voir THN, 2.2.9.13, p. 248. 5 THN, 2.2.9.14, p. 248. Je souligne.

En faisant cette assertion, Hume laisse entendre que la sympathie produit des effets au niveau physiologique. Cela constitue un propos des plus étonnants, car Hume, ordinairement, ne semble pas s’intéresser – ou peu – à l’apect physiologique des êtres humains dans le Traité de la nature humaine.

Dans le Traité, on le rappelle, Hume s’intéresse à l’aspect intellectuel de l’être humain ; il traite des facultés intellectuelles comme l’entendement, l’imagination et la mémoire, de la formation des idées, de la façon dont se constituent les croyances, etc. Lorsqu’il traite d’éléments qui pourraient participer à la fois de l’aspect intellectuel et de l’aspect physiologique des êtres humains, comme les sensations, les passions, les sentiments, la sympathie, etc., il ne semble s’intéresser à ceux-ci que du point de vue intellectuel.

Le fait que Hume ne s’intéresse guère à l’aspect physiologique de l’être humain et qu’il ne traite pas des effets des impressions et des effets de la sympathie sur le corps, ne signifie pas pour autant qu’il considère que celles-ci et celle-là n’agissent pas sur le corps. On trouve quelques passages dans le Traité et dans d’autres ouvrages où Hume traite brièvement et de façon plus ou moins évasive des effets que produisent les impressions sur le plan physiologique et dans ces passages, il arrive que la sympathie joue un rôle. Pour être interprétés correctement, je pense que les propos de Hume en 2.2.9.14 doivent être mis en rapport avec les propos tenus dans ces autres passages. Deux chapitres1 étant un peu plus loin consacré à ces questions, je ne m’attarderai pas davantage sur celles-ci pour le moment.

                                                                                                               

Quatrième partie : Autres passages

Comme le montre le graphique 1-1, on rencontre trois sections dans le second livre du Traité où Hume traite en détail de son concept de sympathie : les sections 2.1.11, “Of the love of fame”, 2.2.5, “Of our esteem for the rich and powerful” et 2.2.9, “Of the mixture of benevolence and anger with compassion and malice”. Ces sections, si importantes soit-elles, ne sont cependant pas les seules où le philosophe écossais mentionne la sympathie- humienne et on trouve ailleurs d’autres passages où il en soit question. Plusieurs de ces passages se trouvent avant les sections mentionnées dans la deuxième et la troisième partie du chapitre et quelques uns, après. Comme ils étaient peu nombreux, ils ont été regroupés et sont présentés dans cette quatrième et dernière partie.

Cette partie est divisée comme les précédentes. Dans un premier temps, je présente des éléments sur la définition de la sympathie et sur son mode opératoire. Il y a peu d’éléments nouveaux, mais on trouve néanmoins quelques passages où Hume présente rapidement et avec concision des indications supplémentaires sur le fonctionnement du processus sympathique. Dans un second temps, je présente les quelques passages où le philosophe écossais utilise des expressions alternatives pour exprimer le processus sympathique. Dans un troisième et dernier temps, je présente un passage où Hume mentione la « sympathie avec... » et je présente également deux passages où le terme « sympathie » devrait ou pourrait être compris dans un sens différent du concept humien.

4.1. Définition de la sympathie et éléments sur son modus operandi

Hume donne une dernière fois une définition de la sympathie dans la section 2.3.6 consacrée à l’influence de l’imagination sur les passions. Comme il l’avait déjà fait à quelques reprises auparavant, il indique que celle-ci « n’est que la conversion d’une idée en impression »1 et que cette conversion se produit lorsque l’imagination est fortement excitée. L’excitation de l’imagination, quant à elle, peut être produite à partir de différentes sources. Un individu qui ressent des passions violentes, un orateur qui produit un discours éloquent,

                                                                                                               

1 Voir THN, 2.3.6.8, p. 273 : “...and sympathy, as I have already observ’d, is nothing but the

même un individu qui exprime son opinion1 (surtout s’il le fait avec passion et véhémence), sont autant de sources qui peuvent exciter l’imagination.

Dans la section consacrée à la compassion, Hume indique qu’il arrive qu’une impression soit produite suite à l’observation d’une impression très faible chez un individu et qu’il arrive que la sympathie produise une impression d’autant plus forte que l’impression qui en était la source était faible. Ce phénomène est similaire à celui présenté dans l’exemple du « dormeur dans le champ » et l’un comme l’autre s’expliquent de manière très simple. Dans les deux cas, ce ne sont pas les impressions ressenties par les autres individus qui sont réellement à la source de la production sympathique d’impressions chez ceux qui les observent, mais bien plutôt les idées que les observateurs se forment. Lorsque les idées sont nombreuses et fortes, elles excitent vivement l’imagination ; les idées de plaisir (ou de déplaisir, selon le cas) acquièrent alors suffisament de force pour devenir elles-même des impressions :

There remains only to take notice of a pretty remarkable phænomenon of this passion; which is, that the communicated passion of sympathy sometimes acquires strength from the weakness of its original, and even arises by a transition from affections which have no existence. Thus when a person obtains any honourable office, or inherits a great fortune, we are always the more rejoic’d for his prosperity, the less sense he seems to have of it, and the greater equanimity and indifference he shows in its enjoyment. In like manner a man, who is not dejected by misfortunes, is the more lamented on account of his patience; and if that virtue extends so far as utterly to remove all sense of uneasiness, it still further encreases our compassion. When a person of merit falls into what is vulgarly esteem’d a great misfortune, we form a notion of his condition; and carrying our fancy from the cause to the usual effect, first conceive a lively idea of his sorrow, and then feel an impression of it, entirely over-looking that greatness of mind, which elevates him above such emotions, or only considering it so far as to encrease our admiration, love, and tenderness for him. We find from experience, that such a degree of passion is usually connected with such a misfortune; and tho, there be an exception in the present case, yet the imagination is affected by the general rule, and makes us conceive a lively idea of the passion, or rather feel the passion itself, in the same manner, as if the person were really actuated by it.2

                                                                                                               

1 Voir THN, 2.3.6.8, p. 273 : “The bare opinion of another, especially when enforc’d with passion,

will cause an idea of good or evil to have an influence upon us, which wou’d otherwise have been entirely neglected. This proceeds from the principle of sympathy or communication”. Dans l’Histoire de l’Angleterre, on trouve un passage où Hume se réfère, sans la nommer, à la sympathie. Dans ce passage, l’imagination d’un personnage historique (Robert Bruce) est excitée par le discours véhément que lui tient un autre individu (William Wallace) et l’excitation entraîne chez lui la production de passions. Je reviendrai sur ce passage dans le « Chapitre V ».

 

 

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Comme indiqué précédemment1, Hume mentionne la sympathie partielle (i.e. la sympathie limitée) dans la section consacrée à la compassion. On ne rencontre pas d’élément nouveau concernant cette sympathie, si ce n’est que Hume y indique très clairement qu’un seul point de vue est envisagé par l’individu lors de la sympathie limitée :

From the same principles we blush for the conduct of those, who behave themselves foolishly before us; and that tho’ they show no sense of shame, nor seem in the least conscious of their folly. All this proceeds from sympathy; but ’tis of a partial kind, and views its objects only on one side, without considering the other, which has a contrary

effect, and would entirely destroy that emotion which arises from the first appearance.2

Dans le document Les sympathies dans l’œuvre de David Hume (Page 113-117)