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A. L’ACTION

1. Le mouvement et l’énergie

Œuvre mineure produite par Joel Silver en 1988, Action Jackson de Craig R. Baxley peut au moins de vanter d’un titre explicite et programmatique28. Le héros incarné par Carl Weathers y porte le nom du genre même auquel il appartient et agit toujours de façon à faire honneur à cette définition. Lorsque le personnage de Sharon Stone lui demande : « Pourquoi

vous surnomme-t-on « Action » ? », il lui répond en se jetant sur elle pour lui éviter d’être

écrasée par un taxi, avant de se lancer en courant à la poursuite de la voiture.

On constate d’emblée la difficulté d’étudier des films qui se refusent consciemment à l’analyse au profit d’une mise en valeur de leur dimension ludique. « Action » Jackson est peu loquace : à une question sur la raison de son patronyme, il répond de façon tautologique par une action spectaculaire. Dans les films dits « d’action », l’action est une évidence personnifiée par le héros. Elle est le sujet du film qui la met en fiction, mais rien ni personne ne s’exprime ouvertement sur son origine et sa raison d’être. Le film d’action se définit par le mouvement spectaculaire de ses héros, et cette définition se fait en acte, sans le recours des mots, sans même pour ainsi dire la médiation de la pensée puisque Jackson est ici mu d’abord par son instinct de survie.

Posons que le cinéma est par nature un art du mouvement et le lieu idéal pour la création de tels ensembles dynamiques. Il ne s’agit pas d’affirmer une spécificité de l’image

28 Tout comme par exemple que A toute épreuve (John Woo, 1992) Cliffhanger, Speed, A Toute allure (The Chase, Adam Rifkin, 1994), Mort subite (Peter Hyams, 1995), Poursuite (en anglais Chain Reaction, c'est-à-

dire « réaction en chaîne », Andrew Davis, 1996), ou encore Shoot’Em Up (Michael Davis, 2007) qui emprunte son titre à une catégorie de jeux vidéos dédiés au tir. Le caractère génériquement très marqué de certains de ces titres a été noté par José Arroyo (ed.) : Action/Spectacle Cinema : A Sight and Sound Reader, London, British Film Institute, 2000, p.244.

cinématographique mais de constater que le mouvement est ce qui la caractérise le plus précisément, puisqu’il permet l’enregistrement et la reconstitution de l’action29.

Les appareils de prise de vue et de projection à l’origine du cinéma se caractérisent par un usage constant du mouvement. Lors de la prise de vue, le mouvement est décomposé en (environ) vingt-quatre images par seconde qui sont imprimées sur la pellicule. À la projection le mouvement se recompose, tout comme les plaques de verre du praxinoscope étaient animées par la force centrifuge. De photogramme en photogramme, le mouvement se communique à toute la pellicule de façon à produire l’image projetée sur l’écran de cinéma.

L’étymologie est explicite : le mot français « cinéma » vient du grec « kinêma » (mouvement). L’expression anglaise « motion pictures » valide la même interprétation : le cinéma, ce sont des images en mouvement30.

Le passage du mouvement (naturel, arbitraire) à l’acte et l’action (intentionnels) se fait dans l’apparition du récit et la représentation de l’humain. Ce sont deux des bases du cinéma, même sous ses formes les plus embryonnaires : sortir des usines Lumière après le travail, c’est déjà une action, et L’Arroseur arrosé fait basculer les vues filmées du côté de la fiction narrative. Il y aurait donc toujours de l’action au cinéma, mais c’est plus précisément ce que l’on nomme les « films d’action » (expression dont nous verrons les nombreuses acceptions avant de nous focaliser sur la plus récente) qui illustre la relation entre cette action et le mouvement des images cinématographiques31.

29 Dans Langage et cinéma (Paris, Éditions Albatros, 1977), Christian Metz rejette l’idée d’une spécificité du

cinéma mais l’on constate, lorsqu’il dresse la liste des différentes formes d’expression par l’image, que la caractéristique du mouvement (« image mobile ») est associée au seul cinéma (ainsi qu’à la télévision qui est moins un nouveau langage qu’une variante technique) :

« - Photographie : image obtenue mécaniquement, unique, immobile.

- Peinture (du moins « classique ») : image obtenue à la main, unique, immobile - Photo-roman (et assimilé) : image obtenue mécaniquement, multiple, immobile. - Bande dessinée : image obtenue à la main, multiple, immobile.

- Cinéma-télévision : image obtenue mécaniquement, multiple, mobile, combinée avec trois sortes d’éléments sonores (paroles, musiques, bruits) et avec des mentions écrites.

- Pièces radiophoniques (et assimilées) : trois sortes d’éléments sonores (paroles, musiques, bruits) » (p.170- 171).

30 « Le film d’action a toujours été présent, jusqu’à se revendiquer genre fondateur de la cinématographie

américaine, puisque le terme de motion pictures validait cette conception autonyme. » Yannick Dahan, « Le Film d’action : idéologie « ramboesque » et violence chorégraphiée », Positif n°443, dossier : « Le film d’action hollywoodien », Janvier 1998.

Eric Karson, réalisateur de Black Eagle, L’arme absolue avec Jean-Claude Van Damme (1988) tient exactement le même discours : « En Amérique, on appelle les films commerciaux des « motions pictures » : des « images en mouvement ». Dans le cinéma d’action justement, il n’y a que du mouvement. » (propos recueillis par Michael Valetti, Impact n°18, décembre 1988, p.18).

31 Le texte de Maurice bouchet « Naissance d’un corps en délire », David Bigorgne (dir.) : CinémAction n°112,

« Le surhomme à l’écran », p.12-20) établis des liens directs entre les procédés de reproduction mécanique du mouvement et l’apparition, au cinéma comme en bande-dessinée (qui se développe elle-aussi au début du

Figure 6 - Hulk

Deux scènes semblables à la fin de Hulk d’Ang Lee (2003) et de Speed Racer de Larry et Andy Wachowski (2007) illustrent le rôle de la scène d’action dans la mise en mouvement des images fixes (photogrammes) qui président à la création cinématographique. A la fin de Hulk, Bruce Banner, sous la forme d’un géant enragé, poursuit à travers le ciel son père transformé en une forme d’énergie malveillante. La créature verte bondit dans le ciel d’orage, la nuit est traversée d’éclairs. Ang Lee décompose les bonds de Hulk en une série de poses qui semblent s’imprimer dans les nuages comme sur une page blanche ou un fragment de celluloïd. Le cinéaste propose ainsi un équivalent cosmique des travaux de décomposition du mouvement d’Eadweard Muybridge : à l’alliance de la pellicule photosensible et de la lumière, répond ici celle de la surface des nuages et de la puissance de la foudre. Succession d’images fixes, le résultat tient autant du proto-cinéma que la bande dessinée (art de la séquence d’images fixes32

), support d’origine du personnage de Hulk. Cette immobilité produit un contraste avec le mouvement constant du cadre et des images (split screen,

morphing,…) sur lequel a reposé le film jusqu’alors. Mais Ang Lee filme ces images figées en

un long travelling aérien qui passe de nuage en nuage, de pose en pose, de photogramme en photogramme, ce qui transmet une impression de mouvement continu. Le réalisateur réinvente en quelque sorte la technique du praxinoscope qui repose sur l’accélération d’images fixes de façon à créer l’illusion progressive du mouvement en trompant la persistance rétinienne. La définition du cinéma donnée dans cette séquence est celle d’un mouvement spectaculaire qui se joue des contraintes matérielles du réel pour mieux animer les images du monde.

vingtième siècle), de figures héroïques caractérisées par leur dynamisme et leur plasticité corporelle, de Popeye à Tarzan et de Charlot à Mickey Mouse. L’auteur constate par ailleurs que le « caractère itinérant [du cinéma des premiers temps, montré sur les foires] n’est pas sans évoquer par ailleurs la mythologie du cirque et ses exhibitions sous chapiteau, similitude qui se poursuit jusqu’à travers ses icônes emblématiques, l’écran s’apprêtant en effet à son tour à faire entrer en scène ses propres dresseurs d’animaux, clowns et autres acrobates.

Les héros exotiques et urbains tels que Tarzan, Jim la jungle, Charlot, Buster Keaton, Harold Lloyd, Flash Gordon Superman, Batman, seront les premiers alors sur la liste à ouvrir le le bal de la nouvelle arène aux exploits, du nouvel espace théâtral. » (p.14).

32 « Décrire la vitesse dans une bande dessinée, c’est l’immobiliser » constate Harry Morgan dans son article

« Le mouvement, de Muybridge aux manga ». Gilles Ciment (dir.) : CinémAction hors-série : « Cinéma et bande-dessinée », 1990, p.39. La même remarque peut s’appliquer à la photographie, mais justement pas au

Figure 7 - Envol du goéland Figure 8 - La Fureur de vaincre Figure 9 - Matrix Reloaded (Etienne – Jules Marey)33

Dans une optique spectaculaire, le cinéma d’action altère volontiers les mouvements qu’il enregistre, de façon à en accentuer la lisibilité et/ou l’efficacité. Le Bullet time de la trilogie Matrix (1999-2003), réalisée par les frères Wachowski avant Speed Racer, proposait une forme de ralenti couplé avec un déplacement de la caméra dans un espace en volume. Les mouvements pouvaient y être ralentis jusqu’au figement, jusqu’à la superposition de plusieurs instants concomitants (et de plusieurs aspects d’une même action) dans une seule image. Cette technique est utilisée par les Wachowski en hommage aux ralentis didactiques des films de Bruce Lee, décomposant les mouvements du combattant jusqu’à provoquer une forme d’hypnose du spectateur comme de son adversaire (La Fureur de vaincre, Lo Wei, 1972). Elle renvoit aussi, une fois encore, aux expériences de Muybridge ou Etienne-Jules Marey : décomposer une trajectoire à partir d’une série de photographies d’un même sujet mobile prises presque simultanément et ensuite superposées34. On touche là au fondement de l’image photographique comme figement du temps, mort du mouvement. Grâce au Bullet time, les clichés fixes sont remis en mouvements et associés à un déplacement de caméra via un morphing numérique, de façon à proposer une réponse strictement cinématographique à la technique photographique : le mouvement est figé mais « remis en marche » par l’action et la technique cinématographique. De façon plus explicite encore, à la fin de Speed Racer, la voiture du héros, se déplaçant à une vitesse inimaginable, devenue pure trajectoire lumineuse, passe dans un tunnel décoré de sortes de plaques photographiques sur lesquelles sont décomposées les mouvements d’un zèbre au galop. Citant le cheval de Muybridge, les

cinéma.

33 Les références précises des œuvres d’art non cinématographiques qui illustrent notre propos sont indiquées en

annexe.

34

Les expériences de décomposition du mouvement de Marey se rapprochèrent le plus du cinéma en volume de

Matrix lorsque le photographe fit sculpter une synthèse des phases successives du vol d’un goéland, à partir de

photos instantanées prises à la fois en plongée verticale et à l’horizontale. Le résultat est une « masse de bronze d’où émergent 20 paires d’ailes piégées par le temps (volume engendré par le temps) » : le mouvement et le temps se figent et deviennent une matière en volume. Cet aspect du travail de Marey et sa mise en relation du mouvement avec le temps et l’espace sont abordés par Michel Frizot dans son article « Le temps de l’espace. Les préoccupations stéréognosiques de Marey », Thierry Lefebvre et Philippe-Alain Michaud (dir.) : 1895, Revue

de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma : « Le relief au cinéma », Paris, Octobre

Wachowski l’inversent surtout puisque le travelling très rapide qui suit le déplacement de la voiture produit un effet d’optique qui anime les poses fixes de l’animal. Le photographe anglais avait décomposé en poses fixes le mouvement de l’animal alors que le cinéma réinjecte du mouvement dans ces images figées. Dès le début du film, le jeune Speed joue avec un flip book (autre outil de la décomposition du mouvement, à l’usage cette fois-ci du cinéma d’animation dont Speed Racer intègre l’esthétique) et crée un mouvement à partir de ses dessins fixes, dans une métaphore transparente de la création cinématographique.

Figure 10 - Speed Racer

L’action est posée comme le moteur du cinéma, sa condition de possibilité35. Les images fixes, comme dessinées par l’image de synthèse, sont mises en mouvement et fondues les unes dans les autres afin de produire ce que Gilles Deleuze appelait « l’image-

mouvement » : non pas une image à laquelle on ajouterait du mouvement mais une image

intrinsèquement mobile, « une image composée de photogrammes, une image moyenne douée

de mouvement »36. L’image-mouvement repose sur une approche sensible du mouvement, non plus perçu au travers d’un figement arbitraire à partir « d’éléments formels transcendants

(poses) » mais « à partir d’éléments matériels immanents (coupes) »37.

35 Dans La Lucarne de l’infini, Noël Burch pose la question du passage des formes primitives du

cinématographe au « mode de représentation institutionnelle » du cinéma classique. Il constate l’importance de la poursuite – motif naissant de l’action spectaculaire – dans la constitution du montage cinématographique linéaire et duratif, tributaire d’une essentielle « pulsion linéaire » (Noël Burch, La lucarne de l’infini.

Naissance du langage cinématographique, Paris, L’Harmattan, 2007) : « si le film à poursuite va occuper, à

partir de 1903, une place privilégiée dans l’histoire du cinéma, c’est précisément dans la mesure où il comportera plusieurs plans. » (p.160) « Les premiers films à poursuite proprement dits, lesquels mettront en œuvre à la fois une idée de succession temporelle et une idée de contigüité spatiale (plus ou moins proche)sans qu’auraient encore été codifiées pour autant les règles qui permettront un jour d’ancrer ces successions, ces contigüités dans le corps du spectateur. » (p.161). « La continuité institutionnelle naît avec la poursuite, ou plutôt que celle-ci envient à exister et à proliférer pour que la continuité se constitue. Mais – et il s’agit là d’un trait absolument critique – la poursuite demeure à ce stade à l’intérieur du modèle Lumière, de ce que j’appelle l’autarcie du tableau primitif, qui rattache encore ce modèle à la carte postale. » (p.162).

L’action de la poursuite entraine le développement du montage linéaire, puis du montage alterné : « nous sommes à peu près certains que les premières manifestations courantes du syntagme alterné […] se rencontrent en France aux alentours de 1905 dans des films à « course ». » (p.172) Chiens contrebandiers (Georges Hatot, 1906) montre par exemple des chiens qui passent des marchandises dans la montagne et en parallèle les douaniers à leurs trousses, alors que le poursuivant et le poursuivi restaient dans le même plan dans les films de poursuite des années précédentes.

36 Gilles Deleuze, Cinéma 1 : L’image-mouvement, Paris, Les Éditions de Minuit, 1983, p.119. 37

Dans la lutte aérienne de Hulk ou les courses automobiles de Speed Racer, le mouvement de la scène d’action devient métaphoriquement celui nécessaire à la mise en branle de l’appareil de projection cinématographique. Les deux films prennent comme vecteurs du mouvement cinématographique des corps qui renvoient immédiatement à un imaginaire spectaculaire : un surhomme en image de synthèse et une voiture de course futuriste. Le mouvement de ces corps permet de créer l’« image moyenne » évoquée par Deleuze, de passer des « images-

instantanées, c’est-à-dire des coupes immobiles du mouvement »38

à ces « coupes mobiles de

la durée »39

que sont les images-mouvement.

Les appareils de prise de vue et de projection recréent par la technique le mouvement « naturel » du monde à partir de principes mécaniques, et nous pouvons d’ores et déjà annoncer que la tension entre une organisation technologique et un dynamisme vital est également la base thématique et esthétique du cinéma d’action contemporain.

Les images cinématographiques ainsi enregistrées et restituées contiennent elles-mêmes du mouvement et de l’action, et ce à plusieurs niveaux. A un premier niveau, sont mis en mouvement les objets filmés que nous appelleront de façon globale « corps », qu’ils soient humains, animaux ou objets (ces objets peuvent eux-mêmes être naturels ou manufacturés, dotés d’un mouvement immédiatement perceptible comme l’imposant train fonçant vers les spectateurs lors de son entrée en gare de La Ciotat, ou témoignant au contraire du simple frémissement du réel, comme les feuilles d’un arbre soufflées par le vent)40.

La mise en mouvement de la représentation imagée du monde permet de saisir le mouvement des corps qui le peuplent, un mouvement naturel ou exacerbé, toujours à des fins spectaculaires. Le dynamisme de l’image de cinéma se communique aux déplcaments de la caméra qui redoublent, dans l’image, le mouvement des corps. Le montage est un liant qui crée du mouvement entre les images, accentuant et englobant leur mouvement interne. Le montage crée une relation dynamique entre les images qui est la base syntaxique de la mise en scène du suspense et de la représentation des mouvements relatifs des corps dans l’espace et au temps.

38

Id., p.22.

39 Ibidem.

40 José Arroyo introduit l’ouvrage Action/Spectacle Cinema : A Sight and Sound Reader (op.cit.) en rappelant

que l’action et le spectacle font partie intégrante du cinéma depuis ses débuts. Alors que les analystes séparent traditionnellement le cinéma « réaliste » des frère Lumière de celui de Méliès qui tient du merveilleux, Arroyo rappelle que c’est d’abord le fait de montrer tout type d’images en mouvement qui surprit et fascina les premiers spectateurs du cinéma. Une scène désormais aussi innocente que La Sortie de l’usine Lumière à Lyon tenait du spectaculaire, de la magie et du miracle scientifique pour le public de 1895, au moins autant que le Bullet Time de Matrix pour celui de 1999 (p.VII).

Il en va ainsi des poursuites en montage alterné, figure récurrente du cinéma muet, présente aussi bien dans les mélodrames de Griffith que les premiers westerns et les comédies burlesques. La présence du montage alterné dans des films aussi différents montre déjà que les principes dynamiques, spectaculaires et narratifs, ne sont pas limités par leurs incarnations singulières dans un film, un genre ou une époque en particulier, mais qu’ils appartiennent plutôt à une définition globale de l’esthétique cinématographique.

Le « même » principe dynamique saisi en montage alterné préside à la poursuite finale d’Intolérance (David Wark Griffith) en 1916, à la poursuite entre une voiture et un métro aérien dans French Connection et entre deux coureurs dans Point Break (Kathryn Bigelow, 1991). Le mouvement apparaît bien comme le principe premier du cinéma : anhistorique et transnational, le mouvement met en relation les corps entre eux, avec leur environnement, et la caméra qui les accompagne.

Le montage alterné permet de distinguer les positions spatio-temporelles de plusieurs corps les uns par rapport aux autres. Il met le mouvement en perspective et l’inscrit dans un principe de causalité exprimé principalement par le montage. L’action est la finalité d’un mouvement, la dimension productive de celui-ci qui possède alors une certaine efficacité dans sa façon de toucher au but. Une action, c’est le mouvement qui se fait récit (ou du moins embryon de fiction), qui est inclus dans une structure qui dépasse l’exhibition de ses capacités. L’action au cinéma ne se réduit pas à l’enregistrement des mouvements du monde, aussi spectaculaires soient-ils, et doit au contraire être intégrée dans un réseau de relations qui lui donnent du sens. Gilles Deleuze tient à bien distinguer les différentes étapes qui composent une action et sa perception : « une action a bien une signification, mais ce n’est

pas celle-ci qui constitue son but, le but et les moyens ne comprennent pas la signification ; une action met en rapport deux termes, mais ce rapport spatio-temporel (par exemple, l’opposition) ne doit pas être confondu avec une relation logique. »41

Dans la scène de Terminator 2 (James Cameron, 1991), le jeune John Connor (Edward Furlong) fuit dans un couloir et se retrouve coincé entre le T-1000 (Robert Patrick) et le T-800 (Arnold Schwarzenegger), deux personnages menaçants dont on découvre en même temps que John la nature robotique et la mission (l’un à ordre de le tuer, l’autre de le protéger). Les actions et leurs buts dans cette scène sont simples : John court pour sauver sa vie, le T-1000 tire pour le tuer, le T-800 s’interpose pour sauver le garçon et tire également sur leur adversaire. Comme le remarquait Deleuze, chacune de ces actions dessine une

41

relation entre les personnages, envisagés en binôme : John fuit pour échapper au T-1000, le T- 1000 veut tuer John, le T-800 veut protéger John. Les moyens de ces actions sont ceux attendus d’un film d’action contemporain : les personnages font usage de leurs armes à feu

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