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3. Potentiel de l’anéthol dans le traitement du cancer buccal

3.5 La mort cellulaire

La mort cellulaire programmée est un processus interne essentiel permettant de maintenir un équilibre entre la mort et la division cellulaire (Figure 19).[144] Parmi les processus de mort

cellulaire, on retrouve principalement, mais non exclusivement, l’apoptose. L’apoptose est un mécanisme de mort cellulaire induisant divers changements de morphologie cellulaire en plus d’altérer les propriétés biochimiques.[113] Le processus d’apoptose a généralement lieu

lorsque les cellules sont endommagées, notamment par le stress oxydatif ou par le dommage à l’ADN, et qu’elles ne sont pas en mesure de se réparer.[145, 146] La nécrose, contrairement à

l’apoptose, est un processus de mort cellulaire majoritairement non programmée qu’il est possible d’observer par cytométrie en flux à l’aide de marquage à l’iodure de propidium.[147]

3.5.1 L’apoptose

L’apoptose peut avoir lieu par voie intrinsèque ou extrinsèque.[113, 144, 149] La différence réside

dans le type d’activation et des caspases initiatrices. Les caspases sont des protéases possédant une cystéine sur leur site actif et dont le clivage d’un acide aspartique conduit à l’activation d’une cascade de réactions protéolytiques intracellulaires (Figure 20).

La voie extrinsèque est déclenchée par la liaison de protéines de signalisation extracellulaires aux récepteurs de mort cellulaire à la surface de la cellule par le complexe DISC qui active les procaspases initiatrices 8 ou 10. La voie intrinsèque est déclenchée par des conditions de stress sans avoir recours à des récepteurs membranaires par le complexe apoptosome et le relâchement du cytochrome C, provenant de la mitochondrie, qui active la procaspase 9. L’activation des procaspases, initialement présents à l’état inactif, se fait via l’autoclivage protéolytique et par l’intermédiaire de protéines adaptatrices qui permettent le rapprochement des procaspases afin de former un complexe d’activation. Une fois clivées, elles activent d’autres caspases, dont la 3 et la 7 qu’on nomme les procaspases exécutrices. Ensuite, l’activation de ces dernières permet de cliver des protéines cibles, de fragmenter l’ADN et le noyau. Finalement, les signaux et l’exposition des phosphatidylsérines, un type de phospholipides, dans le milieu extracellulaire, causé par le changement de perméabilité membranaire, sont reconnus par les récepteurs du phagocyte afin d’internaliser et ingérer la

cellule apoptotique.[150, 151] Ces phospholipides favorisent également le marquage par la

protéine annexine V permettant ainsi de visualiser les cellules en apoptose.[147]

La voie intrinsèque est principalement régulée par la grande famille des protéines Bcl-2 composée de protéines pro et anti-apoptotiques. Les protéines anti-apoptotiques Bcl2, formées de quatre domaines, sont localisées sur la face cytosolique de la membrane externe de la mitochondrie et du réticulum endoplasmique. Leur rôle essentiel pour la survie cellulaire consiste à préserver l’intégrité de la membrane. Les protéines proapoptotiques à BH3 seulement inhibent l’action des protéines anti-apoptotiques permettant l’activation des protéines BH123 dont Bax. Ces dernières sont activées en présence de stimulus apoptotiques. Les protéines BH123 forment des oligomères dans la membrane externe de la mitochondrie libérant diverses protéines, dont le cytochrome C.[113, 149, 152]

Figure 20 . Schéma de la voie intrinsèque et extrinsèque de l’apoptose. La voie intrinsèque de l’apoptose

est déclenchée par un stress intracellulaire activant les protéines proapoptotiques de la famille Bcl2 au niveau de la mitochondrie. Cette activation permet la libération du cytochrome C et la formation de l’apoptosome activant les caspases initiatrices 9. La voie extrinsèque est plutôt déclenchée par des signaux extracellulaires activant le complexe DISC suivi des caspases 8 et 10. L’autoclivage des caspases initiatrices active les caspases exécutrices 3 et 7 s’en suit une cascade protéolytique favorisant l’apoptose. Les IAPs inhibent les caspases par ubiquitination. (Adaptée de Alberts et coll.[113])

Les protéines inhibitrices de l’apoptose (IAP) jouent également un rôle crucial dans la régulation de l’apoptose. Elles ont la capacité d’inactiver les caspases par polyubiquitination. Une fois ubiquitinée, les caspases sont dégradées par le protéasome. Ce type d’inhibition permet de déterminer un seuil d’activation pour la mort cellulaire.[113, 152]

3.5.2 La nécrose

La nécrose est un mécanisme de mort cellulaire non contrôlée survenant en situation de choc, comme lors de l’hypoxie, un manque de nutriments et en présence de chaleur, de produits chimiques ou d’inflammation.[144, 148] Dans cette situation, la cellule n’est plus en mesure de

conserver une homéostasie avec l’environnement et manifeste un gonflement de la cellule, provoque une rupture de la membrane et la libération du contenu cytoplasmique, dont high–

mobility group box 1 (HMGB1), une protéine de la chromatine jouant un rôle dans

l’inflammation, et la lactate déshydrogénase. Cette rupture provoque une régulation positive des composés pro-inflammatoires et le recrutement des cellules immunitaires. La présence de nécrose chez les patients cancéreux serait un indicateur de la taille tumorale plus élevée et d’un mauvais pronostic en raison d’une chimiorésistance et de la formation de métastases.[148]

Des études plus récentes ont également démontré une nouvelle forme de nécrose qu’on appelle nécroptose.[153, 154] La nécroptose est une forme de mort cellulaire non apoptotique

qui peut être activée par les récepteurs du TNF, des cellules T, de l’interféron, des récepteurs Toll ou des stress métaboliques lorsque les caspases sont inactivées de manière génétique ou pharmacologique. Ce mécanisme de mort cellulaire dépend des récepteurs RIPK (receptor-

interacting protein kinases). Ainsi, l’inactivation de la caspase 8 à la suite de la liaison du

ligand au récepteur permet la phosphorylation des protéines RIP1 et RIP3 ce qui permet ainsi la formation du nécrosome et l’initiation de la nécroptose.

3.5.3 L’autophagie

L’autophagie, qui signifie « se manger soi-même », est un mécanisme de mort et de survie cellulaire.[155] Il s’agit d’un processus catabolique hautement conservé et régulé qui permet

de maintenir l’homéostasie.[156] Cependant, un dérèglement de la machinerie peut entraîner

diverses conditions pathogéniques et causer le développement de cancer notamment en agissant comme promoteur de métastases.[154] Il est possible de retrouver un niveau basal

d’autophagie assurant un équilibre avec la dégradation des vieilles protéines et le renouvellement des organites endommagés. L’autophagie est également en étroite relation avec l’apoptose notamment grâce au facteur autophagique beclin1 et aux caspases. Cependant, en condition de manque de nutriments, d’oxygène, en présence de stress ou lors d’une infection, l’autophagie est fortement induite. L’autophagie permet donc d’éliminer des macroprotéines, des agrégats protéiques, des microorganismes et des organites endommagés en plus de favoriser l’autonutrition. L’autophagie peut s’effectuer via trois mécanismes, soit la macroautophagie, la microautophagie et l’autophagie médiée par les chaperonnes (Figure 21). [154, 157-159]

Figure 21 . Processus de l’autophagie. La macroautophagie repose sur l’activation du complexe

autophagique permettant le déclenchement de la nucléation et de l’élongation du phagophore pour séquestrer les constituants du cytoplasme et former l’autophagosome. Ce dernier fusionnera avec un lysosome pour dégrader le contenu et former l’autolysosome. L’autophagie médiée par des chaperonnes transporte les protéines dépliées directement dans la membrane. La microautophagie a lieu lorsque la cargaison est directement absorbée par invagination dans la membrane lysosomale. Les produits seront dégradés et libérés dans le cytosol. (Tirée de Parzych et Klionsky[158])

La macroautophagie, la forme prédominante, correspond à la fusion de l’autophagosome avec le lysosome pour permettre la dégradation. La microautophagie est un mécanisme plus spécifique correspondant à l’invagination de la membrane lysosomale pour permettre sa dégradation. Finalement, l’autophagie médiée par les chaperonnes permet de transloquer les protéines cibles à travers la membrane lysosomale pour permettre la dégradation.

L’autophagie est fortement régulée par la protéine kinase AMP-dépendante (AMPK) et la kinase mTOR.[36, 113, 157, 158] En condition d’abondance nutritionnelle, mTOR inhibe le

complexe autophagique (ULK-FIP-ATG). En condition de carence nutritionnelle, la protéine kinase AMPK phosphoryle les protéines du complexe et active des inhibiteurs de mTOR, dont tuberous sclerosis complex (TSC), un suppresseur de tumeur, et raptor, menant à l’activation de la voie de l’autophagie. Les espèces réactives d’oxygène (ROS) ont également la capacité d’activer directement le complexe autophagique ou indirectement par l’inhibition de mTOR ou l’activation des voies de signalisation MAPKinase. Une fois activée, il se produit la nucléation et l’élongation du phagosome permettant de former une membrane autour du matériel à ingérer. Il s’ensuit une formation d’un autophagosome scellé à double membrane. Après maturation, l’autophagosome fusionne avec le lysosome pour former l’autolysosome. Finalement, la membrane interne et le contenu seront digérés par les hydrolases lysosomales.

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