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128 Chapitre VI : Conclusion

VI.4 Mot de la fin et considérations épistémologiques

En conclusion, les travaux présentés à travers cette thèse ont permis de répondre aux objectifs formulés au départ, soit d’exploiter une méthode de recherche qui tient compte des principes de l’écologie génomique pour mieux comprendre comment l’activité biologique des parasites peut donner naissance aux interactions étroites qui s’exercent avec l’hôte. Une ressource moléculaire fonctionnelle a pu être créée grâce au séquençage et à l’assemblage d’un transcriptome de référence. Cette ressource, désormais disponible à toute la communauté scientifique, fournit des renseignements cruciaux sur la nature des outils moléculaires disponibles dans le génome d’un parasite afin de lui permettre d’infecter avec succès ses différents hôtes. Nos travaux, basés sur cette ressource, soutiennent le postulat de départ qui propose que l’exécution et le succès du programme parasitique repose sur la production d’un assemblage complexe de molécules qui possèdent le potentiel d’interagir avec certaines voies physiologiques hôtes, ou du moins de les perturber, à l’avantage du parasite. Nos travaux démontrent que les bases moléculaires de l’interaction entre un parasite et ses hôtes reposent sur la régulation dynamique et concertée de programmes fonctionnels précis qui sont orchestrés par un assemblage optimisé de gènes à la fois spécifiques et ubiquitaires. Les gènes de première importance dans la communication avec l’hôte et dans la complétion du cycle de vie semblent correspondre à des innovations moléculaires spécifiques à l’espèce qui exploitent notamment les réseaux de communication neurale pour percevoir et répondre aux signaux environnementaux générés par l’hôte.

Ces conclusions suggèrent que le parasitisme n’est pas le résultat d’une seule molécule ou d’une seule voie métabolique, mais plutôt d’une complexité de structures moléculaires hôtes et parasites (composantes du système) qui s’entrechoquent à un moment précis (stades de développement) dans un contexte particulier (l’environnement interne et externe de l’hôte). C’est donc l’interaction entre toutes les composantes moléculaires du système, influencées par les conditions du milieu, qui permettent l’émergence du parasitisme. Dans ce contexte, les entités

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que nous percevons autour de nous, tant animées que inanimées, n’existent pas dans le réel autrement que par les interactions qui les définissent. En d’autres mots, le réel n’est qu’une construction fractale de multiples composantes en perpétuel mouvement d’interaction.

Les mêmes lois fondamentales du monde de la Nature reviennent à toutes les échelles d’organisation de la matière. Ces lois reposent sur les concepts d’interaction et de transformation. Les interactions entre composantes du système à chacun des niveaux et l’intégration des niveaux les uns dans les autres constituent le scellant structurant qui permet l’émergence de propriétés du système, qui sont plus grandes que la somme de leurs parties. En mécanique quantique, un ensemble de différents types de particules élémentaires, organisées dans un contexte particulier (électrons qui occupent des niveaux énergétiques probabilistes définis autour d’un centre composé de protons et neutrons), permet d’expliquer le comportement chimique et spectroscopique des éléments fondamentaux de la matière. Lorsque seulement un électron interagit avec seulement un proton, l’atome d’hydrogène émerge. Or si huit protons interagissent avec huit neutrons et que huit électrons occupent certains espaces énergétiques autour de ce centre, l’atome d’oxygène émerge. Pourtant ce sont les mêmes particules élémentaires qui composent ces deux éléments fondamentaux. Tout dépendant de la manière dont ces particules interagissent et s’organisent les unes par rapport aux autres, on assiste à l’émergence de propriétés physico-chimiques différentes et complémentaires. Le niveau atomique n’a de sens dans le réel qu’à la lumière des interactions entre ses composantes fondamentales (électrons, neutrons, protons) dans un environnement donné (orbitales énergétiques occupées par les électrons autour du noyau). Lorsque deux atomes d’hydrogène partagent une partie de leur énergie avec un atome d’oxygène, à l’intérieur d’un environnement donné qui est défini par des conditions de température et de pression, une molécule d’oxyde de dihydrogène se forme. Si de très nombreuses molécules d’oxyde de dihydrogène entrent en contact, leurs atomes (composantes fondamentales) vont interagir par forces électrostatiques (c’est-à-dire en partageant leur énergie grâce aux ponts H). De cette interaction émerge un corps chimique fondamental sur terre : l’eau. La forme que prendra ce corps chimique, soit en gaz, en solide ou en liquide, dépend des composantes qui l’environnent, soit la température et la pression barométrique. Le type d’interactions entre éléments fondamentaux (ponts H, covalence, force de van der Walls) déterminera ainsi les

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propriétés de la matière. L’eau a permis l’émergence de la vie cellulaire sur Terre. Mais une cellule n’existe pas en soi et pour soi. Elle n’est qu’une organisation momentanée d’innombrables composantes moléculaires qui s’associent, se dissocient et se transforment à travers une multitude de réactions biochimiques déterminées et alimentées par les conditions du milieu, soit l’environnement dans lequel la cellule se trouve. La nature des interactions biochimiques qui s’exercent à l’intérieur et autour de la cellule permet l’émergence du type cellulaire et ce sont ces cellules spécialisées et la manière dont elles sont organisées dans l’environnement qui donnent naissance aux organes et aux systèmes desquels dépendent les organismes vivants. Les êtres vivants sont à leur tour une construction complexe d’interactions antagonistes et complémentaires entre leurs cellules, les cellules d’endosymbiontes externes et internes, les cellules de parasites externes et internes qui les colonisent et les autres organismes qui composent l’écosystème duquel ils font partie. Les mêmes concepts et les mêmes règles générales s’appliquent aux corps célestes et à la dynamique cosmique. La formation de systèmes solaires, et plus globalement de galaxies, repose sur un assemblage d’interactions de répulsion, d’attraction, de collision et de fusion entre les atomes, permettant ainsi l’émergence de corps célestes en mouvement les uns par rapport aux autres, une dynamique qui rappelle les principes fondamentaux qui régissent l’émergence de la matière à fine échelle. Tout dépendant du type de corps célestes qui interagissent, de la nature et de la force de leurs interactions, des galaxies possédant différentes propriétés émergeront (Liddle 2015). En somme, ces quelques exemples succinctement décrits exposent la nature fractale du monde réel qui nous entoure et mettent l’accent sur l’importance de remettre chacun des niveaux d’organisation de la matière en contexte avec le reste du système pour en comprendre la structure.

Le concept d’interaction demeure central dans notre compréhension non pas juste du monde biologique, mais de tout le réel qui nous entoure. Comment peut-on, dans ce contexte, transférer nos connaissances des lois qui régissent les systèmes biologiques pour mieux comprendre nos sociétés et la manière dont sont structurés nos systèmes socio-culturels ? Peut-on tirer des leçons du vivant pour éviter l’émergence de propriétés culturelles pernicieuses associées aux interactions négatives d’exploitation, de domination et d’exclusion ? Je terminerais en précisant que la manière dont on conçoit ce réel, avec nos propres outils cognitifs, n’est pas non plus absolue et doit forcément refléter la manière dont notre cerveau interagit

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avec cette réalité. Le monde pourrait se révéler bien différent si notre contact avec le réel était différent. Notre perception des évènements du réel demeure par conséquent éternellement subjective et transformable.

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