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La notion de primary generator , tirée d’études empiriques, soutient qu’une ou plusieurs solutions concepts apparaissent très rapidement dans la temporalité du processus de

con-ception (Darke, 1979). Lawson & Dorst (2009) parlent de la notion de raisonnement

paral-lèle, qui exprime une manipulation simultanée de plusieurs solutions concepts. Ces

con-cepts, souvent visuels, répondent à quelques objectifs définis par le concepteur et

permet-tent la réduction de l’ensemble des solutions possibles. Les solutions concepts permetpermet-tent

de recadrer ou restructurer l’espace problème par l’exploration de solutions. Le modèle de

coévolution de l’espace de conception de Maher & Poon (1996) représente ce principe de

navigation entre espace problème et espace solution. L’enjeu pour le concepteur est de

reconnaitre les éléments liés dans l’espace problème pour structurer partiellement cet

es-pace. Le but est de produire un ensemble connecté entre espace problème et espace solution.

L’exploration de l’espace de conception s’effectue par l’itération de processus d’analyse,

de synthèse et d’évaluation entre ces deux espaces (Dorst & Cross, 2001; Lawson, 2006).

L’activité de conception peut être considérée comme le déplacement de l’effort cognitif

entre la considération du problème et la considération de la solution. Le saut ou pont créatif

(moment « aha ! ») est associé à cette capacité du concepteur à combiner de manière

syn-chrone un élément de l’espace problème et un élément de l’espace solution (Dorst & Cross,

2001). La coévolution de l’espace problème et de l’espace solution est intégrée dans la

notion de pratique réflexive. En effet, la pré-solution ou solution concept (primary

genera-tor) est bien souvent liée à l’expérience du concepteur.

Les processus de conception s’expriment de différentes manières en fonction du niveau

d’expertise du concepteur. Le modèle d’évolution des compétences de Dreyfus & Dreyfus

(1980) est appliqué aux compétences du concepteur par Lawson & Dorst (2005). La

ma-nière dont l’expert navigue dans l’espace de conception, sollicite ses schémas de

concep-tion ou représentaconcep-tions mentales de concepconcep-tion et s’appuie sur son écosystème de

représen-tations diverge de celle du novice (Cross, 2004). Cet écart représente l’ensemble de

con-naissances et compétences que les étudiants en architecture visent à acquérir au cours de

leur formation dans le cadre des studios de projet et lors de leurs premières années de

pra-tique.

2.1.5 Importance de la critique de projet dans

l’apprentissage de studio de projet

Les sessions critiques rythment la temporalité du studio et l’avancement du projet de

l’étu-diant. Le format des critiques de projet varie de la session en tête-à-tête impliquant un

en-seignant et un étudiant, à des critiques de groupe, des discussions entre pairs et des jurys

de rendu (Anthony, 1991; Oh et al. 2013; Parnell et al. 2007). Les sessions critiques

indi-viduelles sur table offrent, sur une base régulière, un espace où les étudiants peuvent

con-fronter leurs projets à l’expertise de l’enseignant, chercher des conseils et des réponses

lorsqu’ils sont confrontés à un problème de conception spécifique ou sont totalement

blo-qués (Sachs, 1999). D’autres formats de critiques, comme les jurys, permettent aux

étu-diants d’avoir un retour sur leur projet par un panel plus large d’experts et de s’entrainer à

la communication orale du projet. Ils permettent également de valider certaines étapes de

conception du projet (jury intermédiaire) et d’évaluer la qualité architecturale des projets

en vue de noter la performance de l’étudiant (jury final). La critique en groupe est une

bonne alternative car les étudiants apprennent autant par la critique sur leur projet que par

celle des autres (Cennamo & Brandt, 2012). Dans ce format, la sollicitation des étudiants à

participer est facilitée et l’enseignant peut mettre en place des méta-discussions sur un

élé-ment clé d’un ou plusieurs projets. Le rôle de l’enseignant devient celui d’un chorégraphe

plutôt que d’un coach, il laisse faire la critique entre pairs et prend un rôle de médiateur

pour faciliter la discussion (Mewburn, 2012; Oak & Lloyd, 2016; Parnell et al., 2007). La

présentation des projets sous forme d’une exposition est aussi une possibilité. L’importance

est de faire varier l’environnement de présentation, physique et numérique, pour diversifier

les compétences des étudiants (Anthony, 1991).

Selon le format, non seulement les connaissances et les compétences en matière de

concep-tion sont développées, mais aussi les compétences interpersonnelles, c’est-à-dire des

com-pétences liées au savoir-faire relationnel (écoute, dialogue, collaboration). Les objectifs de

la critique sont d’évaluer le travail des étudiants, tout en fournissant un retour constructif

sur l’avancement du projet. Le contenu de la critique dépend des enseignants du studio et

des membres invités durant les jurys. Certains s’impliqueront dans des éléments spécifiques

du projet parce qu’ils possèdent des connaissances expertes sur ces éléments (Barrett, 2000;

Healy, 2016). Le contenu des critiques des enseignants s’ajuste en fonction des objectifs

pédagogiques qui peuvent être centrés sur le processus de projet ou sur le concept, accorder

de l’importance à la qualité de la communication, être orientés vers une recherche

d’inno-vation avec une priorité à la créativité ou au contraire mettre l’accent sur le fonctionnalisme

(Goldschmidt et al. 2014).

2.1.5.1 Modalités de la session critique

Le modèle d’apprentissage expérientiel de Kolb (1984) peut également s’associer aux

mo-ments de la session critique (Parnell et al. 2007). La présentation du projet est

l’expérimen-tation concrète (EC). La réflexion sur l’échange et la critique avec l’enseignant est

consi-dérée comme observation réflexive (OR). La généralisation des informations sur la

con-ception du projet discuté pendant la critique devient la conceptualisation abstraire (CA).

L’expérimentation de ces idées dans le projet est décrite comme une expérimentation active

(EA). Les deux premières étapes (expérimentation concrète et observation réflexive) sont

partagées lors de la session critique entre l’enseignant et l’étudiant alors que les deux

der-nières étapes (conceptualisation abstraite et expérimentation active) sont effectués par

l’étudiant entre les sessions critiques de projet (Milovanovic et al., 2018).

Oh et al. (2013) proposent un cadre descriptif de la situation de la session critique, en

iden-tifiant onze facteurs divisés en deux catégories. La première catégorie inclut les conditions

de la critique : les phases de conception, les différences individuelles entre les étudiants,

les connaissances et expériences passées, le type de réponse de l’étudiant, les artefacts du

projet, et les objectifs d’apprentissage. Les méthodes de la critique sont la deuxième

caté-gorie, et englobent le type de critique, la relation enseignant / étudiant, les modalités de

communication, le contenu de la critique, et la formulation de la critique. Oh et al. (2013)

ont également observé une organisation séquentielle de la critique se résumant en quelques

étapes : les étudiants présentent leur travail, les enseignants écoutent et observent et souvent,

ils peuvent signaler des problèmes potentiels de conception qui conduisent à une discussion