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moments y sont clés : modeling (démontrer), scaffolding (étayer les connaissances), fading

(effacer) et coaching (accompagner). Dans ce cas, l’apprenti pourra apprendre par

l’obser-vation et l’imitation. L’obserl’obser-vation est importante pour que l’apprenti génère un modèle

conceptuel de la tâche à accomplir avant même de faire la tâche (Lave, 1996).

Collins, Brown, & Holum (1991) mettent en avant trois différences entre l’apprentissage

situé et l’apprentissage cognitif. Dans l’apprentissage situé, l’apprenti est en mesure

d’ob-server l’expertise qu’il doit acquérir. Dans le cas de l’apprentissage cognitif, l’enseignant

expert doit rendre visible ses processus cognitifs experts et à l’inverse l’étudiant doit aussi

être capable de partager les processus cognitifs qu’il utilise. La deuxième différence est liée

à la contextualisation de l’expertise. En effet, dans le cas d’une situation en entreprise, les

processus sont contextualisés dans la réalité d’un projet alors que dans le cas du studio de

projet en école, l’enseignant doit faire l’effort de situer le projet dans un contexte réel. Enfin,

la troisième différence entre les deux est en relation avec le transfert de connaissances.

Dans le cas de l’apprentissage en entreprise, l’apprenti a une tâche ciblée et concrète, alors

que l’apprentissage cognitif a pour enjeu de proposer une variété de projets pour encourager

les étudiants à articuler leurs connaissances et compétences acquises sur chacun des projets.

Nous décrirons par la suite (section 3.1, p.81) les stratégies pédagogiques définies par

Col-lins, Brown, & Holum (1991) que nous pouvons appliquer à la situation du studio de projet.

2.1.2 Culture et environnement du studio de projet

L’environnement d’apprentissage du studio de projet fait écho à la définition de

l’appren-tissage social et situé. La culture du studio est l’ensemble des valeurs héritées de la culture

du domaine de l’architecture. Elle s’illustre à travers les savoir-faire de la conception

ar-chitecturale mais aussi les savoir-être qui forment l’ethos (normes et manière d’être) de la

profession (Cuff, 1991). Le studio est centré sur un partage des mêmes valeurs

architectu-rales et d’une même base de connaissances en conception. L’ethos des étudiants architectes

naît dans cette culture du studio. Le contexte social et communautaire du studio favorise le

sentiment d’appartenance à un groupe, l’immersion et l’appropriation de la culture

archi-tecturale. La notion de CoP est présente dans le studio à travers la dimension

profession-nelle du studio, la collaboration entre les différents acteurs du studio (enseignants, étudiants,

invités) et le développement d’un jargon architectural (Cennamo & Brandt, 2012; Shaffer,

2007).

Le sentiment de communauté est accru par le partage du même espace physique. Lawson

& Dorst (2009) soulignent l’importance de la localisation en un endroit physique d’une

source d’expertise (l’enseignant), des conseils de leurs pairs et des références communes

en conception avec l’installation d’une bibliothèque de studio par exemple. L’accessibilité

au studio est flexible, il est ouvert en permanence et s’adapte à la temporalité des activités.

L’organisation des meubles du studio n’est pas figée ce qui permet à chaque étudiant

d’avoir un espace individualisé. La configuration spatiale du studio peut aussi s’adapter

pour les moments de mise en commun (Cennamo & Brandt, 2012; Shaffer, 2007). Il y a

une forme de contrôle graduel de l’espace du studio en lien avec ses activités : privé lors

des sessions hebdomadaires de critique de projet et semi-public lors des rendus et jurys.

Brandt et al. (2013) propose le concept de practice community pour définir la culture du

studio, entre la notion de CoP de l’apprentissage situé et le système universitaire. Le studio

de projet propose une imitation de la pratique en agence d’architecture. L’enseignant

prin-cipal peut être assimilé à un chef de projet, les étudiants partagent le même espace de travail,

le cahier des charges peut être réel, tout comme le site. Brandt et al. (2013) rappellent les

similitudes entre le studio et la CoP : les étudiants et enseignants partagent le même

voca-bulaire, les mêmes ressources et le projet à concevoir a une dimension réaliste et gagne

progressivement en complexité. De plus, le studio favorise un environnement

communau-taire où la collaboration entre les enseignants, les étudiants et leurs pairs est favorisée.

Même si ces caractéristiques correspondent aux principes de l’apprentissage situé, elles ne

répondent pas entièrement à certaines de ses considérations (Lawson & Dorst, 2009; Nicol

& Pilling, 2000). Le studio manque de qualités réalistes d’une pratique architecturale, car

le monde de l’université a lui aussi des règles, valeurs et pratiques. La temporalité du projet

est différente car elle doit suivre celui du semestre académique. Le client est la plupart du

temps un personnage fictif qui n’interfère pas dans le processus de conception, de même

que d’autres acteurs du projet (constructeurs, ingénieurs, usagers) et le budget n’est pas

cadré. Le studio apparaît donc comme un pont entre la notion de CoP du monde

profes-sionnel et la communauté académique.

2.1.3 L’apprentissage par projet en studio

Dans le studio de projet en architecture, les étudiants apprennent à concevoir par le faire,

c’est-à-dire par la conception d’un projet d’architecture (Schön, 1985). Le studio favorise

un environnement d’apprentissage par un processus d’essai et d’erreur. La position des

enseignants consiste principalement à pousser les étudiants à réfléchir sur la solution qu’ils

proposent plus qu’à leur donner une solution toute faite. Le format d’apprentissage par la

conception d’un projet en studio peut être calqué sur l’approche cognitiviste et

constructi-viste de l’apprentissage : les étudiants sont confrontés à une tâche qu’ils ne peuvent pas

complètement résoudre (concevoir un projet en fonction des exigences de conception),

pro-voquant un déséquilibre dans leurs structures cognitives. Pendant l’activité de conception,

les étudiants se réfèrent à leurs schémas de conception (Lawson, 2004; Piaget, 1975) qui

sont leurs structures cognitives actuelles. Ces schémas ne sont pas matures, c’est pourquoi

l’enseignant joue un rôle majeur en les accompagnant pour qu’ils assimilent de nouvelles

informations sur la conception, ce qui ancre cet apprentissage dans une dimension sociale.

Les enseignants prennent le rôle de mentor, de guide, de coach et de modèle pour les

étu-diants, ce qui les aide à explorer leurs zones de développement proximal (ZDP) pour traiter

le problème de conception auquel ils sont confrontés.

Le novice (étudiant), comparé à l’expert (enseignant), aura des difficultés à évaluer son

projet et cadrer le problème de conception (Cross, 2004). Cette difficulté peut entraîner une

fixation précoce d’un concept qui ne fonctionne pas ou une exploration excessive

d’alter-natives sans être capable de voir si le concept est pertinent ou non. Le rôle de l’enseignant

pendant la critique est d’accompagner l’étudiant dans sa pratique réflexive pour évaluer

son projet, reformuler ou détailler ses intentions de projet et concrétiser une proposition.

Les schémas de conception de l’apprenant se développent à travers leurs expériences en

studio. Le modèle de l’apprentissage expérientiel de Kolb (Kolb & Kolb, 2005; Kolb, 1984),

s’appuyant sur les travaux de Piaget (1975) et de Dewey (1938), représente un cycle

d’ap-prentissage en quatre temps liés à l’expérience : l’expérience concrète (EC), l’observation

réflexive (OR), l’abstraction conceptuelle (AC) et l’expérimentation active (EA).

L’ap-prentissage passe par une transformation cyclique de l’expérience entrainant un ajustement

des structures cognitives de l’apprenant, qui reflète la notion d’accommodation de Piaget.

Ce cycle d’apprentissage s’adapte au modèle du studio avec les activités suivantes :

par-cours et expérience du site (expérience concrète), réflexion sur le contexte du projet

(ob-servation réflexive), travail de conception du projet (conceptualisation abstraite), réflexion

sur le processus de conception (expérimentation active) (Khorshidifard, 2011). La

multi-plicité des activités, visites de site, voyages d’étude, conférences d’intervenants invités,

temps de studio, sessions critiques et jurys, apporte des expériences d’apprentissage riches